Deux ouvrages sur l’affaire Colonna

mis en ligne le 16 décembre 2010
La justice est une vertu, à savoir une disposition constante qui porte à faire le bien et, a contrario, à éviter de faire le mal. Ce vocable ne supporte pas l’à-peu-près et encore moins ceux ou celles qui le manipulent en toute conscience. On se demande encore comment, partout dans le monde, les États en principe souverains, ont tous eu l’idée saugrenue de nommer justice l’institution chargée de dire ce qu’est le droit. Car, en son nom, que de droits fondamentaux ont été bafoués et surtout que d’erreurs judiciaires ont été commises à l’encontre d’hommes et de femmes instrumentalisés par cette dernière aux ordres du pouvoir.
Une démonstration implacable vient conforter ce terrible constat. Elle est l’œuvre de Gérard Amaté, libraire à Lyon, qui a eu l’idée de comparer les procès Dreyfus et Colonna. Édifiant…
Bien que plus d’un siècle sépare ces deux procès, on se rend compte qu’en France rien n’a changé. Au nom de la « raison d’État », on peut faire condamner n’importe qui. Pour Dreyfus, un bordereau dont on savait que l’accusé n’en était pas l’auteur servit de justificatif. Rappelons que le jeune capitaine était juif et que cette communauté dérangeait déjà à l’époque. Quant à Yvan Colonna, des dépositions précises recueillies dans le cadre d’une garde-à-vue musclée indiquaient qu’à l’heure du crime, celui-ci se trouvait à 50 kilomètres de l’endroit où il avait été commis ; en outre, des dépositions sans équivoque devant la cour d’assises le mettaient hors de cause.
Dreyfus : tribunaux militaires. Colonna : Cour d’assises spéciale (ex-Cour de sûreté de l’État). Pas vraiment le genre d’endroit où l’on essaie de faire jaillir la vérité.
Les militaires, les magistrats réquisitionnés dans ces tribunaux d’exception ont un road-book, à savoir un scénario préétabli. Le procès public n’est là que pour amuser la galerie. Il est d’ailleurs étonnant de voir comment la presse réagit à ces simulacres de procès. Là encore, Gérard Amaté s’est penché dans un deuxième ouvrage sur le comportement de la presse française pendant les deux procès Colonna. Consternant…
L’assassinat du préfet Érignac remonte à 1998. À cette époque, Jospin était Premier ministre, Chevènement ministre de l’Intérieur. Ils étaient en charge de la sécurité et ne pouvaient donc que cautionner le travail de la police, ses réussites mais aussi ses errements, ses ratés. Puisque celle-ci présentait Colonna comme l’assassin en fuite, le PS et tous ses dirigeants allaient faire leur cette « thèse » obtenue au forceps…
Quant à la presse amie, Libération, Le Nouvel observateur, L’Humanité, Le Monde, pas d’états d’âme ! Cette thèse sera aussi la leur. On s’est donc retrouvé devant le paradoxe suivant : voir des journaux comme Le Figaro ou Le Parisien prendre du recul et devenir critiques, notamment lors du déroulement du second procès. Gérard Amaté analyse cette bataille de presse et met en cause l’honnêteté intellectuelle de journalistes dits de gauche, ces godillots de la pensée socialiste. Cette démonstration est accablante et permet d’expliquer en partie pourquoi les journalistes ont mauvaise presse dans l’opinion publique. Ce qui s’est passé dans ces procès Colonna, ce copinage avec le pouvoir détenteur de la vérité officielle jettent l’opprobre sur leurs signatures.
On sait maintenant que la Chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé le second verdict et qu’un troisième procès va avoir lieu. On souhaite bien du courage à ces futurs juges pour se démarquer de la vérité officielle. On rappelle que dans le droit pénal français, c’est à l’accusation d’apporter les preuves de la culpabilité d’un accusé, et non à ce dernier d’apporter les preuves de son innocence. Ce n’est pas une simple lapalissade. Tant que les jugements de cours d’assises, qu’elles soient ordinaires ou spéciales, ne seront pas motivés, on continuera d’assister à des verdicts dignes du n’importe quoi qui continueront d’enchanter les larbins de la presse aux ordres. Alors vigilance et plus que jamais de la rigueur intellectuelle dans la tenue de ces procès, plus particulièrement dans le Colonna 3 prévu fin 2011, début 2012.

Philippe de Mérignac