Du fric, de la came, des putes et des vaches bien gardées

mis en ligne le 16 décembre 2010
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Holà, mais quel barnum ces dernières semaines les amis, c’est Bouglione et Zavatta à toutes les pages, vraiment ! Phrases de haute voltige, les formules à l’arraché grondent, certaines en piqué comme autant de Stuka lancés sur des cibles cependant repérées avec méticulosité : c’est qu’ils s’appliquent, les nouveaux, et, pareil, les repêchés du remaniement, c’est qu’ils cachent mal, sous leurs fards, la nécessité de faire un tantinet leurs preuves. Il n’est qu’à écouter le petit Baroin-oin, tout frais moulu ministre, pichenetter et descendre en torche l’énorme, l’incontournable, l’excellentissime phare de la pensée contemporaine qu’est Éric Cantona, et sa révolution bancaire : « Monsieur Cantona, on le sait, est un très bon joueur de football », commence Baroin-le-chafouin. « Cependant, à chacun son métier, et les vaches seront bien gardées. » Je ne sais pas vous mais moi, j’en ai d’un coup perdu mes plumes, jusqu’à me sentir subitement bêtement ruminant.
à peine avais-je eu le temps de mâchouiller l’herbe des prés qu’un dénommé Védrine, Hubert, en remettait une couche dans le registre de l’outrecuidance, genre l’hautain qui s’assume. Ce type, dont on nous dit qu’il est né dans la Creuse, et qu’il fut ministre de la France des affaires étranges – toutes choses qu’on veut bien croire, mais bon… –, ce type était interrogé à propos de Wikileaks. S’agissant de la pertinence, ou non, de l’application du principe de transparence, il crut bon de préciser qu’« on ne parle pas aux enfants comme on parle aux grandes personnes ». Je ne sais pas vous, mais moi, j’en suis comme sur le coup retombé en enfance, jeune autruchon pubère s’ébrouant dans la brousse, innocent, ignorant : un con. C’est assez ce que nous sommes, pour ces gens, vous ne croyez pas ? Des vaches, des enfants. Des cons, qu’on promène en troupeau.
Il est d’autres troupeaux, pour les Védrine, Baroin, consorts, au hasard : l’Afrique et ses peuples. Il n’est qu’à lire les commentaires concernant, en ce moment, la situation ivoirienne, pour mesurer dans quel mépris ils continuent d’être tenus par cette espèce d’instituteur père fouettard profiteur mégalobarbouzard qu’on appelle l’Occident. « Gbagbo, Ouattara, en tout cas la communauté internationale a fait son choix », claironnait l’autre soir ce trouduc de Delahousse, journaleux au brushing parfait, sorte de Baroin mais en blond. Kézako ce machin, la « communauté internationale » ? Est-ce le Swaziland, la Serbie, l’Argentine, le Kazakhstan ? Que nenni mon copain, nous savons tous ce que recouvre cette appellation contrôlée – de très près, contrôlée –, laquelle a fait « son choix » : reste à vous y plier, les nègres, pas question que vous nous emmerdiez avec vos histoires locales, les affaires sont les affaires et donc, vos affaires sont nos affaires, et donc, le bizness attend pas.
Pendant ce temps, le maître du château se lâche, devant quelques parlementaires : « Je suis là pour deux mandats, pas plus. Après, ce sera plus tranquille, ce sera la dolce vita. » Plus tranquille pour nous ? Peut-être. Dolce vita pour lui bien sûr, à la mode Berlu bien sûr, son modèle dans la vraie vie : du fric, de la came et des putes. Au Parti socialiste, il est paraît qu’on est rassuré : Sarko ne sera pas candidat en 2017, il l’a promis à sa greluche.
La dolce vita, disait-il : elle ne saurait être à l’ordre du jour pour les smicards et smicardes, au nombre de près de 4 millions, soit 16 % des salariés au pays du « gagner plus ». Le traditionnel « coup de pouce » du 1er janvier se limitera, une fois de plus et pour la cinquième année consécutive, au minimum légal. Bonheur d’entre les bonheurs, le Smic devrait donc franchir, au matin de la nouvelle année, la barre symbolique des 9 euros bruts de l’heure. Merci qui ? Merci mes couilles, oui, en net ça donne un fier salaire de 1 080 euros. Vous avez dit bonnes fêtes ?