Dieu existe : il cause dans le poste

mis en ligne le 1 janvier 1970
Nous autres les anars, on a beau être des bêtes, on n’en est pas moins aussi instruits que les bourgeois, pour la bonne raison qu’on l’est un peu autant, et on aime bien tout ce qui est moderne et qui marche en faisant un peu de bruit, à condition que ça marche avec une tête de cochon, que ça dise ses caprices, et que ça fasse un peu de ramdam dans les environs.
Mais faut pas nous prêter de mauvaises intentions. Si on n ‘aime pas les défilés militaires, c’est pas parce que la musique est mauvaise, c’est parce qu’il y a des cons qui suivent tout ça avec leur cervelle au niveau des articulations, et qu’il n’y a plus chez ces gens-là que les genoux qui pensent. C’est comme à la messe. Pourquoi qu’ils se foutent à genoux les croyants ? Parce que, quand ils communiquent avec l’Autre d’en haut, le monsieur à la grande barbe, le Tout-Puissant qui les a fait crétins, eh bien, ils gardent pour les prie-dieu le contact de l’esprit qui s’évapore dans leurs rotules. C’est des braves gens quand même, allez, pas méchants pour un sou, mais cons, ça oui alors, pour être cons…
Je connais des gens qui sont zathées (athées en anglais), eh bien eux ils disent qu’ils ne sont pas tous cons cons ceux qui croient au ciel. Ils espèrent même qu’un jour ils pourront y emporter leurs meubles au ciel, parce qu’ils ne veulent pas les laisser en héritage à leurs sacrés –vandales- gauchistes de fils qui n’ont plus aucun respect pour la civilisation et la démocratie des bordels. Mais le ciel, il s’en fout, il a trop de meubles, et les gauchistes, ils iront au ciel comme les autres, parce qu’il n’y a pas de raison que ce soit toujours les mêmes qui payent.
Donc, les croyants ne sont pas tous cons, puisqu’il y en a qui passent leur vie à bénir les autres et à les encourager à continuer à recevoir des coups de pied aux fesses. Il y en a même, des braves curetons, qui ont épinglé sur leurs murs des trucs du genre : « Dieu est mort », « À bas la calotte ! » Ceux-là on les appelle les progressistes, et s’ils sont progressistes, c’est qu’ils sont pour le progrès, s’ils sont pour le progrès, ils sont pour le bonheur, donc pour la vérité, la liberté, la paix, l’égalité et le reste. C.Q.F.D. Donc il y a des braves curés progressistes. D’ailleurs, leur Dieu n’est pas le même que celui des autres vampires, les intégristes comme ils s’appellent, qui sont tous de vieux conservateurs véreux. Les intégristes c’est la droite, les progressistes c’est la gauche ! tagada-tsouin-tsouin, le tour est joué et le bon Dieu ne se marre même pas. Et pour cause, il n’y en a pas de bon Dieu…
Dans le temps, je lui écrivais au bon Dieu-qui-est-au-ciel-et-qui-a-un-œil-partout (il me ferait rougir, ce con !) Et il me répondait grâce au timbre que je joignais à ma lettre. Pas sa secrétaire, lui-même qu’il me répondait, avec papier à en-tête et cachet du paradis. Et puis un jour, il est tombé malade. Une petite grippe de rien du tout, la routine quoi… Mais le pauvre « homme » y a laissé son âme. Clamsé le bon Dieu. Y en avait dans l’assistance qui faisaient une sale gueule, quand on leur a appris la nouvelle. Ils ne voulaient pas y croire. Ils ne veulent toujours pas d’ailleurs. Et voilà comment depuis plusieurs dizaines d’années d’honnêtes citoyens vont se buriner la conscience avec un bon Dieu qui a cassé sa pipe.
Je suis même persuadé qu’il est mort, Dieu, uniquement pour nous emmerder. Et ça me fait drôlement rigoler quand j’entends des anars dire : « Dieu existe, il milite à la F.A. ». Parce que faut pas charrier. On est libertaire, mais du bon Dieu à la F.A., eh bien on n’en aurait jamais voulu. C’est pas lui qui veut faire la révolution, quand même, alors qu’il nous foute la paix. Mais qu’il nous la foute, LA PAIX, bon Dieu. Et quand il nous l’aura foutu sur la terre, définitivement, eh bien là je vous jure, j’irai brûler un cierge, et je ne tromperai plus ma femme. C’est juré…

Le Père Peinard