Ah bon, vous êtes styliste ?

mis en ligne le 5 mai 2011
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Rafle à Marseille, rafle à Paris, on ramasse, à la pelle, les Tunisiens qui traînent. Les paponnades se multiplient au pays des droits de l’homme pur porc, sans émouvoir plus que cela un personnel politique ayant élevé au sein Le Pen, s’estimant désormais contraint de cavaler au cul de la fille cadette. Imbéciles, savent-ils au moins que pendant qu’ici on s’échine à rejeter en mer 3 000 (trois mille !) de ses ressortissants, la Tunisie ouvre, elle, grande ses frontières et accueille au bas mot 20 000 Libyens, et dans des conditions décentes ? Générosité, bienveillance et solidarité : ces mots n’ont pas le même sens, selon qu’on se trouve d’un côté ou de l’autre de la Méditerranée. Cependant, ceux pour qui l’accueil de 3 000 étrangers constitue un problème extrême devraient lire de toute urgence le programme de Hollande, François, lequel confiait il y a peu avoir « fait un rêve pour la France ». L’homme qui, visiblement, ne s’est toujours pas réveillé, pourrait les inspirer, puisqu’il propose par exemple d’envoyer les gamins des cités prendre l’air. C’est généreux. C’est bienveillant. Les « emplois francs », qu’il appelle ça. Ça vous a un côté Clovis… « Un jeune venant d’une zone défavorisée pourrait avoir un statut de salarié particulier, et être employé plus facilement partout en France. » Mouais, mais encore ? « Il y a des territoires ruraux qui ne demandent qu’à accueillir des jeunes, alors que nous avons une concentration de population trop forte en Île-de-France. » Traduction : envoyons les mômes de Bondy, de Bobigny ou des Minguettes à Montargis, Vesoul, Maubeuge. Autant de camps de déconcentration permettant de débarrasser les quartiers de ceux qui gênent, tout en repeuplant les champs de naviots, crédié ! Encore faudrait-il que Hollande parvienne à convaincre les gamins de s’exiler à Bourg-Les-Noix. Fussent-elles de cajou, c’est rien de dire que c’est pas gagné.
Hollande, donc, rêve. Il se trouve que moi aussi. D’une justice, par exemple, équitable et indépendante : pauvre rêve que celui-ci, salement bousculé par la réalité de magistrats aux ordres prononçant un non-lieu pour les deux policiers responsables de la mort de deux gosses à Clichy-sous-Bois (2005). Nous disons : responsables. Nous disons : policiers. Parce que nous savons tous que ces trous du cul à calot auraient pu éviter ces morts. Leur avocat considère lui que « la petite voix de la vérité judiciaire a fini par recouvrir le tintamarre des leurres ». Déclaration qui ne manquera pas de toucher, jusqu’au cœur, les parents et amis de Zyed et Bouna, carbonisés dans le transfo, sans tintamarre ni leurre. Tintamarre ? Il se confirme que les flics tuent, ici, hier, là-bas, demain, en toute impunité. Se confirme également le fait que les enfants des quartiers en sont avertis. Et on s’étonne qu’ils s’arment ?
Je m’étonne moi, chaque jour, que leurs canons ne soient pas d’ores et déjà pointés sur les cerveaux béchamel de ceux qui, à l’abri des pauvres maisons poulagas, perpétuent les affaires et ramassent la caillasse. Bougre indigent, sais-tu au moins que cette année l’ISF sera réformé, et que, dixit Baroin, « tout le reste, c’est pour 2012 » ? Le reste ? Mais l’abandon du bouclier fiscal, qui ne presse, non, n’est-il point ? Foutage de gueule intégral, et nouveau cadeau pour les riches, pardon : les « petits riches », selon le même Baroin. Fouette cocher, hardi ! sans renoncer à se lancer aux trousses du piteux fretin de la classe à peine supérieure, voilà t’y pas la Sarkozerie qui s’entiche de la Pen et de ces idées saugrenues. Elle n’est malheureusement pas la seule : là, pas loin de mon trou, dans le lycée Auguste Blanqui à débaptiser de toute urgence, un quarteron de nonnes (proviseure et adjointe, en passant par la CPE), convoquent des gamines et les menacent d’expulsion au motif qu’elles portent des robes longues, signe religieux ostensible selon ces Robespierre de cours de récréation. Des listes circulent, dans ce lycée, de jeunes filles « réputées musulmanes ». Ça ne vous rappelle rien ? Nous voici donc dans un pays où, selon la longueur de la jupe, on vous absout ou vous condamne. « Décidément, ce n’est pas un style que d’être vêtue de la sorte », a balancé la proviseure. « Ah bon, vous êtes styliste ? » a rétorqué une des filles, avant que d’être, avec ses copines, interdite de cours en l’attente d’une décision de l’administration. On croit, comme Hollande, rêver, alors qu’en fait le cauchemar a déjà commencé.