CGT : grogne et recentrage

mis en ligne le 22 octobre 2009
La journée internationale d’action syndicale du 6 octobre a été un flop, mais on le savait avant même qu’elle ait lieu. Quelques manifs, quelques rassemblements qui ont permis aux centrales syndicales d’occuper une partie de leurs militants. Faut dire que manifester pour un « travail décent », ça ne donnait pas envie et cette multiplication de journées d’actions plus ou moins à thème, on a donné et c’est plus la peine. En préparation, la manifestation parisienne prévue pour le 22 octobre, ayant pour thème « Pour une politique industrielle », ne donne pas envie non plus.
Pourtant, le mouvement social n’est pas aux abonnés absents. Les conflits sociaux, il y en a partout, contre des licenciements pour la plupart, mais aussi contre les conditions de travail. La hausse du cours des actions est à nouveau à l’ordre du jour, mais cela se fait à coup de destructions d’emplois. Outre les « journées d’action » catégorielles (France Télécom, La Poste, SNCF, etc.), depuis des semaines et des mois, de nombreuses boîtes sont occupées ou connaissent des mouvements. Seulement ces conflits ne dépassent pas la ville, voire le département. Seuls et isolés, les grévistes et les syndicalistes se voient la plupart du temps contraints d’accompagner les plans de licenciement ou de fermeture, afin d’arracher de meilleures primes de départ possibles, des formations ou des reclassements bidons.
Comme le disent les syndicalistes de Séva (filiale de Saint-Gobain en restructuration) : « Il y a plus qu’urgence à rompre l’isolement usine par usine, tout comme à rompre avec les journées d’actions sans lendemain. »
De même, en ce qui concerne des conflits forts, comme les Continental, les Molex ou Goodyear, il semblerait que la manif devant la Bourse, le 17 septembre dernier, ait été leur chant du cygne.
Si les Contis ne s’en tirent pas trop mal avec une prime de licenciement élevée (mais qui va fondre vite), pour les Molex, que Thibault est venu soutenir car c’est « un cas d’école », il en va autrement. Les résultats ne sont pas brillants et même si le secrétaire général de la CGT a annoncé des reprises de négociation, il n’y a que 15 emplois « sauvés » sur 283.
Il est évident qu’on ne peut pas gagner à être isolés. Ce qui ne semble pas être dans les priorités à la CGT. Le congrès s’approche et il faut maintenir le bureau, et s’avancer encore plus rapidement dans la construction d’un syndicat de propositions et d’accompagnement, comme l’est déjà la CFDT.
Pourtant ça grogne à la base. Pour exemple, le 29 septembre dernier, se tenait à Bobigny une assemblée générale des militants de la fédération Chimie de la CGT. Près de 200 syndicalistes, venus de toute la France, se réunissaient pour discuter des futures actions. Le moins que l’on puisse dire c’est que les oreilles de Bernard Thibault ont dû siffler. Et si l’un des sbires du bureau confédéral est venu pour calmer les ardeurs et pour apprendre aux militants comment militer à la base, sur son lieu de travail (lui qui n’a pas dû mettre les pieds dans une usine depuis des années), il s’est fait remettre à sa place par des syndicalistes qui allaient jusqu’à demander qu’on aille enfin à l’affrontement avec l’État et les patrons (et ce n’étaient pas les plus gauchistes).
À l’approche du congrès confédéral, il semble qu’on soit en présence d’une restructuration, d’une remise au pas en douce, dans la perspective de transformer la CGT en syndicat de cogestion et d’accompagnement. Des militants sont écartés, sans débat de fond, sans décision formelle et statutaire, sans respect du minimum de démocratie syndicale dont la CGT se gargarise tant.
La fédération CGT de la Construction remet en cause l’élection de délégués CGT chez Forclum, une boîte du BTP en Rhône-Alpes. Après avoir essayé vainement de chercher appui auprès de l’UD, la fédé Construction s’est alliée à la direction de la boîte pour faire annuler les élections professionnelles alors que la section syndicale continue à vivre et à faire son boulot.
Dans le Val-de-Marne, de manière totalement unilatérale, autoritaire et bureaucratique, et sans aucun débat ni consultation, la secrétaire générale de l’union départementale a décidé d’écarter 6 membres sur 12 de la coordination de l’UD élue au dernier congrès. Et ce au prétexte de « désaccords répétés » et sous la forme de courrier recommandé avec accusé de réception… L’un des « écartés », salarié de cette UD, se retrouve même licencié. Comme le déclare l’UD : « Sa présence au sein de l’organisation nuit gravement à la santé de la CGT dans l’UD. Cela ne peut plus durer et je souhaite remettre à disposition de sa fédération le camarade concerné. Il ne peut continuer à diriger, à être salarié de l’UD et de la combattre en son sein. » En Côte-d’Or, alors que le secrétaire général de l’union départementale CGT de ce département déclare « Faisons-nous vraiment de la démocratie le levier de notre activité ? », 13 conseillers du salarié aux Prud’hommes viennent purement et simplement d’être dégagés sans autre forme de procès, après des décennies de travail auprès des salariés, et manifestement également pour des raisons d’orientation.
Il s’agit là de manœuvres dans l’appareil. Le 49e congrès de la CGT (en décembre à Nantes) se rapproche et n’intéresse vraiment pas grand monde. On a un peu le sentiment que c’est tellement loin des préoccupations que ça ne vaut pas la peine d’en parler. Pour ceux que ça intéresserait, le bilan des protestations sur la représentativité est sur le site ouvalacgt.overblog.com : journées d’action bidon, tout semble plié d’avance. Et quand bien même certains voudraient participer à la discussion, on ne voit pas très bien comment les avis divergents seraient pris en compte… Pourtant ce congrès se prépare dans les instances, accompagné d’une normalisation rapide, avec mise à l’écart des empêcheurs de penser en rond, dans le plus pur style stalinien.
Je vous le dis, le travail et les patrons d’un côté, les bureaucrates de l’autre, ce n’est pas facile tous les jours.