Comment supprimer les professeurs des disciplines artistiques des collèges dans le cadre de futurs plans d'austérité...

mis en ligne le 24 novembre 2011
La manœuvre est en cours, elle est habile, et vaut la peine d’être explicitée, car appliquée et applicable dans d’autres secteurs. Avant tout, séduire et flatter sa victime. Depuis deux ans a été instaurée une nouvelle épreuve aux brevet des collèges : l’histoire des arts.
Une épreuve qui apparaissait comme une opportunité de revalorisation des disciplines artistiques. Dans un premier temps, on semble en effet accorder plus d’importance à l’éducation musicale et aux arts plastiques : les élèves ont la carotte, ou le bâton, de l’épreuve en fin de troisième. Les professeurs doivent consacrer 50 % de leurs cours à l’histoire des arts, avec évaluation en fin de troisième. Pour lui en demander plus et lui laisser aiguiser l’arme… L’organisation de l’épreuve a été, pendant deux ans, librement mise en place par les équipes pédagogiques, au nom de l’autonomie des établissements.
Des syndicats réclamaient le cadrage national de l’épreuve, sous prétexte d’égalité des élèves devant l’épreuve, puisque les élèves n’avaient pas les mêmes modalités d’épreuve d’un collège à l’autre. Et puis il n’y a pas de Capes histoire des arts, ce n’est pas sérieux ! D’aucuns pensent qu’adultes, citoyens, enseignants et conscients, il est toutefois impensable et inadmissible que nous puissions avoir les capacités personnelles, le savoir et le talent d’organiser quoique ce soit dans l’intérêt de nos élèves, sans le secours d’une bureaucratie quelconque, ministérielle ou syndicale… Et le décret d’organisation de l’épreuve histoire des arts vient de tomber, avec des contraintes telles que ce sont les disciplines artistiques qui sont désormais en danger. Car on impose aux élèves de préparer cinq dossiers sur une œuvre ; ils seront interrogés sur l’un d’entre eux. Si c’est l’égalité qui prime, et afin de ne pas privilégier les enfants dont les parents sont aptes à les aider à la maison, ce travail doit être fait en cours. Les enseignants artistiques ont leurs élèves une heure par semaine. Le gonflement de l’épreuve d’histoire des arts ne peut se faire qu’au détriment de toute réelle pratique artistique, expression et créativité. Il est vrai que l’inventivité et l’autonomie des citoyens ne semble pas faire partie des vertus transmissibles dans l’Éducation nationale. Nous aurons donc des cours de musique et d’arts plastiques sans pratique, entièrement voués à l’histoire des arts. La pratique instrumentale est déjà interdite en éducation musicale… Si vous voulez vous initier à la musique, payez !
Arme avec laquelle vous lui assénerez le coup de grâce.
Pire : le jury qui évalue l’épreuve doit être constitué d’un professeur au choix de musique, arts plastiques, lettres ou histoire ayant préparé les élèves et d’un autre n’ayant pas participé à cette préparation, qui doit avoir connaissance des dossiers des élèves au moins cinq jours à l’avance… Donc nous pouvons avoir un jury, disons-le, clairement incompétent pour juger le travail réalisé par d’autres professeurs. Donc une évaluation peu fiable.
Je vous laisse imaginer la capacité d’un jury composé de deux personnes devant un élève qui présente un travail dont vous n’avez connaissance que depuis quelques jours… Personnellement, je n’ai aucune honte à dire que je ne suis pas capable d’analyser correctement certaines œuvres musicales, et pour peu que mon collègue jury soit dans le même cas… Nous évaluerons quoi ? (Mais peut-être est-ce cela que l’on veut nous entendre dire ? que nous sommes « incapables » de le faire.)
Nous ne sommes pas interchangeables, ni devant les élèves en cours, ni dans un jury. Nous voilà repartis dans l’épreuve bachotage, inégalitaire car privilégiant toujours les mêmes enfants, comme l’affirmaient certains inspecteurs, quelques jours encore avant le « cadrage ». Inspecteurs qui se sont fait balader pendant des mois dans cette histoire, organisant une épreuve sur des bases désavouées par leur ministre. Le mépris est une étape, déstabilisante, utilisée ailleurs, comme à France Télécom. Il semble d’ailleurs que les jours des inspecteurs soient comptés… Le mode de fonctionnement infantilisant et méprisant semble être le modèle à répercuter du haut en bas de la pyramide Éducation nationale.
Et bientôt on nous dira que l’épreuve d’histoire des arts ne nécessite pas de professeurs d’arts, que les autres peuvent se partager la tâche, comme pour le B2i (acquis informatiques pris en charge par tous les profs). On aura réussi, au nom de l’art, à le supprimer des programmes. Game over !