Le Vatican à l’épreuve des bébés éprouvettes

mis en ligne le 14 octobre 2010
Le prix Nobel est une institution parfois critiquable quant aux choix de ses lauréats. (Les PN de littérature, de la paix, d’économie sont évidemment bien davantage sujets à caution que les PN de sciences.) Singulariser un individu, ou trois (il arrive que le prix soit partagé par trois récipiendaires), au milieu de la masse des chercheurs méritants, est potentiellement injuste. Mais mon propos ici n’est pas la critique de cette récompense ; au contraire, il s’agit de se réjouir que le Nobel 2010 de médecine ait été attribué à Robert G. Edwards. Ce physiologiste anglais, âgé de 85 ans (il était temps, isn’t it ? !), a grandement contribué à la mise au point des techniques de fécondation humaine in vitro (FIV), avec pour conséquences pratiques de pouvoir faire face à la stérilité, ensemble de pathologies qui affectant des millions de personnes dans le monde. Ce que l’on savait faire sur des mammifères comme les souris, il fallait pouvoir le faire sur des humains, souffrant de ne pouvoir enfanter. Edwards et son collègue Patrick Steptoe mettent au point une technique de fécondation des ovules à l’extérieur du corps humain, étudient les protocoles d’implantation des ovocytes fécondés, ainsi que les traitements hormonaux nécessaires à la (relative) bonne marche de l’opération. En résumé, cela consiste à reproduire au laboratoire ce qui se passe naturellement dans l’utérus : la fécondation et les premières étapes du développement embryonnaire.
Le premier enfant ainsi conçu naît en 1978, et une expression ayant depuis fait florès le désigne comme le premier « bébé éprouvette ». Déjà à l’époque, ces techniques de FIV furent contestées, notamment par l’Église catholique. Les recherches dans ce domaine, notamment celles d’Edwards, furent un temps compromises, faute de financements publics. Malgré cela, cette technique biomédicale a pu être développée et améliorée ; on estime à 4 millions le nombre d’enfants nés grâce à la FIV, hors de la stricte volonté divine…
Le Vatican aimant repasser les plats nauséeux de son moralisme fanatique, le pauvre Edwards vient encore de s’en prendre plein la poire. Par la voix de Mgr Carrasco de Paula, président de l’Académie pontificale pour la vie * (sic !) et membre de l’Opus Dei, les autorités catholiques ont accablé le biologiste valétudinaire : « Sans Edwards, il n’y aurait pas de congélateurs pleins d’embryons en attente d’être transplantés dans l’utérus, ou, plus probablement, d’être utilisés pour la recherche ou même de mourir abandonnés et oubliés de tous. »
Nous décernerons donc, cette année encore, et ce depuis plus de 2000 ans, le prix Nobel de la connerie et de la dégueulasserie à l’Église catholique apostolique et romaine, pour l’ensemble de son œuvre…


*. Instituée par Jean-Paul II en 1994, son premier président fut Jérôme Lejeune, célèbre généticien découvreur de l’étiologie (cause) chromosomique de la trisomie 21 (communément appelée « mongolisme ») et ardent propagandiste anti-avortement et antipilule. Un procès en béatification est en cours d’instruction par la mafia vaticane.