Intérieur, extérieur de Daniel Giraud

mis en ligne le 14 avril 2011
La « postface » en quatrième de couverture indique que ce recueil est un long et seul poème qui, sur la page, se partage en deux : à droite, l’intérieur, à gauche l’extérieur. L’un est donc la face cachée de l’être et l’autre, la face découverte du monde ! Il serait réducteur de dire que ce poème n’est qu’une longue litanie sur les errements de l’un et de l’autre. À l’intérieur, « la lumière luit/au fond de la nuit », car n’est-ce pas ce que la métaphysique nous enseigne, autant comme chemin que comme posture : « connais-toi toi-même » ! Mais cela suffit-il pour autant si je suis le seul à le faire ! ? Quel monde dans ce cas m’apparaîtra ? « Le chant d’un torrent », un « fleuve d’étoiles », un « papillon blanc » ? Ceci peut certes venir à moi, s’offrir à mon regard, à mes ouïes, mais si c’est un « monde/immonde/de l’obscur/plus que l’obscur/inutile/de jaspiner… », je ne puis me contenter de me connaître moi-même, quelque part, quelque chose doit se faire ! Pourtant « nous ne sommes pas/la construction/ni le constructeur/de ce que nous faisons/de ce que nous sommes… », « mais/témoin/de ce qui ne change pas/témoin/de ce qui est… » comme ce monde de « vidéosurveillances/installées dans les murs/…/ filmant jour et nuit/la vie privée… ». Daniel Giraud n’a pas de mépris pour le monde, ni pour lui-même. Il est honnête, c’est pour cette raison qu’il peut, en tant que poète, lorsqu’il scrute sa propre vérité, dénoncer celle qui lui apparaît. Il n’y a pas de remède, de confidence, d’élaboration d’une stratégie, mais la voix de Giraud est celle de la liberté, celle de l’identité humaine qui ne se renie pas, accepte ses ivresses comme sa lucidité. Il n’est pas nécessaire de faire un long exposé, une démonstration économique ou un discours enflammé lorsque l’on est poète. Il suffit de savoir donner aux mots leur juste place, leur juste allant pour qu’ils disent de ce qu’ils sont. En se nommant et en désignant le monde, tels qu’ils le sont, Daniel Giraud fait œuvre d’anarchiste et de poète. L’engagement véritable qui fait aujourd’hui défaut est ce que nous avons autrement désignés par l’absence des poètes. Maintenant ce n’est plus le cas, et Intérieur, extérieur nous rappelle que nous ne sommes pas seuls !

Jean-Michel Bongiraud