J’en suis les filles, j’en suis les gars

mis en ligne le 31 mars 2011
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? De ci de là, les plaintes des cocus ayant, comme un seul homme à cornes, voté Chirac en 2002 quand la peste brune, paraît-il, menaçait de nous submerger. Pacte républicain, qu’ils disaient. Ainsi, c’est en troupeau qu’ils accordèrent leurs suffrages à l’autre grand couillon, lequel allait s’employer à continuer de nous chier sur le crâne durant cinq pénibles années, tout en préparant l’avènement de ce pétainosarkozysme sous le joug duquel nous suons encore. Ils s’imaginaient, les idiots, que c’était à charge de revanche, que la droite, le temps venu, renverrait l’ascenseur. Les voilà donc fort marris face au Nini de Sarko, ni Front républicain ni Front national, qu’il dit. D’autant plus marrons dans l’affaire que ces tendres bêlants découvrent, sur le tard, qu’une large partie de l’électorat de droite préférera toujours voter pour les fachos plutôt que pour un socialiste, aussi mièvre soit-il. C’est à noter sur nos tablettes, tant c’est promesse de fous rires face aux déconvenues des cornards, à leurs lendemains de second tour, pénibles et dépressionnaires. Pour l’heure, en abstentionniste convaincue, l’autruche ne peut que se réjouir de ce nouveau record de non-vote, lors du premier tour cantonal. 56 % de pêcheurs à la ligne ? L’alibi ne tient plus, on manquerait de cannes. Il semblerait plutôt que la lassitude, le dégoût gagnent, et poussent à fuir les isoloirs. Même les héros sont fatigués : un journaleux demandait l’autre jour à Jean-François Copé ce qu’il conseillait de voter en cas de second tour opposant le PS au FN. « On peut aussi ne pas voter », a répondu le garçon. Une fois n’est pas coutume, on est assez de son avis.
N’empêche, quel embarras, ce FN caracolant. Embarras pour nous tous, c’est une chose entendue, embarras surtout, et de poids, pour une sarkozerie devenue champ de ruines au milieu duquel s’étiolent talonnetteman et ses caciques. Où est-il, le bellâtre se vantant d’avoir, en 2007, « siphonné les voix lepénistes » ? Il est à l’Élysée, il est, à son tour, siphonné. Contemplant le désastre, il se distrait d’un rien, par exemple écoute Guéant, ancien oracle patenté et désormais ministre, Guéant le bavasseur, qui plaint « ces Français qui ont le sentiment de ne plus être chez eux », et prépare le fumeux débat sur l’islam en France, ou de France, comme aime à l’appeler ce pâle écornifleur. De circonstance, dites-vous, le débat, tombant pile poil au beau milieu d’une débâcle annoncée ? Vous avez l’esprit mal tourné. Mais laissons-là le Guéant vert, homme à sornettes s’il en est, et écoutons un peu le silence, tintamaresque, de Longuet : ministre de la Défense d’un pays en guerre depuis deux semaines, Longuet ne pipe mot. Étrange. Est-il aux arrêts, casematé ? Entravé, bâillonné ? Peu importe, le général Pontiès, ci-devant responsable de la vaste opération de com’ nommée Guerre en Lybie, parle pour deux et nous apprend que « l’armée twitte », sic, que « l’armée est sur Facebook, et d’ailleurs vient de dépasser le cap des 5 000 amis ». Joli succès, qu’il conviendrait cependant de relativiser : pour une population de 60 millions d’habitants, ça ne nous fait jamais qu’un taux d’amitié de 0,008 %. Vous me direz : c’est encore trop. Et vous n’aurez pas tort, d’autant que, des poteaux, elle en recrute, l’armée, jusques et y compris dans les plus improbables lieux : dans les pages mêmes de ce journal on a pu lire, la semaine dernière, un éditorial émanant d’« antimilitaristes forcenés » approuvant néanmoins ces « quelques frappes aériennes », et par ailleurs assimilant l’opposition à cette guerre à « un purisme idéologique assurément bourgeois ». Diable. Si c’est être bourgeois de ne pas applaudir à la valse des bombes, alors j’en suis, les filles, les gars. Avant d’être passé par les armes, qu’on me permette tout de même de dire qu’en matière d’antimilitarisme on a, et heureusement, connu plus forcené que ça.