C’est une douleur pour lui

mis en ligne le 17 février 2011
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Pour commencer dans le léger, dans le qui mange pas de pain ni croûte, quoi de mieux que de citer ce brave Dupont-Aignan, pas le d’Isigny, l’autre : « quand on me connaît on vote pour moi », paonnait l’autre soir le gaulliste gallinacé – espèce menacée s’il en est. Son drame : être ignoré, alors même qu’il gagnerait beaucoup (de voix) à être connu. Las ! Dupont qui, déjà ? C’est d’une roue différente que pavanait, en d’autres pages, la mère Parisot, d’une roue libre comme l’air qu’elle ne désespère pas de pouvoir, un jour, tarifer. Un temps, la mère s’était faite discrète, au point qu’on en était inquiet, ou quasi, pour ses abatis. Mais passée la tempête grévière de l’automne elle nous revient, et en pleine forme : au sujet des revenus indiciblement indécents de ses amis patrons, Parisot rappelle, sans rire, que ceux-là « ont fait un effort considérable concernant la transparence ». On saurait mieux ce qu’ils gagnent ? Ça nous en fait une belle, de jambe, et une soi-disant toute neuve conscience pour les stock-optionnards outrancièrement blindés de biffetaille. Qu’à cela ne tienne, pour Parisot, tout continue d’aller bien mal : c’est que les entreprises françaises grossissent moins vite que les allemandes, c’est là le drame, qu’elle dit. La faute à qui ? Là, hystérie : « C’est à cause de l’ISF, de l’ISF, oui ! C’est à cause de l’ISF ! » à l’intention de nos amis sourds et autres ralentis de l’oreille : Laurence Parisot nous dit qu’elle est contre l’ISF.
Au rayon des sourdingues, on trouvera aussi ce non-appareillé de Sarko, lequel n’entend ni ne comprend le cri de la magistrature, le soir au fond des bois de la justice. Il la méprise, surprise ! davantage que vous et moi – ce qui n’est pas peu dire. En un mot il la hait, la traitant telle une gangrène certes utile par moment à cette démocratie de façade, mais quelle plaie, les juges, hein ! Aussi subissent-ils à nouveau le présidentiel courroux, à l’occasion du tout dernier surmédiatisé fait divers. Mais ils réagissent, ils s’opposent, ils maugréent, ils manifestent ! Que veulent-ils, ces juges, de la brioche ? Selon Baroin, porte-parole patenté et lèche-talonnettes d’or toutes catégories confondues, « ce mouvement n’est pas juste, il est le fait de magistrats qui refusent d’assumer leur responsabilité ». Puis d’en faire des kilos, le toutou, sur le meurtre de Laëtitia, « épreuve collective », qu’il dit. Collective ? Comment ça ? Qu’a de collective une épreuve qui, de par sa nature, est à peine imaginable pour le quidam situé hors du champ direct du drame ? Cependant, se lâchant et semblant incapable d’une pudeur à minima, le récupérateur démago ose ceci, d’anthologie : « C’est le président de la République qui reçoit la douleur des familles, qui reçoit ce cri. C’est une douleur pour lui. » Ainsi donc souffre Sarkozy, en sa chair, en son être, tel l’agneau, amen… Dans le registre de l’odieux, on a rarement fait pire que cette sortie-là. Si j’étais le père de Laëtitia, peut-être trouverais-je encore la force d’aller lui péter sa sale gueule, au clébard Baroin. Et tant qu’à y être, à son maître.
Ça rigole plus ? Rionz’un peu, avec nos amis les comiques, au premier rang desquels s’avance Philippe Sollers, le précieux ridicule des lettres germanopratines : « Tout jeune, j’étais déjà anarchiste. Il faut réveiller l’anarchie ! » s’emballe l’écriveur vain. Une déclaration qui, vous en conviendrez, ne manque pas de piquant de la part d’un bouffon passant le plus clair de ses nuits sans lune à hurler avec les loups qu’il est catholique, oui monsieur, pratiquant, parfaitement madame ! Et qui, lorsque c’était la mode, s’était arrangé pour sucer de ses lèvres lippées l’anneau papal de Popaul II… à voir un tel falot se réclamer subitement d’une idéologie dont il ignore tout et jusqu’à l’orthographe, on est en droit de se demander si l’anarchie n’est pas en train de devenir « fashion ». Merde alors, manquait plus que ça.