Histoire d’une lutte : les travailleurs coréens du groupe Valeo de Choenan en Corée du Sud

mis en ligne le 19 mai 2011
Le 23 octobre 2009, les actionnaires de Valeo Corée décident de supprimer l’usine de compresseurs de Choenan, une des sept filiales de Corée du Sud, pourtant bénéficiaire.
Trois jours plus tard, les 186 salariés de l’usine reçoivent une lettre de licenciement envoyée par le coursier Quick Service, sans concertation et sans préavis. Le 1er novembre, la Korean Metal Workers’ Union, le syndicat coréen de la métallurgie, organise un rassemblement pacifique devant l’usine pour demander la reprise des activités et envoie une délégation syndicale au Japon devant le siège de Valeo Asie ; le 18 novembre, la direction française du groupe, en déplacement en Corée, refuse de recevoir les syndicats.
La lutte s’élargit. Les travailleurs occupent leur usine. Des manifestations et des rassemblements devant les différents sites de Valeo Corée ainsi que devant son siège à Séoul, devant l’usine Renault Samsung Motors, dans plusieurs villes régionales, devant l’ambassade de France à Séoul, des pétitions, des journées de solidarité avec les ouvriers et leur famille sont organisés.
Bien décidé à poursuivre la lutte, le syndicat envoie une première délégation en France, le 8 décembre 2009. Celle-ci est reçue deux fois par la direction qui reste sur ses positions de fermer l’usine de Choenan et dans la foulée, poursuit en justice le président du syndicat de l’usine ainsi que dix autres membres. Ce syndicat a longtemps été la bête noire de la direction puisqu’il a réussi à syndiquer 80 % des salariés. On comprend les raisons de cette fermeture définitive et ce licenciement total.
En janvier 2010, les syndicalistes reviennent pour la deuxième fois en France, invités par la CGT Métallurgie (section automobile) pour essayer de sensibiliser les salariés de Valeo France à la situation inacceptable que les Coréens subissent. Ils ont commencé la première occupation du siège du groupe Valeo au 43, rue Bayen à Paris dans le XVIIe arrondissement, dans l’espoir d’être reçus par la direction pour négocier. Malgré cela, cette dernière refuse tout dialogue. Déterminés à obtenir gain de cause, les Coréens se posent la question du financement de la lutte. Une caisse de grève est alors lancée pour aider les salariés et leur famille à poursuivre le mouvement.
En février, un membre de la Fédération de la métallurgie CGT se déplace en Corée pour soutenir activement la lutte. Tandis que, bien décidé à tuer dans l’œuf toute expansion du mouvement social, Valeo Corée met à pied une cinquantaine de salariés de l’usine de Geondju qui se sont mis en grève par solidarité. Ainsi une grève générale des sites est devenue plus difficile.
En mai, pour la troisième fois, retour de la délégation coréenne en France qui occupe nuit et jour le parvis du siège social de Valeo : banderoles géantes tendues en guise de tente, toile cirée colorée sur le sol, affiches placardées sur la vitrine du rez-de-chaussée. Leur campement détonne dans le chic XVIIe arrondissement, à quelques pas de la place des Ternes. Malgré cela, l’équipementier français refuse toujours de la recevoir jusqu’à lui interdire d’assister au comité d’entreprise européen du groupe Valeo.
En juin, non seulement la direction de Valeo Corée parvient à faire condamner les travailleurs pour occupation illégale mais en plus coupe l’eau et l’électricité du site pour rendre l’occupation encore plus intenable. L’apogée de l’agression survient le 21 août, à 6 heures du matin. Valeo attaque les grévistes coréens par l’intermédiaire d’une milice patronale composée de 100 nervis. Suite à cette embuscade, seize grévistes sont blessés et un militant a perdu connaissance et a dû être hospitalisé.
Le 8 octobre, de retour à Paris pour la quatrième fois, invités par la CGT, trois syndicalistes délégués manifestent avec les travailleurs français lors du Mondial de l’automobile. Ils ont également participé à toutes les manifestations contre la réforme des retraites, ce qui leur a permis de donner une plus grande visibilité à leur lutte menée depuis octobre 2009.
Une nouvelle tentative a été faite le 18 novembre par cinq syndicats qui composent le bureau du comité de groupe France pour demander à la direction du groupe d’ouvrir un dialogue social avec les représentants des salariés du site coréen. Toujours le même refus de la direction de négocier avec le syndicat coréen. Par ailleurs, cette même direction fait installer une grille, de peur que les syndicalistes coréens et français n’investissent leur siège en plein mouvement social contre la réforme des retraites.
Que ressort-il de cette lutte aujourd’hui ?
Les sollicitations des représentants des salariés coréens en France auprès des confédérations syndicales pour déboucher sur des actions concrètes de soutien n’aboutissent pas car les préoccupations divergent ; les uns défendent le maintien de leurs emplois dans leur usine, les autres proposent de négocier des indemnités.
L’absence d’implication des salariés de Valeo France dans la lutte de leur collègues coréens est le résultat du chantage à l’emploi exercé par les multinationales, qui mettent en concurrence les salariés pour obtenir des taux de profits boostés par le recours au travail à bas coût.
Les patrons n’aiment pas les salariés qui défendent leur droit, leur salaire et leur conditions de travail ; Choenan en est un exemple avec un taux de salariés syndiqués importants (80 %).
En conclusion, la combativité des salariés de Choenan montre qu’on peut résister au capital. Reste à mettre en œuvre la solidarité internationale et fédérer l’ensemble des luttes dans le monde pour abattre le capitalisme. Cela ne peut venir que des exploités eux-mêmes…

Isabelle et Sung-ai