Treize mille bonus : nouvelles jongleries du Nicktalope

mis en ligne le 24 septembre 2009
L’omnipotent, l’omniscient président vient de convoquer le 24 août les banquiers pour leur passer un savon à propos des boni (and Clyde) des traders. L’obscur voyant Nicktalope, soit ne sait pas que c’est un tout petit problème, un bouton d’acné financière sur la face rougeaude des banquiers, auquel cas il est incompétent (comme le serait tout avocat d’affaires sans culture économique profonde), soit il continue de mener le bon peuple en bateau. Car celui-ci réclame des têtes pour punir les coupables de la crise, car la reprise des boni, alors qu’il s’enfonce dans la mouise, lui est insupportable. Alors il suffit de faire de la com et du compassionnel, d’afficher urbi et orbi des rustines pour lui faire accroire que le pouvoir fait quelque chose d’important. Cette seconde interprétation est renforcée quand on sait que si M. Pro(u)t, DG de la BNP, s’empresse d’obéir aux ordres du Prince côté cour, M. Pébereau, président de la même BNP, hyper capitalo monté en graine grâce à Balladur, grand mamamouchi du néolibéralisme et à ses « noyaux durs », est le meilleur conseiller de Tsarkowitch en matière financière, côté (et coté) arrière-cuisine. Cela devient encore plus évident si l’on pense que les banquiers ne sont pas complètement nases car, autant que Tsarkocescu, ils savent qu’afficher à nouveau des boni, qu’ils auraient pu tenir secrets sans difficulté, est un chiffon rouge sous le pif des bons Françaouis. Alors pourquoi le font-ils quand même ? Élémentaire, my dear Watson, c’est parce que cela donne l’occasion à Zébulon Ier de se remettre en selle et d’afficher ses muscles antilibéraux à peu de frais vu que les médias relayeront sa position faussement outragée. Enfin, cette manipulation de l’opinion est encore plus accréditée par le fait que les aides sarkozyennes aux banques, notamment en apport de capital (5 milliards pour la miséreuse BNP de Pet-Hobereau de la finance) n’ont été assorties d’aucunes mesures pour mieux les contrôler, notamment via par exemple des administrateurs d’État siégeant à leur Conseil d’Administration. Du reste, on les laisse gentiment exploiter à leur profit (ben voyons) la différence de taux d’intérêt entre les prêts de la banque de France (1 %) et les taux aux particuliers et aux entreprises (4 à 5 %).
Or, il ne s’agit que de sparadrap sur la gangrène de la phynance, d’emplâtres sur une jambe d’or, de sangsues contre la grippe porcine. Si l’on veut mettre au pas les banquiers, les assureurs, les agences de notation, les cabinets-conseil en stratégie, les fonds de pension, les fonds spéculatifs, il y a de vraies mesures à prendre. Leur logique est simple : éradiquer l’idée des économistes théoriciens de l’équilibre général qui postule que les marchés s’autorégulent d’eux-mêmes et aboutissent à la meilleure allocation possible des ressources dans tous les domaines. Cette logique inspire depuis trente ans tous les organismes internationaux (FMI, BM, BRI, OCDE, G 20, UE, OMC, etc.) au nom du « consensus de Washington » et de ses « ajustements structurels ». Cette pensée « unique » a conduit à la libre circulation des capitaux, au libre-échange généralisé, à la suppression des services publics et de ses inutiles fonctionnaires. Elle a favorisé la spéculation à base de « produits financiers innovants » et aussi dans tous les domaines (ressources agricoles, matières premières, assurances, et maintenant les terres, etc.). Au passage les travailleurs et les pays du monde entier ont été mis en concurrence, avec les dégâts que l’on sait, et la planète en coupe réglée quel que fût son état écologique. Or, cette idée est fausse. D’habitude, quand les prix montent sur un marché de biens ou de services la demande baisse, ce qui réintroduit un équilibre de plus bas niveau. C’est la thèse des avantages de la « concurrence libre et non faussée ». Mais en matière financière il n’en est rien : les spéculateurs continuent d’acheter dans l’espoir d’une hausse ininterrompue des cours et même pour les faire monter, ce qui crée une bulle spéculative (immobilière, des actions en bourse). Ils savent qu’il y aura un krach, mais ils estiment qu’ils sont plus malins que les autres et qu’ils se retireront juste à temps (ce qu’a sans doute fait Goldman-Sachs, bien initiée… et qui a sorti ses marrons du feu de la crise au bon moment). Et, comme les moutons de Panurge, tout le monde procède de même… Car « l’exubérance irrationnelle des marchés » est fondée sur une psychologie : individualisme, égoïsme, avidité, rapacité, celle-là même qu’a développé le néolibéralisme sur la base des âneries du libéralisme. M. Adam Smith ne voyait-il pas dans l’imitation des gens qui ont réussi le ressort de la sympathie envers eux ? Cette psyché est uniforme et propagée par les médias, les « think tanks », les universités, les organes internationaux. C’est pourquoi, dans le domaine des attitudes, de la rationalité, de la pensée économique le libéralisme est un totalitarisme qui s’ignore.
Les traders n’existeraient pas sans salles des marchés dans les banques ; ces salles ne seraient pas là si tout n’était pas devenu matière à spéculation, si les effets de levier et de démultiplication du crédit n’avaient pas été surexploités, si l’on avait tenu solidement en mains les rênes de la phynance au lieu de les laisser dans les pattes du père Ubu, etc. Donc pour empêcher les exactions de la phynance et ses conséquences de multiplication des petits pains (de TNT, car la phynance est chrétienne et renouvelle les miracles du Jésus ou saucisson de Lyon), il faudrait, par exemple afin d’éliminer le plus gros des nuisances financières :
– Contrôler et taxer sévèrement les mouvements spéculatifs de capitaux, supprimer tous les paradis fiscaux, dont les plus redoutables sont camouflés en Grande-Bretagne et aux USA ou dans leurs « filiales » territoriales, obliger les capitaux à rester au moins dix ans dans les pays où ils ont été investis,
– Créer une monnaie internationale, partiellement fondée sur les matières premières, les productions agricoles, les encours industriels, sur des Droits de Tirage Spéciaux (DTS) fondés sur un panel de monnaies nationales ou régionales ; cette monnaie de réserve, d’aide et de coopération est administrée par un FMI-BM-BRI fusionné et enfin cogérée à droits égaux par tous les pays, en éliminant totalement la prépondérance des USA et de l’UE, en enlevant au dollar, comme à l’euro, leur caractère de monnaie mondiale ; cette idée est vieille : elle remonte à Proudhon et surtout à Keynes (le bancor). Chaque pays y déposerait des réserves obligatoires proportionnelles au poids de son PIB.
– Interdire les titrisations (CDO, ABS), interdire les achats et ventes à terme et à découvert dans tous les domaines, interdire les marchés non organisés où ces choses se passent sans contrôle, encadrer sévèrement les CDS (sorte d’assurances pour les spéculations) et tous les produits dérivés ; obliger les banques à n’avoir qu’un seul bilan (au lieu de l’actuel hors-bilan possible dans lequel nichent toutes les spéculations hasardeuses et les défausses de risque reportés sur le travail et la petite épargne). Augmenter drastiquement (30 % au lieu de 8 à 10 %, dont 2 % en réserve obligatoire déposée à la banque centrale) les réserves des banques (taux d’actifs propres - fonds propres et avoirs – par rapport aux encours de crédit) afin de limiter l’effet de levier par l‘emprunt (comme dans les LBO) et le crédit illimité. Revenir à la séparation totale entre banques de dépôts et banques d’affaires, annulée par Bush II aux USA et détournée en France via les filiales spéculatives des banques de dépôt, lesquelles du reste ont dû payer les frasques des premières (Crédit agricole et Caisse nationale d’épargne, via les caisses régionales). Interdiction des cartes de crédit revolving et limitation des taux d’intérêt des cartes restantes et des prêts bancaires à un taux d’usure légal limité à 8 % pour aujourd’hui. En France le taux d’usure légal est actuellement de 21 % ! et est imposé uniquement pour les prêts bancaires et non pour les boîtes de crédit revolving qui sont – devinez ? – généralement des filiales des banques, pas étonnant leurs dirigeants viennent de la haute fonction publique et vice versa aux USA.
– Ramener les banques centrales dans le giron public ; réautoriser celles-ci à prêter au gouvernement (avances de la banque de France interdites par Pompidur) à un niveau d’intérêt couvrant seulement l’inflation (annulé par Fiscard Destin) ; interdire aux États d’emprunter à l’étranger hormis pour les prêts du FMI-BM-BRI. Placement des emprunts nationaux, donc, auprès de l’épargne française. Enfin créer une Banque nationale de dépôt, mutualisée et socialisée, concurrente des banques privées et gérée en mains communes par les acteurs concernés (banque du Peuple de Proudhon) ; cette banque, fédérale en quelque sorte, notamment, reprend la banque postale, la caisse d’épargne, le crédit mutuel ou coopératif, la banque populaire, la caisse des dépôts et les fusionne dans un ensemble élargi et surtout changeant totalement de mode de gestion et d’objectifs.
– Revoir la fiscalité des revenus financiers en ramenant les dividendes et les plus-values (mobilières et immobilières) sur cessions de titres (ou d’immeubles) à l’IRPP, au taux normal atteint par le contribuable,
– Interdire les rachats d’entreprises par LBO, les rachats de leurs propres titres par les entreprises, les fusions et absorptions d’entreprises par seulement échanges de leurs titres (échange à limiter à 30 %) sans nouvel apport d’argent frais, les pratiques du hors bilan ; légiférer sur les prix de transferts entre filiales (et avec la maison mère) des multinationales. Ramener la comptabilité aux choses réelles et aux amortissements comptables afférents en détruisant la nouvelle comptabilité internationale avec sa prise en compte de recettes futures, de « good will », d’éléments immatériels, de ressources espérées des brevets ou du logo ou de la marque… Interdire les stock-options… et les boni liés à la spéculation. Revenir aux salaires et supprimer toutes les formules d’intéressement et de plans d’épargne d’entreprise qui transforment les salariés en rentiers et surtout rendent les revenus aléatoires et individualisés, diminuent les ressources de la Sécurité sociale, suppriment les augmentations générales, reportent les risques sur lesdits salariés en financiarisant les rémunérations,
– Créer une agence de notation mondiale, rattachée au FMI-BM-BRI ; obliger les boîtes de conseil qui font en même temps l’audit et la certification des comptes des entreprises de choisir l’une ou l’autre activité afin d’éliminer les conflits d’intérêt,
– Empêcher l’arrivée de nouvelles spéculations, notamment celles fondées sur les « droits à polluer » et autres taxes carbone, car elles incluent l’idée que, reposant sur des droits de propriété (en l’occurrence de parts de nature terrestre) dont les détenteurs-propriétaires doivent indemniser les autres pour leurs nuisances, la nature est privatisable et les dégâts calculables. Il n’en est rien car, par exemple, les droits des futurs habitants de la Terre ne sont pas pris en compte, ni les droits d’habitants éloignés d’une source de pollution.
– Éradiquer la course aux différentiels de législations (fiscale, environnementale, sociale, du travail, économique, subventions, interventions étatiques, droit des brevets, etc.) pour baisser les coûts de production et toutes les charges (qui conduisent aux délocalisations de production et d’achat en faussant la concurrence au profit des pays les moins-disant). Pour cela, créer une taxe compensatoire sur les importations, taxe reversée aux pays y compris les USA qui, mine de rien, sont des champions dans le dumping en tout genre (droit social anémique, pas de couverture sociale obligatoire, études payantes, subventions à l’industrie et à l’agriculture, syndicalisme poursuivi, droit environnemental étique, etc.) ou l’Allemagne championne des délocalisations dans les PECO et qui a créé une TVA « sociale » de 3 % alors qu’elle a démoli son droit social sous Schröder, et en fonction de leurs efforts d’harmonisation avec les législations les plus avancées,
Tout cela dit uniquement dans le domaine financier car il y a bien d’autres choses à faire dans les domaines économiques et sociaux pour en finir avec le libéralisme économique et le capitalisme d’accumulation sans frein. On voit déjà que les oukases de Tsarkowitch remplacent le salami par sa peau de saucisson, la variable principale par sa énième dérivée. On voit bien que l’agitation de Zébulon 1er a le même effet que la brise marine sur la surface de l’eau. C’est qu’il reçoit une onde impure en provenance de la finance, laquelle se confond avec le pouvoir politique d’État. Car les préconisations ci-dessus ne sont jamais qu’un retour à la vraie régulation, laquelle a été détricotée pendant trente ans par les politicards de tout poil au service du capital et du patronat. Avant d’enlever les boni des traders, il faut déjà faire disparaître tous les processus, structures et dispositifs de spéculation. C’est raté, Kasstwapovcon…