La magistrature fait tache d’huile !

mis en ligne le 17 février 2011
1623JugesPolice partout, justice nulle part !
Il est toujours délicat pour les anarchistes de s’exprimer sur la justice et la prison. En effet, historiquement, les libertaires ont toujours préconisé l’abolition de cette dernière, très liée au capitalisme et symbole suprême du contrôle de l’État sur les individus. Cette idée est souvent mal comprise par nos interlocuteurs. Nous pensons en effet que, non seulement, beaucoup de prisonniers n’ont commis que des délits d’ordre économique (délits intrinsèques de toute société de classes), mais surtout que la prison ne permet que très rarement la réintégration des prisonniers. Enfin, le nombre et la gravité des crimes commis par d’anciens prisonniers ne diminuent pas après un passage en prison. À notre sens, les tribunaux d’une justice souvent aveugle, non-indépendante et professionnelle devraient être remplacés par des assemblées issues de la communauté pour gérer le problème de la criminalité. Enfin, l’on peut nous traiter de doux angélistes, mais nous n’en sommes pas pour le moins convaincus que la destruction du capitalisme et l’instauration d’une société anarchiste entraîneraient la disparition d’une grande part des crimes, puisque la plupart d’entre eux découlent de la propriété privée et de l’autorité. Cependant, les anarchistes ne sont pas en marge de la société et sont bien obligés de vivre avec, avant d’arriver à la transformer. C’est pourquoi nous espérons que les derniers événements nés de propos populistes seront l’occasion de remettre en question la pratique actuelle de la justice et surtout la sécurisation à outrance de cette société liberticide.

Réfléchir avant de parler…
En effet, le 3 février dernier, Nicolas Sarkozy, jamais en manque de déclarations à sensation devant les journalistes, a promis des sanctions pour « les fautes et dysfonctionnements » à l’origine, selon lui, de la remise en liberté du meurtrier récidiviste et présumé de Laëtitia, une gamine de 18 ans. Mais ce que les magistrats n’ont pas supporté, c’est d’être visés et mis en cause avant même que ne soient connus les résultats des enquêtes en cours, tandis que depuis des années « ils tirent la sonnette d’alarme sur le manque de moyens de la justice ». Jeudi 10 février a marqué le pic de la mobilisation des professions judiciaires. À Nantes, plus de 2 000 manifestants ont défilé, rassemblant magistrats, avocats, agents de la protection judiciaire de la jeunesse, officiers de police (!), greffiers… Ils étaient tous là pour condamner « les formules mensongères énoncées par Sarkozy et son gouvernement pour faire croire que la récidive peut être purement supprimée ». Ils ont surtout exigé du ministère de la Justice qu’il « n’engage pas de poursuites auprès des fonctionnaires victimes de la pénurie de moyens dans l’affaire de Nantes ».
La manifestation à Nantes a choisi la forme d’une marche silencieuse en signe de respect à l’égard du drame de Pornic. En tête de cortège se trouvaient les magistrats de la hiérarchie et les responsables des organisations syndicales (dont le Syndicat de la magistrature). Des « parquetiers », eux non-syndiqués, étaient venus des quatre coins de la France pour dénoncer « les propos démagogiques et dangereux de Sarkozy » qui a eu le culot de demander de « faire un tri dans les priorités qui incombent à leur métier ». Ces derniers ont vivement rétorqué que « cette logique gestionnaire est le pur produit de manque de moyens. Et comment prétendre faire fonctionner la justice sans moyens ? Derrière il y a des vies en jeu ». Il suffit d’assister à une audience pour comprendre ce que signifie le manque de moyens : les conseillers d’insertion se retrouvent avec un nombre trop important de dossiers à gérer. À Nantes, par exemple, à l’application des peines, on compte seulement cinq greffiers contre dix-sept préconisés sur le papier par la chancellerie. Pas d’autre choix alors que de gérer dans l’urgence.

Justice : ça branle dans le manche !
Pour les représentants du Syndicat de la magistrature, il y a une vraie exaspération partagée d’un bout à l’autre de la chaîne judiciaire : « Sarkozy est tellement en échec sur la sécurité qu’il cherche des boucs émissaires. » Virginie Valton, de l’Union syndicale des magistrats, rappelait dans une interview que, à la suite des propos de Sarkozy, un appel à repousser les audiences a été lancé à l’unanimité jusqu’à la fin de la semaine dernière, avant de convoquer des assemblées générales au début de cette semaine. À l’heure actuelle, 170 juridictions sur 193 ont voté des renvois, dont la Cour de cassation. À Lille, les magistrats (syndiqués ou non), les conseillers de probations et le barreau ont été rejoints par des associations de victimes, comme celle concernant l’amiante. Il s’agit d’une mobilisation historique, d’autant que même la hiérarchie de la machine juridique, habituellement très frileuse en France, a indiqué par des communiqués qu’elle soutenait le mouvement. Selon Virginie Valton, « Sarkozy gesticule pour faire croire qu’il agit, mais entre deux drames, il ne fait rien. Actuellement, de nombreuses lois sont dans les tiroirs du gouvernement mais elles ne sont pas votées. Par exemple, la loi sur l’amoindrissement de la récidive a été votée après le meurtre de Natacha Mougel, mais les décrets d’applications non pas été signés. Sarkozy invoque la défense des victimes pour justifier ses propos contre les magistrats. Mais nous, les victimes, nous les voyons tous les jours dans nos bureaux et aux audiences. Le gouvernement fait du populisme en préparation de 2012 ».
Les revendications des magistrats sont donc de « donner à la justice les moyens de faire son métier », mais surtout que Sarkozy « cesse ses critiques envers les magistrats et tous les personnels judiciaires. Ce derniers ont été dans le viseur du gouvernement avant même que l’inspection n’ait rendu ses conclusions, alors pourquoi la présomption d’innocence devrait être appliquée à Éric Woerth ou Michèle Alliot-Marie et pas aux magistrats ? ». Enfin, le Syndicat de la magistrature dénonce la note de la chancellerie adressée à la hiérarchie judiciaire, qui a réclamé la liste des meneurs de la fronde des magistrats. Pour Virginie Valton, « il s’agit de recenser tous ceux qui ont renvoyé les audiences, afin de les sanctionner et retenir les jours de grève sur leurs salaires ». Ironie de l’histoire : les ponctions de salaire vont être difficiles à établir car les magistrats sont assimilés cadres et ne sont donc pas payés en fonction de leurs horaires ! Dans une minable prestation télévisée « en direct », mais totalement mise en scène, Sarkozy s’est une fois de plus ridiculisé le jeudi 10 février au soir. Fort de son arrogance habituelle, s’il a reconnu que « la majorité des magistrats sont compétents et honnêtes », il a aussitôt fait un parallèle, lui plutôt malhonnête, entre l’affaire de la petite Laëtitia et le drame d’Outreau, histoire de montrer que les juges ont des défaillances… Plutôt que de reconnaître les dysfonctionnements de la justice faute de moyens, il s’est contenté d’annoncer qu’en réponse à la délinquance des mineurs, avant l’été, les Français participeront à la définition des sanctions dans les tribunaux correctionnels. On craint le pire au niveau de leur sélection, surtout dans les affaires de viol ou de pédophilie qui vont attirer le chaland voyeuriste, comme des mouches sur une bouse… Mais, pour Sarkozy, il n’est pas question de moyens supplémentaires, puisque les caisses sont vides, sauf… pour les places de prison. Si on n’a pas compris le message !



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


Makno

le 19 février 2011
"Les français seront les juges de demain..."mais quelle blague de bonimenteur. Son affaire à Lui (comme pour d'autres) c'est d'en reprendre 5 ans. Affaires d'entreprises &consorts avec des juges mis sur affaires crève-cœurs.
Très bon article qui fait gamberger les méninges avant de parler

bande de scumbags

le 23 février 2011
Salut,
Ben écoute on n'a une petite divergence, dont j'espère tu ne me tiendras pas rigueur (en fait je ne suis pas sûr qu'au travers tes lignes, tu puisses avoir ou non la meme vision sur un point précis) :
Je suis farouchement oppposé à l'enfermmement quel qu'il soit,
mais comme tu l'as bien souligné, ce système et ses partisans, l'utilisent de puis si longtemps, que je crois qu'il est grand temps de leur faire goûter à leur propre supplice. Cela revient à dire au demeurant que les prisons peuvent, en fait pourraient servir à quelquechose d'utile : éloigner ces dégénérés cupides des manettes
décisionnaires.

Crieur public

le 23 février 2011
Très bon article. Mais je suis plus dur avec les magistrats, qui, la plupart du temps, obéissent au pouvoir dans les affaires politiques. Ainsi, à Poitiers, le 28 janvier, un procureur membre du Syndicat de la Magistrature, Casassus-Builhé, a accepté de plaider contre une jeune femme, qqui avait protesté par affiches contre la répression policière dont elle fut témoin, le 22 juin, dans cette même ville.
Résultat : 500 euros de dommages et intérets pour la partie civile, le divisionnaire paponeau, 600 euros pour l'avocat de ce foutriquet, et 500 euros d'amende. Délit : Diffamation de papineu.
Ce même procureur, quelques jours plus tard, apparaissait en photo dans la presse locale, le livre "Indignez-vous" à la main. Et le lendemain, il remplissait les marches du Palais de Justice, avec plein de magistrats dont beaucoup avaient fait des saloperies contre des militants.
Alors, leur manif. , c'est du flan. Note : Oui ou non, ce mesage va-til être enregistré et envoyé ? Pas plus simple quand on est pressé ? C'est le 3ème eesai. Ou alors, je suis bête.