FO : retours sur un congrès

mis en ligne le 24 mars 2011
Il y a trois semaines dans les colonnes du Monde libertaire, nous décrivions les enjeux du congrès confédéral de Force ouvrière qui allait se tenir du 14 au 18 février à Montpellier. Nous annoncions, en fin d’article, un bilan. Il s’agit donc aujourd’hui de respecter ce « mandat ». Nous le ferons d’autant plus volontiers que la presse n’y a guère attaché d’importance dans la mesure où rien de « croustillant » de son point de vue (crise, bataille de succession) ne s’y est passé. Certes, le rapport d’activité a été largement adopté par plus de 97 % des mandats et il n’existait aucun enjeu majeur de personne à l’élection de la direction confédérale. Pour autant ce congrès, sans être historique, a été tout à la fois un vrai moment de démocratie syndicale et le lieu aussi de petites manœuvres d’appareil… Pour une meilleure compréhension des choses, nous publions parallèlement quelques extraits significatifs des « résolutions » adoptées par le congrès (après de nombreux amendements, dont certains de militants libertaires), ainsi que des extraits d’interventions à la tribune de militants anarchistes.
Rappelons qu’un congrès FO, c’est 3 640 personnes, dont 2 700 délégués porteurs de mandats de syndicats de base. Ce n’est pas, comme l’ont rappelé de nombreux intervenants, le congrès de « l’appareil » (fédérations et unions départementales) mais le congrès des syndicats. Il n’y a aucune possibilité statutaire pour la direction de filtre bureaucratique (comme dans la plupart des autres congrès de syndicats qui dépassent d’ailleurs rarement le millier de délégués plus ou moins triés sur le volet) ni d’empêchement de prise de parole. D’où une liberté de ton pendant cinq jours assez remarquable.
Un peu plus de 150 interventions ont occupé les trois premiers jours avant un travail en commissions qui a, comme d’habitude, donné lieu à une bataille de chiens pendant plus de neuf heures pour élaborer des textes globalement corrects qui sont les mandats que la direction est supposée respecter pour les trois ans à venir. Tout l’enjeu de cette bagarre étant d’être le plus précis possible dans la formulation pour éviter des interprétations très particulières du bureau confédéral, comme celles qui avaient abouti à la signature, le 11 janvier 2008, du calamiteux accord dit de « modernisation du marché du travail ». Cette signature a été d’ailleurs condamnée par de nombreux intervenants lors de ce congrès, pas tous anarchistes qui plus est !
à l’inverse, le mandat assez strict donné sur la question des retraites, lors du précédent congrès de Lille, a abouti à une position correcte à l’automne dernier – « retrait pur et simple du projet de loi Sarko-Fillon » – malgré les pressions politico-syndicales pour faire rentrer dans le rang FO, en l’occurrence l’intersyndicale, véritable fossoyeur des luttes sous la tutelle du binôme Thibault-Chérèque. C’est bien sûr ce qui restait en tête de la plupart des délégués au moment de faire le bilan, d’où le vote quasi unanime du rapport d’activité.
Mais à côté de cette véritable démocratie syndicale dans laquelle nous nous retrouvons, ce congrès aura aussi été marqué par un épisode moins glorieux. Au moment d’adopter la résolution générale en plénière, le secrétaire de la fédération de la métallurgie, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il ne se distingue ni par sa combativité ni par son indépendance vis-à-vis du patronat, a proposé, comme c’est son droit, un amendement qui visait à affaiblir la partie du texte concernant les retraites : la formule de compromis trouvée lors de la commission disait : « Le congrès s’inscrit dans une démarche volontariste de reconquête sociale qui passe par le retour du droit à la retraite à 60 ans à taux plein et dans la perspective du retour aux 37,5 ans de cotisation en créant le rapport de force. » Sa proposition était juste d’ajouter : « lorsque les conditions seront réunies ». Autant dire : quand les poules auront des dents ! Jusque-là rien d’anormal. Après tout, le même, avec sa clique, avait déjà mené bataille au congrès de Lille contre les 37,5 ans. Mais la « surprise » est venue du secrétaire général de l’union départementale de Loire-Atlantique, que tout le monde sait être le représentant du Parti ouvrier indépendant (POI), montant à la tribune pour soutenir cet amendement. Pitoyable et annonciateur de petites manœuvres la veille de l’élection de la commission exécutive. Cette commission de 35 membres est élue le samedi qui suit le congrès par le comité confédéral national (ensemble de toutes les unions départementales et de toutes les fédérations), d’où des alliances pour le moins discutables. Il est clair que pour ces petits « jeux » d’appareil, les militants lambertistes (mais on me murmure que les trotskistes du NPA font pareil à Sud et ailleurs) ont des qualités que nous n’aurons jamais ! Pour autant, nous n’avons pas la mémoire courte.

Maurice, groupe La Sociale de la Fédération anarchiste