Le cachet de La Poste fout les foies

mis en ligne le 1 juillet 2010
Dans son brûlot, le Syndicat professionnel des médecins de prévention de La Poste dénonce pêle-mêle « des suicides ou des tentatives [...] exclusivement liés à des situations de vie professionnelle », un « taux d’absentéisme pour maladie [qui] atteint des seuils sans précédent », les accidents du travail et maladies professionnelles en « très forte augmentation », le mal-être au travail, et la « situation d’épuisement physique et psychique » des agents de distribution. Cela « lié aux nouvelles organisations de travail », dans une entreprise qui emploie 300 000 personnes.
Mais aussi « une très forte pression commerciale individuelle et quotidienne », une « dette sociale (repos non accordés aux agents) [...] énorme » des « dépassements des horaires de travail non rémunérés [...] quotidiens », des congés impossibles à obtenir « à des dates permettant de les partager avec leurs proches », des pressions pour inciter les agents à partir, et on en passe.
Le rapport fait six pages, et il est disponible un peu partout sur le Net. Malgré le ton infiniment respectueux et le rappel incessant d’une loyauté sans faille envers l’entreprise, les médecins mettent en cause une forme de management par le stress, similaire à celui dont on a tant parlé à France Télécom.
Pour eux, les incessants changements d’organisation du travail (pour la distribution, le plan s’appelle Facteur d’avenir, et provoque au moins une réorganisation générale par bureau et par an) maintiennent les travailleurs dans l’insécurité et les amènent à accepter des contraintes de rentabilité bien au-delà de ce qu’il est raisonnable d’un simple point de vue de la santé. Concrètement, pour un facteur, c’est du travail six jours sur sept, en horaires décalés, avec une charge de travail qui s’accroît chaque année au rythme des suppressions de postes (62 000 depuis 2002 selon Sud-PTT). Inutile de préciser que, dans cette galopade à la rentabilité, la qualité de service rendu aux usagers compte pour moins encore que la santé des travailleurs.
Les médecins affirment aussi leur amertume face à l’absence totale de considération apportée à leurs remarques, « voire plus grave par le déni manifeste » qu’on oppose à leurs conclusions. Et d’ajouter : « Aujourd’hui nous considérons que l’indépendance du médecin du travail n’est plus assurée à La Poste. » « La médecine de prévention professionnelle ne saurait servir de réponse et de caution à une stratégie d’entreprise. »
Une stratégie d’entreprise donc, qui fait de l’insécurité permanente du personnel le ressort principal des « relations humaines ». Une stratégie où les réorganisations ne sont pas seulement un moyen d’accroître la profitabilité directe de l’entreprise, mais aussi une fin en soi, la perpétuation de l’état de guerre qui frappe de stupeur les personnels. Guerre avec son cortège d’éclopés, de traumatisés, de morts.
Il fut un temps où les politiques de management, dans les entreprises publiques, visaient à utiliser la force de travail au maximum en la conservant autant que possible en état de marche. Ce temps n’est plus : aujourd’hui, à La Poste comme ailleurs, on consomme de l’humain, sans égard pour sa santé, son futur, sans décence élémentaire. Un qui tombe ? Dix chômeurs à la porte pour prendre sa place. Pour le capital, le travailleur n’est même plus une machine : c’est un consommable.

Aurore et Crépuscule, Fédération anarchiste, Val-de-Marne 94