Sous la soutane, la famille

mis en ligne le 16 juin 2011
Dans les nouveaux manuels de sciences de la vie et de la Terre (SVT) des classes de première L et ES, qui entreront en vigueur à la rentrée de septembre, on trouve, conformément au programme édicté par le ministère de l’Éducation nationale, l’étude des inégalités sociales hommes-femmes (module « Féminin/Masculin » ; nouveaux chapitres « Devenir homme ou femme », « Vivre sa sexualité », « Maîtrise de la procréation »). Il est rare que l’on se félicite d’une initiative de ce ministère dans ce journal, mais en l’espèce cette innovation quant aux contenus enseignés est appréciable. On y apprendra notamment que « les facteurs affectifs et cognitifs, et surtout le contexte culturel, ont une influence majeure sur le comportement sexuel humain » (séries littéraire et économique et sociale), que « si l’identité sexuelle et les rôles sexuels dans la société avec leurs stéréotypes appartiennent à la sphère publique, l’orientation sexuelle fait partie, elle, de la sphère privée », que « l’activité sexuelle est associée au plaisir » (en série scientifique). Toutes choses évidentes pour nous, mais l’affirmation de ces thématiques et de ces positions dans le cadre scolaire est à noter. Plus encore, aborder la question sexuelle via la théorie du genre dans des manuels de biologie indique une prise en charge épistémologiquement originale d’une question qui fait donc intervenir de manière intriquée des facteurs biologiques, psychologiques, sociaux. Bien entendu, aborder cette question ainsi, c’est rendre caduc, voire grotesque, le modèle classique de la famille, du couple, de la sexualité, etc., tel qu’il est proclamé par l’Église catholique (et par les autres cultes, bien sûr).

Branle-bas de combat chez les cathos
Encore une annus horribilis pour les agenouillistes. Christine Boutin, ex-ministre de Sarkozy et présidente du Parti chrétien-démocrate 1, s’empourpre et proteste auprès de Luc Chatel, le ministre de l’Éducation nationale : « […] Nous ne pouvons accepter que l’école devienne un lieu de propagande, où l’adolescent serait l’otage de préoccupations de groupes minoritaires en mal d’imposer une vision de la “normalité” que le peuple français ne partage pas », pour demander le retrait des manuels.
Imaginez la tête des profs du lycée Saint-Joseph de Draguignan, aux mains des dominicaines du Saint-Esprit, lorsqu’ils ont reçu les nouveaux manuels ! Pour les autorités religieuses mises en branle par la situation, « ces chapitres […] sont une attaque en règle contre la loi morale naturelle, rejetant toute signification anthropologique et éthique à la différence naturelle des sexes », comme le précise, par exemple, le responsable de la commission bioéthique du diocèse de Fréjus-Toulon et également enseignant à l’Institut politique Léon Harmel-Fondation Jérôme Lejeune 2. Il s’insurge contre le sexe-plaisir, la sexualité libérée de l’injonction reproductive imposée par le dogme qu’il chérit : « D’une manière générale, c’est la sexualité humaine qui est totalement “désacralisée” au fil des pages. La masturbation, martèle Belin 3, jadis encouragée dans l’Antiquité, n’est devenue un “péché” qu’avec “l’avènement du monothéisme en Occident”. Le même éditeur fait d’ailleurs de cette pratique un critère de puberté ou indicateur de maturité sexuelle. » Et, tout à son désarroi, de citer la « Lettre aux évêques de l’Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde 4 » du 31 mai 2004, rédigée par la Congrégation pour la doctrine de la foi, aux mains à l’époque du cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI : « Ainsi, le masculin et le féminin se révèlent comme faisant ontologiquement partie de la création, et donc destinés à subsister par-delà le temps présent. »

La reconquête à petits pas ?
Sans dramatiser, mais en restant vigilants, on peut se demander si cette offensive, il est vrai bien normale de la part de la secte catholique, ne précède pas, ou même n’aide pas à en établir une autre, celle contre l’enseignement de l’évolution à l’école. Je n’ai pu exposer ici que quelques-uns des extraits choisis par le « bioéthicien » cité ci-dessus ; ils attaquent principalement l’idée matérialiste et darwinienne que l’humain appartient au monde animal, qu’il est un être façonné par l’évolution biologique puis par l’évolution culturelle, que le plaisir fait partie de son répertoire comportemental, que sa sexualité connaît des modalités multiples et inventives, qu’il n’a pas d’âme 5... On retrouve cette même inquiétude chez les cathos intégristes, comme sur le site Chrétienté Info, benoitement sous-titré « Coopérateurs de la Vérité », où un proche de Bernard Antony (figure majeure du FN et président de l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne – Agrif) et de Reconquête (la revue de Bernard Antony) se dévoile : « Cette idéologie [la théorie du genre] se combine naturellement à une autre idéologie, elle-même enseignée depuis longtemps : l’évolutionnisme, qui dissout la spécificité humaine. »

Carcharodon Carcharias, groupe Louise-Michel de la Fédération anarchiste



1. Qui se présente ainsi : « Parti associé et fondateur de l’UMP […], le Parti chrétien-démocrate a une vocation : donner à la France une nouvelle génération de responsables politiques qui fondent leur engagement sur le respect de la personne, de sa conception à sa mort naturelle. »
2. Jérôme Lejeune : biologiste qui fut l’un des chefs de file du mouvement anti-avortement français.
3. Un des éditeurs de ces manuels.
4. Cette lettre commence ainsi : « Experte en humanité, l’Église s’est toujours intéressée à ce qui concerne l’homme et la femme. » (Je souligne.)
5. Voir l’article sur ce sujet dans le présent Monde libertaire.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


Edith Paris

le 30 août 2011
bonjour,

J'ai remarqué que souvent en France les athées parlent et critiquent plus librement de la religion chrétienne que des autres. C'est dommage, puisque toutes ces croyances sont basées sur la même moule. J'ai été élevée par des bonnes-soeurs, qui n'étaient pas bonnes du tout. De véritables tortionnaires! Elles se faisaient un plaisir d'humilier les petites filles que nous étions.

Benny shannon, professeur au Département de psychologie cognitive à l’université hébraïque de Jérusalem affirmait dans un article publié dans Time and Mind que l’usage de produits hallucinogène faisait partie des rites tribaux et hébraïques, et que Moïse était sous l’emprise de drogues quand il reçût les Tables de la loi. Il ajoutait que les épisodes du Buisson Ardent et de l’Arbre de la connaissance au jardin d’Eden relèvent de cette pratique hallucinogène. L’écorce d’acacia, fréquemment mentionnée dans la Bible, est à l’origine de potions hallucinogènes... la Bible un livre religieux fait sous l’influence de stupéfiants... Hallucinant!

Bref. Je voulais vous signaler le film « Ni Allah ni Maître » de la réalisatrice Nadia El Fani. Après des menaces de mort, la réalisatrice aurait décidé de changer le titre: Laicité, inch’allah !

Le dimanche 26 juin, à Tunis, sans doute pour démontrer son attachement à la liberté d’expression, des islamistes ont tenté d’empêcher par la force la projection du film, le titre était encore « Ni Allah ni Maître ».

Début juillet, lorsque je vais sur le lien de Ni putes ni soumises, le titre a été changé! ça devient Laicité, inch’allah. La réalisatrice a t-elle subit des pressions pour changer le titre de son film?

J'espère lire bientôt un article sur votre site au sujet de ce film et de sa réalisatrice.