La nouvelle pilule

mis en ligne le 2 mai 1985
La contraception masculine n'est pas morte ! C'est pourtant ce que laissait croire la déliquescence d'Ardecom (1) depuis un an et demi. Toute l'histoire de la contraception masculine en France se confond avec la trajectoire d'Ardecom, créé en octobre 1979.
Dès 1980, des hommes commencent à utiliser quelques produits dans un but contraceptif. La pilule masculine sera très proche, dans son principe, de la pilule féminine classique. Un androgène est associé à un progestatif qui bloque la fabrication de spermatozoïdes, l'androgène permet de maintenir constant le taux d'hormone mâle et d'éviter une certaine féminisation. Chez les hommes, prendre la pilule sera un peu plus compliqué que chez les femmes. Le progestatif se présente sous la forme de pilule à prendre toutes les 12 heures et la testostérone est un gel à faire passer par la peau, quotidiennement. Que la testostérone soit toxique par voie buccale sur le foie introduisait une contrainte supplémentaire mais tout semblait parfait, efficace et finalement très supportable.
Une seconde méthode, sans grande efficacité, du moins à ses débuts, voyait le jour. La contraception par la chaleur (réchauffement des testicules par sa propre chaleur pour bloquer la spermatogénèse) permettait par sa propre prise en charge et son côté non agressif chimiquement d'autogérer sa contraception. Actuellement, les recherches se poursuivent dans cette direction, les résultats deviennent probants, et cette méthode connaît une recrudescence d'intérêt devant les problèmes de la contraception chimique. Parce que problèmes, il y a eu...
Après une période d'euphorie causée par de bons résultats (stérilité réversible chez les hommes) et apparente innocuité, Ardecom passe du stade expérimental à la « pilule, mode d'emploi ». Jusqu'en 1983, l'optimisme est de rigueur et de nombreux hommes l'utilisent. La remise en cause viendra de quelques compagnes d'hommes sous contraception. Des signes (subjectifs, diront les hommes) d'une pilosité qui se développe anormalement apparaissent chez ces femmes. Le verdict des prises de sang sera impitoyable : le taux de testostérone est trop élevé. Rien de catastrophique mais, placé devant la réalité, Ardecom va se poser des questions. Beaucoup vont décrocher. L'évidence est incontournable. L'hormone mâle appliquée sur la peau de l'homme passait aussi (mais pas toujours) chez sa compagne. La remise en question d'une méthode pourtant efficace (pour l'homme !) est brutale et, en novembre 1983, Ardecom décide de suspendre toute diffusion d'un protocole d'utilisation, même modifié. Retour à la case départ. Ou presque : la contraception par la chaleur ne présente pas ce genre d'inconvénient.
Fin 1984, un nouvel espoir se fait jour. Une firme pharmaceutique diffuse en Belgique et en Suisse un androgène absorbé par voie buccale. Ce que l'on croyait pourtant impossible est commercialisé sous le nom d'Indestor. En France, l'autorisation de mise sur le marché n'est pas accordée pour l'instant. Peu importe, des médecins les fourniront à d'éventuels utilisateurs. Aujourd'hui, un groupe d'expérimentation se forme et va tester cette nouvelle pilule.
De toute façon, la contraception masculine s'adresse à tous ceux pour qui le couple n'est pas un lieu de pouvoir mais un mode de vie librement consenti. Cela suppose, entre autres, la maîtrise en commun de la fertilité. Une véritable égalité passe par là aussi. Pour les anarchistes, dont de nombreux militants ont été des précurseurs de la lutte pour la contraception et l'avortement, cela semble aller de soi. La contraception masculine est un terrain où nous sommes à notre aise, nous y rencontrons des hommes (et des femmes aussi, heureusement !) qui ont rompu avec le « carcan de la mâlitude », imposé par cette société autoritaire où les rôles sont soigneusement distribués. Il y a également de ce côté une brèche pour faire sauter le vieux monde. Élargissons-la !


Marc, groupe d'Angers