Une banale contamination…

mis en ligne le 17 février 2011
1623JokokoLes technologies nucléaires ont l’habitude de faire parler d’elles : train de déchets radioactif en direction de l’Allemagne, incidents réguliers dans les centrales, comme au Tricastin, etc. Voilà qu’aujourd’hui le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) vient directement contaminer les quartiers résidentiels urbains…
Vers la fin du mois d’octobre, l’AFP puis certains quotidiens nous apprenaient qu’un quartier de la commune de Saint-Maur des Fossés (94) était le théâtre d’une contamination radioactive au tritium (hydrogène radioactif). Dans le quartier de Champignol, au 22 de la rue Parmentier, la société 2M Process utilisait un tamis moléculaire pour ses activités sur les fluides, notamment pour traiter des produits en provenance des hôpitaux. Jusqu’à ce que le CEA découvre par hasard, neuf mois après avoir fourni cet appareil, qu’il était contaminé au tritium. Loin d’imaginer que ce nouveau matériel était radioactif, les salariés de cette entreprise furent les premières victimes. Les radiations affectaient tout aussi directement les riverains proches des bâtiments de la société. En réalité, ce tamis moléculaire vendu « neuf » avait servi auparavant au CEA de Valduc (près de Dijon), qui assemble des bombes atomiques.
À la suite de cet « incident », les habitants du quartier furent conviés par le maire à une réunion publique. Le jour venu, la salle était pleine de riverains attendant d’être rassurés et faisant face aux experts (CEA, Autorité de sûreté nucléaire, Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, préfet, député-maire). Après un diaporama exposant la situation et les caractéristiques du tritium, nous allions tous pouvoir prendre la parole. Cette réunion devait permettre de comprendre les causes de cette contamination pour que cela ne se reproduise jamais…
Passons sur le maire qui reprenait systématiquement la parole entre deux questions pour dire « c’est la première question que j’ai posée… » tout en s’exonérant de ses diverses prises de position personnelles en faveur du nucléaire, lui qui vantait le sérieux de ces technologies… Pitoyable arroseur arrosé !
De sérieux, le CEA en manque cruellement, car au-delà des questions légitimes et des inquiétudes des habitants, le fait est que celui-ci a remis à un prestataire un appareil neuf… âgé de plus de 15 ans et de surcroît contaminé ! Le représentant du CEA a consenti à un mea culpa entre deux coups de fil, tout en promettant que les procédures seraient dorénavant plus sérieuses.
Mais tout cela n’était pas si grave : d’après le spécialiste de l’IRSN, il n’y avait aucune raison de s’alarmer pour quelques traces retrouvées chez les salariés et les riverains ainsi que dans un rayon de 50 mètres autour de l’entreprise. Par ailleurs, toujours d’après ce spécialiste, le tritium est un des radionucléides 1 les plus faiblement radioactif.
Le message est clair : dormez tranquille braves gens, « aucune disposition particulière n’est nécessaire 2 ». Cependant, de nouveaux prélèvements ont été réalisés et à cette occasion, le Réseau sortir du nucléaire a fait remarquer 3 que les premiers relevés ne tenaient pas compte des vents dominants orientés vers le collège du quartier, à 200 mètres de là ; que certains relevés ont révélé des augmentations, montrant que le bâtiment continuait d’émettre de la radioactivité 4 ; que d’autres spécialistes de l’ASN disent dans un rapport que leurs connaissances sur le tritium sont limitées 5 ; que la Commission internationale de protection radiologique affirme quant à elle que « toute dose de rayonnement comporte un risque cancérigène et génétique ».
Deux questions restent posées. Comment le CEA peut-il envoyer des machines contaminées à ses prestataires ? Question importante pourtant à peine effleurée lors de la réunion publique, le seul enjeu étant de rassurer les habitants et non de mettre en cause ces institutions. Ensuite, comment faire confiance à l’IRSN, qui n’a pas tenu compte d’éléments fondamentaux lors des premiers relevés et ignore le manque d’information sur le tritium ? Voudrait-elle banaliser cette contamination qu’elle ne s’y prendrait pas autrement.
Que tirer de cette histoire ? Tout d’abord, il faut rappeler que les technologies nucléaires ne sont pas « propres » et ne le seront jamais. Derrière le nucléaire civil se cache le nucléaire militaire auquel il est toujours étroitement lié. Une contamination radioactive n’est jamais banale, qui plus est dans un quartier habité.
De plus, ces technologies se propagent en dehors de tout contrôle démocratique et sont imposées par l’État aux populations, priées de croire les experts : « Désolé pour la bourde, mais puisque l’on vous dit que ce n’est pas grave ! » Toutes ces institutions disent garantir notre sécurité mais en réalité, elles se fichent de leurs prestataires comme des populations en se montrant incapables d’avoir des procédures empêchant ce type « d’incident », au mépris le plus total de notre intelligence et de notre santé.
Il est définitivement temps de nous réapproprier nos vies, ces questions ne doivent pas être laissées aux mains des experts et du pouvoir. C’est à nous de décider des technologies dont nous avons besoin !

Gwizio, groupe Tous-les-maquis de la Fédération anarchiste




1. Les radionucléides sont des atomes dont le noyau est instable et donc radioactif. (Ndlr.)
2. Dépêche AFP du 9 novembre 2010.
3. Communiqués de presse du Réseau sortir du nucléaire du 22 novembre 2010 et du 26 novembre 2010.
4. Notes d’information de l’IRSN, « Contamination-tritium à Saint-Maur des Fossés », 15 novembre 2010 et 25 novembre 2010.
5. Synthèse du Livre blanc du tritium, ASN, juillet 2010 (http://livre-blanc-tritium.asn.fr/).