L'organisation centrale des travailleurs suédois

mis en ligne le 19 octobre 1989
- Q : Que signifient les initiales SAC ?
- R : Svensk Arbeteren Centralorganisation, l'organisation centrale du travailleur suédois, un nom qui exprime notre désir d'unifier les travailleurs suédois plutôt que de négocier des centaines de différents contrats pour différentes branches dans la même industrie, ce que fait LO (Landsorganisation, syndicat social-démocrate).

-Q : Parle-moi de l'histoire de la SAC.
-R : Au début du siècle, des membres de LO étaient influencés par la CGT française et quittèrent LO pour fonder la SAC en 1910. Ils avaient cru que beaucoup plus d'adhérents de LO les suivraient, à la suite d'une attitude de collaboration de classes de la centrale dans une grande grève récente. En fait, ce n'est pas avant 1920 que la SAC devient une organisation de masses, dans une période intense de lutte de classes où la SAC était la seule forme d'organisation où les travailleurs pouvaient décider eux-mêmes de leurs actes, revendications ou grèves. En d'autres mots, une organisation déterminée à engager la lutte des classes.
Durant la Seconde Guerre mondiale, les puissants syndicats révolutionnaires d'Allemagne, d'Espagne, d'Italie, d'Argentine et du Mexique furent tous détruits par les fascistes, seule l'organisation suédoise resta. La Suède était neutre pendant la guerre et, en fait, la SAC avait une forte tradition antimilitariste, mais qu'il ne faut pas confondre avec le pacifisme, de nombreux militants de la SAC participèrent activement à la guerre d'Espagne.
Après la guerre, la Suède était prospère, à cause de sa neutralité et l'idée de lutte de classes était minimisée dans la SAC, en faveur de concepts comme « les gens ». Cette « modernisation » était menée par de soi-disants anarchistes. À cette tendance était opposée la Ligue syndicaliste, qui se présentait comme une sorte de parti politique. En fait, ils étaient surtout opposés à toute forme d'anarchisme. Durant cette période, la SAC se transforma objectivement en une version plus petite de LO - une compagnie d'assurance que certaines personnes rejoignaient parce que la cotisation était moins chère dans certaines localités que celle de LO.
Quand les événements de 1968-1969 arrivèrent, personne ne voyait en la SAC une alternative au réformisme, mais l'organisation fut influencée par les changements culturels et une certaine baisse du niveau de vie durant les années 70. Les gens cherchaient un syndicat vraiment démocratique qui soit contrôlé par ses membres, s'intéresse aux questions écologiques et soit déterminé à combattre les patrons pour de meilleures conditions d'existence. En résultat, la SAC a changé et ce changement se poursuit encore. Mais il y a encore des adhérents qui ne savent pas trop ce que l'organisation représente. Des 15 000 cotisants réguliers, il y a 2 000 ou 3 000 activistes et bien que le nombre d'adhérents ait légèrement baissé, celui des membres actifs en dessous de 40 ans a augmenté. La Suède a une population totale de 8 millions d'habitants, avec un million d'immigrés, dont la moitié est finlandaise.

-Q : On m'a dit qu'il y avait eu des changements importants au dernier congrès.
-R : Oui, mais les congrès ne sont pas l'endroit où l'on change l'organisation, il faut le faire au jour le jour. Le congrès est juste l'endroit où on peut voir si on a bien travaillé entre les congrès. En 1975 et 1979, c'était important, car on est revenu à la déclaration de principes sous sa forme révolutionnaire, qui avait été mise de côté dans les années 50. Le renouvellement constant des délégués élus pour s'occuper de l'organisation au jour le jour a été impulsé dans les congrès.

-Q : Qui adhère à la SAC ?
-R : Nous avons beaucoup de jeunes, alors que LO dépense une fortune en publicité pour attirer des jeunes dans son organisation. Il est plus facile pour un jeune d'adhérer à la SAC, parce que nous l'acceptons même s'il n'a qu'un boulot pour l'été. De toute façon, la SAC est plus dynamique que LO. La plupart des activistes actuels de la SAC l'ont rejointe il y a 15 ans, et cette « nouvelle vague » est constamment réactivée depuis !
Traditionnellement, la SAC était très forte dans le bâtiment, les mines et le bois. Des métiers que nombre des adhérents exerçaient comme mineurs, bûcherons, conducteurs de trams, tailleurs de pierre... n'existent pratiquement plus aujourd'hui. D'un autre côté, il y a une sorte de « boom » dans la construction d'immeubles à Stockholm comme dans d'autres grandes villes, cela à cause des gens qui viennent des villes du nord où les industries traditionnelles ont été fermées.
Là où la SAC a le plus progressé, c'est là où il n'y avait pas de tradition solide, chez les employés du service public comme les travailleurs sociaux, les hôpitaux, etc. Il y a aussi une fédération importante des transports.
Le travail forestier a toujours été une zone d'influence importante pour la SAC, spécialement dans le nord-est au-dessus de Stockholm où vous pouvez trouver des villages entiers dont les habitants sont membres de la SAC. C'est souvent une affaire de tradition, mais certains sont très radicaux !

-Q : Peux-tu me parler de l'organisation de la SAC ?
-R : Le principe de base est que chaque union locale (LS) est autonome pour ses propres affaires et travaille avec les autres en termes d'égalité. Pour les décisions nationales, nous avons les congrès pour des décisions nouvelles. Nous avons aussi le comité central composé de délégués élus directement sur une base locale et qui se réunit au moins deux fois l'an. Il y a aussi le comité exécutif, élu par le congrès qui se réunit plus ou moins chaque semaine.

-Q : Ceci provoque-t-il une sorte d'électionnarisme ? Où est la limite dans la promotion individuelle des militants ?
-R : Cela n'a jamais été un problème, en fait ce ne sont que quelques colonnes dans SAC Kontakt avec les résultats obtenus dans les localités. Si quelqu'un menait une campagne dans le style des élections américaines, il se rendrait simplement ridicule.

-Q : Vous avez aussi un vote avant les grèves ?
-R : Oui, un sur les lieux de travail et il y a aussi des votes par correspondance pour les positions nationales, bien que des élections sur le plan local aient lieu. Bien sûr, les activistes sont présents et influent au plan local, mais tous les adhérents ont leur mot à dire, même s'ils ont des difficultés à venir aux réunions pour des raisons familiales.
Un autre aspect, nous n'avons pas d'adhérents qui payent par prélèvement direct sur leurs payes 1. Ils doivent faire l'effort d'envoyer leurs cotisations pour être à jour.

-Q : Est-ce que la SA C a organisé des grèves récemment ?
-R : Le problème majeur est que nombre des adhérents de la SAC sont isolés sur leurs lieux de travail. Peut-être qu'actuellement la moitié de la SAC est avec nous pour des raisons idéologiques, bien que beaucoup de gens nous considèrent aussi, tout d'abord, comme un syndicat. Pour des informations juridiques, des problèmes de contrats, de conflits, etc.
En 1975, il y a eu une grande grève illégale dans l'industrie forestière, les travailleurs voulaient réviser les normes de production. La SAC était la seule organisation à soutenir la grève et seuls les membres de la SAC ont eu leur salaire payé durant le conflit.

-Q : Qu'est-il advenu par la suite de cette grève ?
-R : Après la victoire, il y a eu un tassement et avec l'évolution des mentalités, la technique...

-Q : Y a-t-il eu des luttes au niveau des fonctionnaires, des travailleurs sociaux, des hôpitaux ?
-R : Pas trop jusqu'ici. En fait, nous sommes en train d'avoir un accord, comme avec la ville de Stockholm, pour déclencher une grève, même si l'accord passé avec le patronat n'est pas à terme. Normalement, l'organisation serait alors dans l'illégalité...

-Q : Ainsi, les travailleurs au jour le jour pourraient décider de leur sort plutôt qu'un accord ?
-R : Oui.

-Q : Quelles sortes de luttes se déroulent dans la Santé ?
-R : II y a une forte poussée du gouvernement pour la privatisation de la Santé. De plus, les salaires des hospitaliers sont bas et il y a du chômage.

-Q : Que dire du niveau général des ouvriers en Suède ?
-R : Le bureau officiel du chômage dit qu'il n'y a que 20 %, mais il est vrai que les femmes en Suède trouvent plus facilement du travail que dans le reste de l'Europe. Mais au niveau international, nous avons longtemps été seconds, mais maintenant nous sommes au 12e rang.


Propos recueillis par Thierry (groupe Pierre-Besnard)


1. Le syndicat LO procède ainsi. Les cotisations syndicales sont prélevées au même titre que sécurité sociale, retraite, etc.