Interview : Louis Chédid en quelques mots

mis en ligne le 18 novembre 1993
« Anne, ma sœur Anne »
Je ne regrette pas de l’avoir écrit. Ce que je regrette, c’est qu’elle ne soit pas démodée. Et j’ai souvent dit que le jour où cette chanson serait démodée, je serais très content. L’extrême droite, c’est quelque-chose qui me dégoûte depuis très longtemps.

Optimisme
Il y a une espèce de climat de morosité dans lequel on baigne et dans lequel on nous entretient. Et je crois que soit on y patauge, ou soit on essaye au contraire que ça se passe le mieux possible. Ce n’est pas une punition, la vie. Et moi, je préfère être bien dans ma peau que d’être mal. J’ai essayé d’avoir la vie la plus agréable et la plus belle possible, de façon à rendre les gens autour de moi, et les gens à qui je peux parler, plus heureux.

Citoyen chantant
Un auteur de chansons, c’est un citoyen comme les autres. Il voit des choses qui lui déplaisent et il a envie d’en parler. Et quand il y a des choses qui lui plaisent énormément, il a envie de les promouvoir. C’est une façon de s’exprimer et de dire certaines choses. Il y a des chanteurs qui ne veulent pas se mêler des choses d’actualité. Je le comprends et je le respecte ; mais moi, j’ai tendance à ouvrir ma gueule quand il y a des choses qui me… C’est mon truc. Je n’écris pas des chansons pour plaire à un commercial, j’écris pour plaire à des êtres humains qui sont susceptibles de les entendre et de les apprécier ou pas.

Le public
C’est la chose la plus importante. On écrit des chansons pour un jour venir ici et rencontrer des gens qui sont intéressés par ce qu’on fait. Faire des chansons, c’est vouloir communiquer, rencontrer des gens et leur donner le plus de bonheur possible. Quand je monte sur scène et que les gens viennent me voir, c’est la chose qui me fait le plus plaisir. C’est la récompense de tout le travail que j’ai pu faire.

L’écriture
L’amour du mot… Les mots, c’est la seule façon qu’on a de pouvoir s’exprimer. La seule façon avec les sentiments et avec le fait de pouvoir être avec quelqu’un en état… sentimental, et là, on n’a plus besoin de mots. Mais sinon, il y a les mots. Et les mots, on en fait ce qu’on veut. On peut s’en servir pour blesser, on peut s’en servir pour aimer et on peut s’en servir pour gueuler. Les mots, c’est des outils, c’est rien d’autre.

Exception culturelle
Ce que je constate et que je trouve rigolo et ridicule à la fois, c’est qu’un film français, on le critique. On dit : « il est bon » ou « il est mauvais », les acteurs sont ceci ou cela… Quand un film américain déboule en France, on dit : « Il a fait 150 millions de dollars au box-office », et point. On ne vous dit même pas si c’est bien ou pas bien. Je trouve ça pas terrible comme mentalité et les journalistes sont des cautions de ce genre de choses, en général. C’est parce que ça a fait 150 millions de dollars que c’est un bon film. Et pour les disques, c’est pire…

Humanité
Il y a des gens qui ont une vie beaucoup plus riche que cette espèce de vie standard qu’on nous montre toute la journée, des gens qui essayent de faire des choses, d’aider les autres qui ont moins de chance qu’eux. Ça existe beaucoup plus qu’on ne le croit, mais on n’en parle pas, de ça, parce que c’est pas très spectaculaire. C’est beaucoup plus intéressant de montrer des gens qui sont vraiment dans la merde parce qu’à ce moment-là, on devient spectateur. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui commencent à décrocher de tout ça et qui en ont marre. Ça commence à changer, tout ça, et heureusement. Il y a plus d’humanité qu’on ne croit dans le monde. Moi, j’y crois, faut se battre pour être heureux et être heureux, c’est pas des conneries. C’est vachement plus difficile et c’est vachement plus courageux d’être heureux que morose.

Propos recueillis par Pascal Didier
(Hagondange, 22 octobre 1993)