Paroles de…

mis en ligne le 25 mars 2010
Il se prénomme François. âge : 53 ans. Il habite Cestas, près de Bordeaux. C’est du genre monsieur tout l’monde.
Le 5 mars, vers 15 h 30, il va faire des courses, et, comme d’habitude, il emprunte la rocade extérieure de Bordeaux.
Deux CRS à moto le doublent et l’invitent à se ranger sur le bas-côté.
« Vous étiez en train de téléphoner, je vous ai vu avec un portable noir. »
Résultat des courses, le motard au regard d’aigle dresse contravention. Une prune de 20 euros et deux points en moins.
Jusque-là, rien que de très banal.
Jusque-là… !
Le problème, car il y a un problème, c’est que François ne téléphonait pas. Il le dit, et précise, que son portable est resté chez lui. En fait, il se grattait l’oreille et le portable noir que le flic a cru voir, c’était tout simplement… ses moustaches. Le CRS n’a rien voulu savoir, ni vérifier. Il avait vu. Point barre.
Une enquête, même sommaire, eût été à même de faire la lumière sur cette affaire du siècle. Juste un coup de fil à l’opérateur et hop, on aurait su tout de suite si, à l’heure du crime, un appel avait été passé ou reçu, et où se trouvait le portable, à Cestas ou à Bordeaux.
Mais la police n’enquête pas à propos de vulgaires contraventions. Pas le temps. Pas les sous. Autre chose à faire.
Bref, pour François, une seule solution, entamer une procédure. D’où frais d’avocat, de dossier… Et tout cela pour 20 euros et deux points de moins. Et, même pas sûr que ça l’fasse. Car s’il sera aisé de prouver que son portable était chez lui et n’a passé ou reçu aucun appel, il sera impossible de prouver qu’il ne téléphonait pas avec le portable… d’un ami.
En clair, le magistrat appelé à juger cette affaire criminelle d’importance devra choisir entre la parole d’un flic et celle, toute de bonne foi, d’un citoyen lambda coupable de s’être gratté l’oreille et de porter moustaches.
Mon petit doigt me dit que pour François, ce n’est pas gagné !