Le début de la fin du capitalisme : le capitalisme irréversible ?

mis en ligne le 24 décembre 2009
Le capitalisme a fait de l’homme l’élément d’une force de production au service du capital, qu’il aliène par la création de besoins – souvent artificiels – à satisfaire. Un élément mû par quelques revendications, mais finalement assez sage, et dont la rémunération par le médium impersonnel qu’est l’argent étouffe souvent les protestations.
Le travail occupant la plus grande partie d’une journée, il est devenu vecteur de socialisation. Mais en faisant naître en tout homme des échappatoires standards, il uniformise nos vies (désirs d’évasion par le voyage, balades pour décompresser, ipod/bouquin dans le métro, manger, boire, fumer, shopping en tout genre, tels sont les plaisirs modernes de la vie), nos relations (nos temps de loisirs sont les mêmes, l’organisation de nos vies semblable), tout en entretenant l’illusion de notre individualité (on ne veut pas ressembler à la masse). Nous sommes dépossédés d’heures minutées par d’autres, mal supportées car ne reflétant pas nos potentiels. Ces heures, oxygène du capitalisme et de son arbre aux milliards de bras...

Qu’entrevoir ?

1° Des projets

Le sociétalisme, un mouvement citoyen mondial, préconise, pour l’essentiel, l’instauration d’un système économique et politique fondé sur les droits de l’homme et le respect de l’environnement, la réappropriation de la création monétaire par la collectivité, la gestion planétaire des biens communs non renouvelables ou nécessaires à la vie, la répartition des enrichissements collectifs nationaux sous forme de dividendes distribués équitablement à chaque citoyen, la démocratie participative locale et régionale dans un cadre de subsidiarité. La finalité est l’existence de « la société humaine » au travers de son épanouissement, ce qui conditionne réciproquement l’épanouissement de chacun des individus la composant.
L’écosociétalisme, qui en découle, propose une alternative économique post-libérale qui implique le déclin des systèmes financiers, boursiers et bancaires actuels.
Il entend répartir équitablement le pouvoir d’achat individuel, libérer la monnaie en fonction des biens et des services produits, la récupérer immédiatement lors de son utilisation.
Un peu plus sur : wiki.societal.org, voir « Ecosocietalisme1 » et objectifs.societal.org/
2° Des solutions en marche
L’économie sociale, quant à elle, est constituée d’activités économiques réalisées par des entreprises principalement coopératives et par des mutuelles et des associations qui privilégient le service aux membres ou à la collectivité aux intérêts du capital dans la distribution des revenus.
Elle est à présent dotée d’une Cress (chambre régionale de l’économie sociale et solidaire), qui promeut et développe à travers la France les initiatives solidaires antilibérales.
Mais est-ce suffisant, ou suffisamment développé pour avoir du poids ?
Je ne pense pas, car cela sert avant tout les relations et conditions d’exercice des membres au sein de la coopérative. Peut-on ici parler d’échange solidaire et équitable avec le client-consommateur ?
Dans l’alimentaire par exemple, après avoir réfléchi à l’idée de création d’une coopérative biologique selon ces même principes, et qui rendrait les prix abordables au plus grand nombre, on m’a rétorqué : « Mais les Biocoops existent ! » Alors j’ai décidé d’aller voir et d’y faire mes courses, et c’est inabordable : pour 20 euros, quelques céréales et des condiments...
Un autre mode d’échanges existe : les Amap (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), par la mise en relation directe du producteur et du consommateur.
Là aussi, regret de constater que ceux qui mangent bien sont ceux dont le porte-monnaie se chagrine peu. Mais alors, que faire....

Vers la refonte du système économique global par le mépris du capitalisme

3° L’existence d’alternatives qui font leurs preuves et qui initient de nouvelles formes d’échanges

Peut-être le plus bel exemple à ce jour : le succès à Ithaca, ­ètat de New York, d’une monnaie locale, l’Ithaca Hours, inventée en 1991 par Paul Glover, en guise d’alternative aux profits capitalistes. Il est possible de gagner et dépenser localement cette monnaie en échangeant des savoir-faire et des services (les billets, ici, représentent des heures). Même une banque s’est mise à convertir les dollars en Hours, sans que l’inverse puisse se faire, bien sûr. C’est un mode alternatif qui s’est étendu depuis à d’autre villes et d’autres pays, dont la réussite tient à la satisfaction des usagers et à la reconnaissance de la « vraie » valeur du travail. Il va sans dire que l’extension de cette monnaie peut aider au démantèlement progressif du capitalisme… Selon Paul Glover, le réseau ne cesse de grossir ses rangs dans tous les domaines d’échanges de services. Pour l’instant, ne sont disponibles que vidéos et livres (en anglais), dont la vente doit aider à la création d’une fédération anticapitaliste donnant la priorité au commerce de proximité sans intérêt lucratif.
Le meilleur moyen pour se faire sa propre idée est de consulter le site : ithacahours.com/french.html
En France, un peu partout, des systèmes fondés dans le même état d’esprit ont vu le jour. Ce sont les Sel (systèmes d’échanges locaux) ou banques du temps, au sein desquels la monnaie est bannie, l’unité de mesure étant choisie par les adhérents et fondée – tout comme l’Ithaca Hours – sur le temps.
Autrement dit, chacun apporte son concours et reçoit en contrepartie ce qu’il recherche en fonction des unités engrangées, établissant ainsi un catalogue d’offres et de demandes. Ce système ne permet ni la thésaurisation ni la spéculation et a pour unique vocation de faciliter l’échange de « richesses » réelles, à savoir nos potentiels.
Actuellement, ces solutions cohabitent avec le système économique capitaliste ; généralisées, ce sont toutes les dimensions de la vie sociale, économique, qui s’en trouveraient bouleversées, revisitant l’échange, le rapport à l’argent dans un but non lucratif, le partage du travail dans la solidarité.
Il y a là matière à réfléchir sur la possibilité de changer la nature humaine.
Ainsi, au-delà des projets qui tiennent essentiellement aux parutions en librairie, certes susceptibles d’aider à une prise de conscience, commencer par adhérer à un Sel dans sa ville, son village, c’est un pas vers l’action, vers la solidarité. Et en discuter, en tirer des bilans, en imaginer de nouvelles perspectives, c’est propager...
Quant au risque que l’état s’en prenne à nous… Mmmh, ce serait comme s’empêcher de faire de la corde à sauter de peur de se blesser le genou…
Quand ils ouvrent une entreprise, nous pourrions ouvrir un Sel, plutôt que d’organiser un colloque pour rassurer les âmes. Changer sa vie, ne plus subir, tel est le but. Aussi, je propose d’ouvrir un Sel à qui le voudra, quitte à grossir les rangs d’un Sel déjà existant. Il faut être deux au minimum pour l’échange, quelques heures de travail au champ contre quelques légumes et d’autres encore… Qui est tenté par du wwoofing 1 de week-end ?

Voici le lien pour découvrir : selidaire.org/spip/rubrique.php3?id_rubrique=211
Et mon mail pour qui a, tout comme moi, juste envie de changer les choses : doomlove (arobase) live.fr

Audrey Philibert



1. Cette expression vient de « wwoofer » (Willing Worker on Organic Farms, travailleur bénévole dans des fermes biologiques).