Big Blue à l’attaque de la SNCF : encore un bon coup informatique

mis en ligne le 30 juin 2010
Ni EDF ni GDF ne devaient être privatisés lorsque des capitaux privés sont arrivés, c’est maintenant chose faite. La Poste a ouvert son capital et fonctionne déjà comme le privé, et la Commission européenne a annoncé son souhait de voir transformer la SNCF en société anonyme.
Alors que, pour La Poste, le gouvernement était demandeur d’un changement de statut, il se déclare totalement hostile à une telle modification pour ce qui concerne la SNCF. Alors qu’en est-il de sa privation ?
La SNCF se compose de deux parties : l’Épic SNCF (l’entreprise de service public dont les cheminots font rouler des trains) et le groupe SNCF. Le groupe SNCF, en plus de l’Épic, se compose de plus de 650 filiales de droit privé. Au travers de ses filiales, la SNCF permet le transfert des compétences de l’entreprise publique vers les filiales privées (y compris en détachant du personnel). Notons aussi l’ouverture à la concurrence des transports fret et voyageurs, notamment régionaux.
Dans Le Monde libertaire n° 1515, je revenais sur le cas Télécom développement (devenu depuis Neuf Cegetel, puis SFR). Dans ce numéro, il est question des services informatiques.
Retour en arrière. En 2008, Géodis (détenu à 98 % par le groupe SNCF depuis la même année) passe un accord avec IBM : l’acquisition d’IBM Logistics, devenant ainsi l’unique prestataire logistique d’IBM (environ un milliard d’euros par an, pendant quinze ans).
Retour en 2010, la SNCF créée une filiale commune avec IBM pour poursuivre l’externalisation de son système informatique. En effet, actuellement, les services informatiques sont en partie externalisés, près de la moitié du personnel est composée de prestataires (2 500 cheminots pour 2 000 prestataires). L’objectif avoué est de rationaliser les coûts en ramenant le nombre de SSII (société de prestataires) d’une vingtaine à cinq ou six. Le hic est d’une part qu’IBM semble en même temps chercher à rafler des activités alors dévolues aux cheminots, d’autre part que l’externalisation soit en partie réalisée en Inde et en Roumanie.
Les syndicalistes pointent un autre problème : la SNCF aurait oublié d’informer les élus du personnel… Ceux-ci ont donc entamé une procédure pour « délit d’entrave et de non-consultation des instances ».

Ça reste dans le groupe
Pour rassurer les cheminots, la réponse de la direction est toujours la même pour toutes les filiales : « ça reste dans le groupe. » Voyez un peu : la SNCF crée une filiale qu’elle détient à 100 %, « Stelsia », et cette filiale crée une autre filiale, partagée avec IBM, dont elle détient 51 %.
À chaque tract syndical, ou presque, la filiale a changé de nom ! D’abord un projet de Cortis 1, puis vient Ulysse, suivi de B-5, pour aboutir à Noviaserv… De quoi y perdre son grec et son latin.

Mobilisation cheminote
Les informaticiens cheminots, rarement aussi mobilisés, ont suivi la grève à hauteur d’environ 70 % le 3 février et le 1er avril (y compris dans le collège cadre). Le nouveau patron de la DSIT (l’une des directions informatiques de la SNCF), fraîchement nommé (l’ancien devenant patron de la nouvelle filiale commune), a voulu réaliser un sondage individuel : 95 % du personnel sont réticents à ce changement.
Ces derniers mois, les services informatiques ont renoué avec la lutte collective : déplacement au « train pour l’emploi à Lille », blocage des bâtiments les jours de grève. Toutes les informations pour suivre la lutte sont sur cortis.fr.


1. Un blogueur anonyme, qui semble suivre de près l’évolution du partenariat SNCF-IBM, a pris de cours la SNCF en déposant l’adresse internet de son site cortis.fr. La SNCF s’est vengée en rendant inaccessible le site depuis le réseau interne de l’entreprise.