Pôle emploi : comment se passe la fusion ANPE-Assedic

mis en ligne le 19 novembre 2009
Pour les chômeurs
La fusion a eu des effets juridiques en matière de versement de certaines aides ex-ANPE et ex-Assedic. La plus emblématique est l’aide aux déplacements.
- À l’ANPE existait une aide financière pour les chômeurs indemnisés ou non pour venir à un entretien ANPE, se rendre à une prestation ANPE, aller à un entretien d’embauche, etc… Du côté Assedic il y avait aussi des aides mais seulement pour aider à la reprise d’emploi : aides pour prendre un emploi éloigné de plus de 50 km, aide au déménagement, à la double résidence… et ceci uniquement pour les chômeurs indemnisés. La fusion a de fait supprimé ces aides puisque les 2 organismes n’existaient plus. D’autres aides ont été créées dès janvier 2009, mais elles ne concernent plus que la reprise d’emploi. Plus aucune aide financière pour les chômeurs convoqués tous les mois à Pôle Emploi, et il faut savoir que dans une agence comme Millau, certains font 160 km aller-retour pour venir !
- Autre suppression : l’allocation de fin de formation, qui permet d’être payé en formation même quand on a terminé ses droits Assedic. Devant le tollé provoqué par les associations de chômeurs qui ont interpellé les politiques, cette aide a été rétablie en avril ou mai, mais sans cette mobilisation, rien ne se serait passé…
- Le 3949 : un numéro unique d’appel pour tous les services indemnisation ou placement. Au départ, ce numéro était surtaxé (si, si !) et n’entrait pas dans les forfaits des opérateurs de téléphonie mobile ! Là aussi, il y a eu mobilisation des demandeurs d’emploi, des agents de Pôle Emploi, des syndicats, et l'État a forcé les opérateurs à inclure le 3949 dans les forfaits…
Il faut essayer au moins une fois d’appeler le 3949 pour comprendre sa douleur. C’est d’abord un serveur déshumanisé qui répond, et s’il arrive à suivre les indications, le demandeur d’emploi finit par tomber sur un conseiller qui doit répondre à sa demande et ne jamais (sic !) lui passer une agence. Comme ces « téléconseillers » sont souvent des CDD recrutés pour 6 mois et formés à la va-vite, les réponses sont souvent approximatives, voire carrément erronées. Le chômeur peut rappeler 10 fois et avoir 10 réponses différentes si son problème est complexe ou qu’il ne sait pas trop comment l’expliquer…

Le référent unique
En théorie, à présent, chaque demandeur d’emploi a un seul référent à Pôle Emploi, qui le convoque tous les mois, suit sa recherche d’emploi, s’occupe de son dossier d’indemnisation, etc. En théorie seulement. Car les agents ex-ANPE ne sont pas formés aux procédures Assedic et les agents ex-Assedic pas formés aux procédures ANPE. Avant la fusion, un conseiller ANPE nouvellement recruté avait 6 mois de formation en centre de formation avec des périodes d’application en agence. Un conseiller Assedic avait à peu près la même durée de formation initiale. Pour la fusion, les conseillers Assedic ont eu le droit à sept jours de formation sur le métier ANPE, et les conseillers ANPE ont eu le droit à cinq jours sur le métier Assedic. Avec si peu de formation, évidemment, aucun des deux ne peut vraiment répondre sur le métier de l’autre. De plus, le chômeur ne peut joindre « son » conseiller qu’en passant par le 3949. Les conseillers n’ont pas de ligne directe, pas de numéro spécial…
En fait la plate-forme téléphonique demande au chômeur de faire un mail à son conseiller pour pouvoir le joindre ! Encore faut-il avoir Internet, ce qui n’est pas le cas de tout le monde… Sinon, il fera un courrier ou bien il viendra dans son agence, où on lui dira que son conseiller ne peut pas le recevoir sans rendez-vous et donc… retour à la case départ.

Conséquences pour le personnel
À ce jour, il y a toujours dans le personnel de Pôle Emploi deux statuts différents. Les ex- Assedic sont sous contrat de droit privé (l’Assedic était une association !), les ex-ANPE sont régis par un statut de droit public de contractuels de l’État, promulgué par décret, et non de fonctionnaires. Depuis la fusion, ces deux statuts continuent à coexister.
Les salaires sont supérieurs à l’Assedic d’environ 30 %. Mais l’avancement se fait par entretien annuel avec son supérieur hiérarchique, ce qui fait qu’on peut ne pas avoir d’augmentation pendant deux ou trois ans si on est mal vu. Par contre, les agents sous statut public avancent automatiquement tous les deux ans, peu mais régulièrement.
Les mutations se font de gré à gré pour le droit privé : l’agent répond à une « offre de recrutement » dans une autre ville ou région, est reçu en entretien et obtient le poste ou non.
Dans le droit public, les postes sont publiés puis une commission paritaire assez transparente se réunit pour étudier les candidatures.
Sous statut privé, les heures supplémentaires sont payées, mais écrêtées au bout de trois heures (donc perdues au-delà).
Sous statut public, elles ne sont pas payées mais récupérées et écrêtées au bout de douze heures.
Bref, on a deux gestions du personnel tout à fait différentes pour des gens qui doivent en théorie faire le même boulot !
Les encadrants (directeurs de site) se sont retrouvés en surnombre, forcément, puisque de deux unités, une Assedic et une ANPE, il a fallu passer à un seul point d’implantation. Certains se sont retrouvés sans poste du jour au lendemain et collés dans un placard, avec aucun boulot clair à effectuer. Il y a des déprimes graves.
Selon que le management est issu de l’ex- Assedic ou de l’ex-ANPE, tout peut changer : les directeurs n’ont pas non plus été formés au métier de l’autre ! Ils doivent en plus gérer des équipes avec des statuts très différents pour tout ce qui concerne les congés, les heures supplémentaires, la pointeuse ou pas (certaines agences ANPE n’ont pas de pointeuse, mais tous les ex-Assedic en ont !). Les priorités des cadres sont donc très différentes aussi : ceux qui viennent de l’Assedic priorisent les objectifs liés à l’indemnisation (nombre de dossiers en attente, réponse aux questions Internet, temps de latence pour traiter un dossier…) et délaissent les objectifs emploi (nombre d’offres d’emploi enregistrées, nombre de visites en entreprise, taux de placement des demandeurs d’emploi…). Les agents, d’un côté ou de l’autre, ne comprennent plus rien.
De plus, les méthodes de management public/privé sont très différentes. L’Assedic était très hiérarchisée, un agent ne pouvait pas s’adresser à un cadre N+2 par exemple. Tous les actes professionnels étaient « procédurisés », contrôlés, cadrés, normés.
À l’ANPE au contraire, la parole entre agents et hiérarchie était assez libre, y compris avec le N+2 ou +3. Les équipes étaient souvent sollicitées pour émettre des idées opérationnelles, et il y avait peu de procédures, sachant que les conseillers travaillaient avec de « l’humain », donc difficile à rentrer dans des cases.
C’est l’approche Assedic qui est en train de s’imposer : contrôle permanent, individualisation des tâches, recentrage sur la « production », des chiffres, des chiffres, des chiffres. Cela provoque un très fort malaise chez les conseillers ANPE, qui ont l’impression d’être des ouvriers de réception des chômeurs et plus du tout des conseillers.
Mais des deux côtés, c’est le malaise. Les agents étant insuffisamment formés soit à l’indemnisation, soit au placement, sont perpétuellement en sensation d’insuffisance professionnelle. Ils doivent réapprendre un métier, mais n’en ont pas les moyens, et souvent ce métier ne leur plaît pas, voire choque leurs convictions : les agents ANPE par exemple supportent très mal de devoir contrôler les papiers des gens qu’ils reçoivent (une note leur demande même de faire photocopie des papiers et de les envoyer en préfecture en cas de doute sur leur authenticité !), ce qu’ils refusent de faire. Les agents Assedic, eux, ne sont pas choqués du tout par ces procédures, mais sont démunis dès qu’il s’agit de parler d’orientation professionnelle ou de formation…
Les conditions d’accueil et de travail : comme il faut absolument se plier à la commande gouvernementale (sarkosienne plutôt !) et que le président s’est engagé sur 100 % de sites mixtes (lieu unique de réception) en fin d’année, des travaux pharaoniques ont été engagés. Mais pas question de fermer les agences. Donc les chômeurs sont souvent accueillis dans des conditions déplorables : locaux bruyants (des fois avec les perceuses et les ouvriers en fond sonore !), n’assurant aucune confidentialité des entretiens, trop petits, bondés… Une agence peut être passée de 20 à 25 agents sans un seul mètre carré supplémentaire. Certaines agences ont installé des cabanes préfabriquées sur leur parking pour faire des bureaux. Car trouver de nouveaux locaux, ou construire des agences assez grandes pour tout le monde prend souvent beaucoup de temps. Donc, Pôle Emploi a décidé de faire des sites mixtes à n’importe quel prix. Quand on n’arrive pas à caser tout le monde dans un même lieu, on garde les anciens locaux ANPE et Assedic, mais l’un des deux est fermé au public et sert de lieu de traitement administratif. Comme tous les conseillers ont des tâches administratives, ils se déplacent alors entre deux lieux de travail, parfois deux fois dans la journée, parfois à plusieurs kilomètres.
Et comme les systèmes informatiques ANPE et Assedic ne sont pas encore unifiés, ils ont en plus deux connexions différentes…

Patricia Apicella, déléguée syndicale Sud Emploi Midi-Pyrénées