Le pape, les miracles et l’Institut national de l’ineptie

mis en ligne le 3 février 2011
Le Panzer-Pape et ses sbires pourpres poursuivent une intense opération de marketing destinée à redorer le blason du Vatican. En effet, la maison Ratzinger présente de larges fissures morales : tous ses murs sont éclaboussés par les souillures de légions de prêtres aux appétits féroces. Au sein du troupeau, leur préférence va aux tendres et juteux agnelets.
Face à une situation susceptible de provoquer la consternation des ouailles et autres gallinacées de la basse-cour (les brebis d’ici-bas), il faut user des vieilles ficelles du marketing (dont le synonyme est « manipulation de masse »). Il faut méduser, faire émerger le merveilleux au cœur du sordide, faire jaillir le surnaturel d’un cloaque. La réanimation des vertus théologales (la foi, la vertu, la charité) est au prix de la revisite de ce qui fait le tréfonds de l’Église : la superstition, la croyance irrévocable et non interrogeable en un arrière-monde où rien n’est comparable à ce que nous éprouvons en notre quotidien et prouvons dans les laboratoires. Le miracle ! Voilà le signe qu’il faut au pouvoir de Rome pour réactiver son principal sacerdoce, s’il s’avère déficient : apeurer la masse des fidèles, la manipuler, la faire bêler. Miracle il faut, miracle il y aura. Jean-Polsky, non content d’avoir fait choir à lui tout seul l’empire soviétique, si l’on en croit les « commentateurs » (i.e. « bonimenteurs »), a aussi été, malgré un emploi du temps très chargé (en effet, au moment du miracle, ce dernier était mort), l’agent miraculeux de la guérison de sœur Marie-Simon-Pierre Normand 1, atteinte de la maladie de Parkinson, tout comme J.-P. On ne saurait mieux dire que le communiqué de l’Opus Dei : « […] Le 21 octobre 2010, les actes de l’enquête canonique et les examens médicaux ont été soumis à la commission médicale du dicastère. Après un examen scrupuleux des témoignages et de la documentation procédurale, elle s’est prononcée en faveur du caractère scientifiquement inexplicable de cette guérison. Ayant pris connaissance des conclusions médicales, les théologiens ont procédé le 14 décembre 2010 à l’évaluation théologique du dossier, reconnaissant à l’unanimité l’unicité, l’antécédence et la choralité de l’invocation adressée à Jean-Paul II, ainsi que son efficacité aux fins de cette guérison miraculeuse. Enfin, le 11 janvier 2011, lors de leur session ordinaire, les membres de la congrégation ont émis unanimement une sentence confirmatoire, retenant miraculeuse la guérison de la religieuse française, car scientifiquement inexplicable, et accomplie par Dieu à la suite de l’intercession de Jean-Paul II, invoquée par la religieuse malade comme par nombre d’autres fidèles. » Donc, en résumé, J.-P. meurt, la nigaude commence à trembloter de partout comme un flan pas assez cuit, elle l’implore ; lui, bon prince, intercède en sa faveur auprès du Très-Haut, la gourde trémulante cesse de l’être (trémulante, pas gourde 2) et crac, la machine à enchanter du Saint-Office se met en branle : ce pape si populaire de son vivant, il faut amplifier son aura, il faut en faire un thaumaturge.
Ça crève du choléra comme des bêtes à Haïti, déjà bien secoué (eh oui, c’est ça le rapport avec la maladie de Parkinson) par le tremblement de terre de 2010, mais J.-P., il s’en cogne des Haïtiens, et depuis son paradisiaque petit nuage, il ne « miraculise » qu’une seule frangine, alors que transformer tous ces moricauds en Lazare, ça aurait eu une sacrée gueule – quoiqu’un peu trop zombie…
Remarquons encore que dans ce « miracle médical », il s’agit d’une pathologie neurodégénérative assez fréquente, aux conséquences sinistres et, par défaut de traitements efficaces, irréversibles. Tout le monde sait ce que c’est et comme la maladie est redoutable, l’impact psychologique, donc manipulatoire, est garanti. Pas question ici du sida – faut pas exagérer quand même, c’est la maladie de la honte, des dégénérés, des pas-comme-il-faut – ; pas plus que d’un paraplégique, car c’est la spécialité des sectes évangélistes qui taillent des croupières aux cathos en Afrique et en Amérique du Sud – et faire marcher un handicapé moteur, ça sentirait un peu l’arnaque exotique, tandis que la rémission d’un Parkinson catholique, mieux : membre de la secte, alors là oui, c’est la classe. Spectaculaire mais sans excès, moralement irréprochable (ça ne s’attrape pas en forniquant ou en se piquant, ni même en faisant le kakou à 200 à l’heure à moto), bref, de bon aloi, parfait pour les cathos prolos et les cathos du 16e, les cathos d’Occident et du tiers-monde. Une religieuse appartenant à un ordre qui s’occupe de la maternité, miraculeusement guérie par un pape si violemment hostile à l’avortement et alors que l’Église patauge dans les fluides répandus par la dépravation de ces curés qui « aiment » tant les petits enfants, quoi de mieux ? ! Du pain béni, je vous dis. Qui plus est, la miraculée est de la maison, très pratique par conséquent pour lui faire dire n’importe quoi. Depuis le temps qu’on l’endoctrine, c’est docile, pas très malin, obéissant et adéquatement dévot, en un mot : fanatique. Ce dernier terme est à la mesure des propos de Mgr Slawomir Oder, postulateur de la cause en béatification de Jean-Paul II : « Je suis ému en pensant que c’était la même maladie qui a détruit le saint-père et qui empêchait cette pauvre sœur de faire son travail […]. Pour moi, c’est un autre signe de la créativité de Dieu. » (Je souligne la dernière phrase, emblématique de la crapulerie ontologique des monothéismes.)

Les médias complices
C’est ici qu’intervient l’Institut national de l’ineptie, à savoir les journaux télévisés de France 2 qui récemment, relatant cette affaire, ont tout simplement été les porte-parole zélés du Vatican, dépourvus de la moindre once d’esprit critique ; on aurait dit que le service de la propagande catholique parlait par leur bouche, après avoir pressé le bouton de leurs réflexes conditionnés d’indécrottables agenouillistes. Pourtant, ces donneurs de leçons de journalisme, si prompts à morigéner celui qui esquisse quelque grief à l’encontre de leur prétendue honnêteté intellectuelle, auraient pourtant pu facilement ne pas céder à une telle fascination béate. De la part de ces cancres télévisuels, n’attendons certes pas des arguments antithéologiques comme ceux que les mécréants se plaisent à opposer aux crédules, mais au moins la simple confrontation des avis. Interroger un neurologue, au sujet d’une maladie neurologique, voilà qui eût été le minimum, à l’aune du professionnalisme que l’on attend de quelqu’un en charge du métier d’informer. C’est ce qu’a su faire 20minutes.fr, avec une interview de Franck Durif, directeur du département de neurosciences de l’hôpital de Clermont-Ferrand, lequel répond en ces termes éloquents à la question de l’erreur possible de diagnostic : « Oui, d’autant plus que la maladie de Parkinson présente un piège diagnostic. Une simple dépression nerveuse, qui provoque une lenteur physique – l’un des principaux symptômes de Parkinson avec les tremblements – peut être confondue avec cette maladie. Certains traitements médicamenteux – comme celui contre les bouffées de chaleur chez les femmes ou des médicaments neuroleptiques contre les troubles du comportement psychique – peuvent aussi provoquer des symptômes similaires à la maladie de Parkinson. Si le traitement est arrêté, les symptômes disparaissent. Ce qui pourrait expliquer le cas de la religieuse. Autre explication : il peut s’agir de syndromes parkinsoniens dits “psychogènes”. C’est-à-dire des troubles psychiatriques qui poussent le malade à reproduire, consciemment par simulation ou inconsciemment par hystérie, les symptômes de Parkinson. À Clermont-Ferrand par exemple, un ou deux cas sont révélés chaque année. »
Quand on connaît la passion idolâtre de la pseudo-parkinsonienne à l’égard de JP, l’hypothèse que cette folle de la messe ait développé des symptômes conformes à ceux décrits par le médecin dans la dernière partie de son intervention est très plausible. Quoi qu’il en soit, une hypothèse d’absence de pathologie est bien plus parcimonieuse (comme on dit en philosophie des sciences) qu’une affirmation de guérison inexplicable. Or, la télévision d’État n’est pas capable de raisonner ainsi 3
Rien d’étonnant car ce sont ces mêmes « élites » journalistiques qui offrent d’abondantes tribunes sans contradicteurs crédibles à des charlatans comme Claude Allègre, Luc Ferry et autres Bodganov. France 2, c’est la chaîne qui prétend donner à ces derniers, imposteurs notoires, la responsabilité d’une émission dite scientifique, émission vaine et sensationnaliste, par conséquent en pleine contradiction avec l’idée même de culture scientifique. France 2, c’est aussi la chaîne du Téléthon, l’organisation d’une charité étatique qui omet ainsi de poser la question politique cruciale du financement de la recherche biomédicale, surtout quand elle concerne des maladies à faible potentiel commercial. C’est encore la chaîne où un nouveau Ducon Lajoie, le sieur Éric Zemmour 4, bénéficie d’un perchoir attitré pour déblatérer sur les Noirs et les Arabes, sur la France catholique vue comme parangon d’un pays idéal où la police est enfin respectée (snif). C’est la chaîne qui, le dimanche matin, se transforme en barnum œcuménique dans lequel les sectes monothéistes exhibent benoîtement tout un arsenal d’absurdités et de divagations. Et là, pas un athée à l’horizon pour les contrer…
Ce sont les mêmes plumitifs et chefs folliculaires qui, il y a encore quelques semaines, « ignoraient » que la Tunisie était une dictature et qu’une partie considérable de la politicaillerie française y trouvait son compte, dans la fréquentation ensoleillée des potentats locaux, et qui, de fait, pratiquaient un journalisme de complaisance, voire d’occultation. Rien d’étonnant à tout cela quand on y décèle la révoltante mixture composée de conformisme de classe, de la méprisable conception selon laquelle ils sont les seuls dépositaires et propagateurs (= médiatiser) légitimes de l’information et enfin, et peut-être surtout, d’une extraordinaire bêtise et d’une inculture abyssale.



1. Elle appartient à la congrégation des Petites Sœurs des maternités catholiques (sise près de Grenoble) dont la vocation est d’œuvrer sous le « […] signe de l’Amour infini du Père, de sa tendresse pour chaque homme dès le premier instant de sa conception, comme pour chaque couple appelé à vivre « à l’image de Dieu  dans le don d’amour réciproque, et appelé à collaborer à son œuvre créatrice ». Cette question parachève leur baratin : « La famille n’apparait-elle pas aujourd’hui comme un des lieux où se joue l’avenir de l’humanité ? »
2. Que personne ne se méprenne : ici, cette description sarcastique ne vise qu’une mystificatrice se voulant mystique, et non pas les vrais malades de Parkinson présentant de tels symptômes. Il est même évident que l’insulte faite aux vrais malades par les autorités religieuses est totalement indigne… Rappelons que la maladie de Parkinson touche en France environ 100 000 personnes, avec, au fil des ans, une augmentation des cas car la prévalence de cette pathologie augmente avec l’âge.
3. La presse locale non plus. Le maire de la ville natale de la religieuse, Rumilly-en-Cambrésis, a annoncé la création d’une association afin que soit célébrée dans la salle des sports de la ville, après la béatification de Jean-Paul II en mai 2011, une grande messe en l’honneur de sœur Marie-Simon-Pierre. Ce que ne précise pas L’Observateur du Cambrésis, d’où je tire cette information, c’est qu’une telle initiative, outre son aspect grotesque, est en contradiction avec les règles élémentaires de la laïcité…
4. À son sujet, voir l’article de Philippe Hunemann dans le présent ML.