Faire sauter le cadenas

mis en ligne le 29 octobre 2009
Il est des périodes de grande morosité, où chacun peut faire le constat au quotidien de tout ce qui ne va pas, sans pour autant pouvoir définir des perspectives pour faire bouger les choses.
Le constat social est accablant. En dresser un tableau exhaustif serait fastidieux. Je me contenterai de quelques éléments parmi d’autres : 8 millions de personnes vivent en France désormais sous le seuil de pauvreté, dont 3,7 millions de travailleurs pauvres. La banque alimentaire a constaté, de juin 2008 à juin 2009, 16 % de demandeurs supplémentaires.
Les plans de licenciements continuent de se multiplier dans le privé. Dans le public, le budget 2010 poursuit les suppressions massives de postes (34 000). Près de 100 000 postes auront été ainsi supprimés en trois ans dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Partout le culte de la performance, du mérite individuel, la soumission au projet d’établissement et aux contrats d’objectif se développent. Un décret du 9 octobre dernier dans la fonction publique d’État élargit considérablement le champ d’application de la « prime de fonction et de résultat ».
Et nos dirigeants politiques et syndicaux de s’étonner, voire de verser des larmes de crocodile concernant le stress grandissant au travail et les drames humains qui en découlent…
Sur ce sujet d’ailleurs, on assiste à un véritable bal des hypocrites : 70 000 questionnaires ont été adressés au personnel de France Télécom et le même dispositif est prévu pour les agents de Pôle Emploi courant novembre.
La meilleure réponse anticipée de ceux-ci a été la grève, parfois reconduite dans certains sites, le 20 octobre dernier.
Et c’est la même chose à La Poste. Le ministre de l’industrie a fixé un objectif aux cadres : défendre (vendre plutôt) auprès du public le changement de statut de l’entreprise, tout en expliquant que chaque année des « intervenants extérieurs viendront évaluer le bien-être des postiers » !
La seule réponse possible face à cette ignoble parodie n’est ni la « votation citoyenne » ni un référendum, mais la grève.
On touche là au fond du problème : il y a toutes les raisons du monde pour que les salariés du privé comme du public, les chômeurs, les retraités, les lycéens (Sarko vient de présenter sa nouvelle réforme des lycées copié-collé de celle de Darcos), les étudiants engagent la bagarre et bloquent ensemble le pays.
Sarkozy et le patronat ne sont forts que de la complicité active ou passive des appareils politiques et syndicaux.
Politiquement, la seule chose qui intéresse la gauche dans toutes ses composantes, y compris pseudo-anticapitalistes, c’est la perspective des élections régionales ; combien de sièges ou de strapontins, combien de fric va-t-on engranger (financement public des partis).
Syndicalement le deal Sarko, Thibault, Chérèque est plus que jamais d’actualité et cadenasse tout. Les confédérations laissent les postiers, les agents de Pôle Emploi, les hospitaliers, les salariés menacés de licenciement se battre seuls, boîte par boîte, secteur par secteur.
Les journées d’action, ou plutôt d’inaction, comme celle du 7 octobre dernier ne sont là que pour amuser la galerie, entraînant rancœur et résignation.
Dans ce cadre verrouillé, notre travail consiste à redonner confiance dans l’action collective et solidaire (jonction par exemple entre les comités de chômeurs et les agents de Pôle Emploi), à faire vivre l’interpro, à définir les mandats dans les syndicats de base et les assemblées générales et à les faire respecter, à donner aussi une perspective politique autre que les échéances électorales…
Un travail de terrain souvent obscur et laborieux mais un travail indispensable pour faire voler en éclats le cadenas de tous ceux qui veulent maintenir le système capitaliste et par conséquent la misère, l’exploitation et nous conduire à une impasse suicidaire.