Écoles en difficulté : casse gouvernementale de l’école publique

mis en ligne le 5 mai 2011
1634EducationLes suppressions de postes dans l’Éducation nationale ont été massives cette année et s’annoncent du même ordre l’année prochaine. Cela se traduit par des fermetures de classes et des effectifs (d’élèves) en hausse. Malgré la contestation grandissante des parents et enseignants, la politique de casse du service public d’éducation se poursuit. Il faut bien avoir à l’esprit que le dogme, qui reste en toile de fond, c’est le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux et le gouvernement d’annoncer qu’on peut encore faire mieux.

Déstructurer
Paradoxalement, c’est au nom de la lutte contre l’échec scolaire que les mesures de casse de l’école publique ont été prises. Avec ses 10 % d’illettrisme, ses jeunes qui sortent sans diplômes, ses résultats aux enquêtes internationales, le système éducatif français est à revoir. Il est foncièrement élitiste, compétitif, stressant. Tout le monde, notamment les enseignants, veut aider les élèves en difficulté. Aussi, quand le ministre a instauré les deux heures d’« aide personnalisée », des voix se sont élevées contre cet alourdissement de l’emploi du temps des élèves et contre leur stigmatisation. Elles pointaient les effets pervers d’une telle mesure et craignaient de voir disparaître les Réseaux d’aide aux élèves en difficulté (Rased). Ces postes sont occupés par des enseignants spécialisés.
Ces deux heures d’« aide personnalisée » sont assurées par les enseignants, avec leurs élèves qui présentent des difficultés passagères sur tel ou tel point du programme. Ce dispositif était censé s’ajouter à la prise en charge par les Rased des élèves en grande difficulté ou en difficulté persistante. Après la lutte des enseignants des Rased, après le refus des enseignants d’assurer ces deux heures ou leur aménagement différent pour répondre aux besoins des classes, la plupart des enseignants ont joué le jeu du ministère et accepté de mettre en place cette « aide personnalisée ». Ils y ont mis leur savoir-faire professionnel pour que ces heures, malgré toutes les critiques qu’on peut leur faire, soient tout de même bénéfiques aux élèves… et elles peuvent l’être dans certains cas. Oui mais !

Supprimer
Comme nous le redoutions, ces deux heures d’« aide personnalisée », une fois mises en place, se sont accompagnées de la disparition des postes de Rased. À Besançon, il n’y a tout simplement plus de formation d’enseignants spécialisés l’année prochaine. Fermer le robinet, puis fermer les postes ! La plupart des fermetures de postes se font dans les Rased et dans les zones d’éducation prioritaire, là où la difficulté scolaire est la plus importante. Mais ces fermetures de classes se font aussi en milieu rural, là où les Rased avaient déjà du mal à aller, là où les enseignants se retrouvent souvent isolés et où la misère sociale, culturelle, économique est tout aussi présente.
Ensuite, c’est une perversité du gouvernement que de faire croire qu’il entend lutter contre l’échec scolaire, comme si les enseignants n’avaient pas à cœur la réussite de tous les élèves ; comme si le fait d’ajouter deux heures à l’emploi du temps était la solution. Dans ce cas, les mouvements pédagogiques qui se battent et innovent depuis plus de cent ans auraient été vraiment idiots de ne pas y penser plus tôt.

Précariser
Les deux heures d’« aide personnalisée » se font en petits groupes. C’est cela qui plaît aux élèves et aux enseignants. Oui mais ! Les suppressions de postes se traduisent directement par des effectifs en hausse. Trente élèves, et plus, par classe, voilà qui va redevenir la norme. À cela s’ajoute la prise en charge des élèves en situation de handicap. Depuis 2005 et la loi d’intégration des enfants handicapés, les écoles accueillent de plus en plus d’élèves en situation difficile. L’Éducation nationale en profite, en même temps, pour fermer des classes, supprimer des postes, dans les structures d’éducation spécialisée. Ces élèves devraient être accompagnés par des aides à la vie scolaire (AVS). Ces précaires de l’Éducation nationale ne sont pas toujours en nombre suffisant. Ils coûtent « trop chers », 800 euros par mois, et sont donc progressivement transformés en EVS (emplois de vie scolaire) encore plus précaires et moins payés.

Casser
Cette précarisation agit comme une lame de fond. Précarisation des contrats, précarisation des conditions de travail, précarisation des conditions d’entrée dans le métier. À ce niveau, la réforme de la « formation » des enseignants est ahurissante. Les journaux se sont fait l’écho des difficultés rencontrées par les jeunes enseignants : trop de travail, pas assez de formation, peu ou pas d’aide, etc. Certains ont déprimé, démissionné, voire se sont suicidés. Pour ceux qui réussissent à tenir le coup, malgré une année de travail à temps complet dans des conditions difficiles, leur titularisation n’est pas certaine. L’Éducation nationale fabrique donc de futurs profs non titulaires qu’elle pourra embaucher au coup par coup sur des contrats précaires. Pour nous, c’est une exigence, les enseignants doivent tous être titularisés sans condition !

Résister
On voit bien que plusieurs fronts sont ouverts pour mettre en difficulté les écoles, c’est-à-dire les enseignants et les enfants. Les attaques contre l’école maternelle, associées à une politique de déréglementation des crèches, vont mettre les familles en difficulté. Les nouveaux programmes, les rythmes scolaires, etc., tout est bon pour entretenir un climat de suspicion contre les enseignants. Tout est bon pour casser ce qui reste du droit des travailleurs de l’éducation. Tout est bon pour en finir avec le service public d’éducation. Notre réponse doit donc être à la hauteur des enjeux. Les liens, les réseaux qui se tissent entre parents et enseignants contre les fermetures de classes doivent s’intensifier et s’ouvrir à d’autres sujets, à d’autres acteurs de la vie de l’enfant. C’est l’enfance qui est en danger.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


fhr76

le 17 mai 2011
« C’est une perversité du gouvernement que de faire croire qu’il entend lutter contre l’échec scolaire. » Ne soyons pas dupe ! Ce gouvernement qui défend l’économie de marché, le libéralisme économique, la loi du plus fort, l’élitisme, ne vise que deux choses : favoriser ceux qui détiennent le pouvoir financier et favoriser le maintien d’une classe de la population au service de l’enrichissement d’une classe favorisée, basé sur le principe de la sélection naturelle (ceux qui réussissent et ceux qui échouent (référence à l’ascenseur social t’as pas intérêt à le rater, l’illusion que la réussite est permise à tous)) et certainement pas de lutter contre l’échec scolaire.
L’objectif du gouvernement nous a été clairement exposé lors d’une présentation officielle de la GPEC à l’organisme de formation où je travaillais. Sous prétexte que le monde évolue (référence à l’émergence de la Chine et de l’Inde dans le Commerce International) et que nous devons nous adapter à cet évolution pour rester compétitif ; l’individu ne compte plus, ses choix, ses désirs n’ont plus aucune importance, ce qui compte est de répondre aux besoins des entreprises (et donc et toujours au besoin de ceux qui en récoltent les bénéfices c'est-à-dire ceux qui possèdent le fric). L’individu qui échoue (soit celui qui n’a pas les moyens de réussir dans la société selon les critères de cette société, celui qui n’a pas chopé l’ascendeur social !!) doit s’adapter et on va l’y aider avec le développement de « la formation tout au long de la vie » (mise à mort de la deuxième chance : possibilité d’obtenir un diplôme tout au long de la vie).
Donc ne rêvons pas, une école publique sans moyen c’est l’assurance d’une main d’œuvre à bon marché en perspective, la création d’une force productive flexible et utilisable à volonté. Le tout est que cela aboutisse sans vague, « C’est une perversité du gouvernement que de faire croire qu’il… ».

Léo Audemar

le 17 mai 2011
Je concorde avec l'analyse ci-dessus. Le problème à soulever et la formation des programmes. Par qui ? Dans quel but ? Mais peut être essayer de revoir les rapports sociaux qui en découlent.
Je me rappelle de mes cours de terminale S ou en physique on faisait des bilans énergétiques de la fission nucléaire, en nous faisant conclure "ouha, toute cette énergie dégagée ?!!"
Il n'y a donc pas de doute à avoir : l'école est un appareil étatique très puissant. Mais à nous de créer les alternatives, non pas en essayant de le "réformer de l'intérieur" comme semble le conseiller l'article. De plus il est admis que la qualité de l'enseignement dépend largement du rapport qu'ont professeurs et élèves. Le système de formation des enseignants est basé sur un niveau à acquérir dans une matière spécifique. Et la pédagogie, il l'apprendra sur le tas ! Un peu comme un psychanalyste qui n'a fait aucun travail sur lui-même avant d'essayer de soigner les autres (hélas très souvent le cas également)...
A nous donc de recréer des espaces d'éducation en dehors de l'école, en donnant par exemple le sentiments aux vieux qu'ils ont une autre utilité que creuser le trou des dépenses médicales (un rapport crèches/vieux ?)
Les savoirs paysans qui se perdent si rapidement, mais qui sont si riches de vécu, qu'ils valent plus que n'importe quel travail d'universitaire coincé derrière son bureau.

Léo Audemar

le 17 mai 2011
(ce commentaire est à la suite de celui d'en dessous ... désolé)

Poser également un autre rapport sur l'autonomie si souvent décriée, comme l'on dit si souvent des grands penseurs (à mon sens), comme Epicure, Thoreau, Tolstoï, Gandhi. "Le fruit le plus grand de la suffisance à soi-même : la liberté " Epicure, lettres et maximes. Autosuffisance alimentaire => liberté d'action et de pensée. Mais oui, le paysan est un métier mal vu (pourtant, chacun peut créer son propre emploi), répugnant (pourquoi ?), pas très reconnu au niveau social (litote ...). A ce sujet, humilité (volonté de ne pas se placer au dessus des autres par sa pensé, son action, etc ...) du latin "humus" : terre. Marrant non ?
Le problème c'est qu'on veut plus facilement déplacer les problèmes sur des décisions politiques. C'est en les désignant comme responsables qu'on continue à leur donner du pouvoir.

Notre moyen d'échapper à toute forme d'autorité (qui est le but de l'anarchie non ?), c'est l'autosuffisance. Mais il est très difficile de devenir assez HUMBLE pour quitter l'univers social/médiatique et se forger soi-même son environnement.
Le premier enseignement de la vie (par les parents et grands parents, qui lient un rapport privilégié avec leur "élève") devrait être l'apprentissage de l'auto-nutrition, le deuxième "des cours d'autodéfense intellectuelle" (Chomsky).