Sur le flanc : de quelques questions existentielles, ou non...

mis en ligne le 10 novembre 2011
Après cet engouement enthousiaste pour les printemps arabes et la victoire très médiatiquement relayée des révoltés tunisiens et libyens, on en reste sur le… flanc. Les votes tunisiens en faveur de l’Ennahda de Rached Ghannouchi et l’adoption par le CNT, en Libye, de la charia – cette Loi islamique qui fonderait le droit musulman – ne lassent pas de surprendre. La réaction de Fairouz Boudali ne se fait pas attendre (sur Nawaat.org) : « Plus douce est l’attente, plus cinglante est la claque. Bonjour nouvelle dictature ! » Elle dénonce le travestissement de la démocratie, elle s’insurge contre la création d’un gouvernement et que soit proposé un candidat unique sans consulter l’assemblée constituante ; elle s’écrie : « Comment pouvez-vous mettre à la tête de la Tunisie quelqu’un qui évoque la possibilité d’appliquer la charia et les châtiments corporels, tels que couper la main des voleurs ? »
On reste, nous aussi, consternés en imaginant la déception de ces révolutionnaires tunisiens, hier émasculés par le sabre des clans maffieux des Ben Ali, et aujourd’hui déjà menacés de viol sodomite par le goupillon des agenouillardistes locaux. S’ils commencent à tomber à quatre pattes devant leur improbable dieu, on est en droit de se demander combien de temps leur faudra-t-il pour qu’ils tombent, à bras raccourcis, sur les femmes peu voilées et les « démocrates » impies ?
Devant des résultats aussi décevants à nos yeux, en cette époque où il est de bon ton d’afficher des certitudes, qu’il me soit ici permis d’avouer une profonde perplexité.
La liberté de culte serait donc le comble de la liberté démocratique pour 42 % des Tunisiens ? Serait-ce le prix à payer pour réparer la politique anti-islamiste de Ben Ali ou les pas de clerc de Khadafi vis-à-vis des barbus ?
Doit-on, comme d’aucuns, y voir une raison de plus de pleurer, non sur la nature mais sur le comportement humain ? Peut-on se rassurer en pensant que les révolutions n’annoncent jamais la couleur, ne préviennent pas, que leurs gestations, puis leurs issues, sont difficilement prévisibles ?
Aurions-nous sous-estimé la force des habitudes culturelles, des éducations familiales formatées par des siècles de patriarcat, de domination masculine et d’aberrantes superstitions, ou devons-nous évoquer ces routines néfastes du cerveau des homo sapiens, ces « mèmes », chers à Richard Dawkins, éternels chausse-pieds à la superstition religieuse ?
Faut-il enfin incriminer notre fâcheuse propension à l' « européanocentrisme » qui fait qu’on ne comprend rien au Proche- orient ? Ou mettre en cause de sombres calculs géostratégiques des grandes puissances, la partialité et la désinformation des médias, le paternalisme, l’islamophobie et les tristes relents colonialistes des gouvernants des pays riches (dont Charlie Hebdo semble avoir fait les frais récemment).
Sans doute y a-t-il eu et y aura-t-il de tout cela, et plus encore. L’ami Mohamed Elkhébir, familier de ces colonnes, nous éclairera peut-être.
Quoiqu’il en advienne des printemps à venir, quelque chose nous souffle d’espérer beaucoup dans le patient acharnement des femmes en révolte – au Proche orient, comme dans le reste du monde – face au sort humiliant qui leur est assigné.

Titata