Rebelle

mis en ligne le 1 décembre 2011
Si l’on m’avait dit qu’un jour il y aurait une nécro de Danielle Mitterrand dans Le Monde libertaire, comme le dirait Johnny, mes yeux n’en auraient pas cru leurs oreilles. Et pourtant, à l’annonce de ce décès, pour attendu qu’il était, on ne peut que constater que malgré tout, c’est une grande et belle conscience qui disparaît.
Malgré tout, oui. Malgré ses compromis et peut-être pas ses compromissions, malgré sans doute une manière de complicité avec son mari, elle n’aura cependant jamais su, jamais pu et jamais voulu épouser ni vraiment se conformer à l’attitude arrogante, jésuitique et byzantine de son président de mari et n’aura jamais été sa bonne conscience de vraie gauche. Tout au plus sa complice. Mais les dernières années et les dernières décisions de François Mitterrand au pouvoir ne l’auront certainement pas convaincue, comme en atteste son parcours militant. Elle aura été, écrit-elle en 1995, « la rebelle romantique traversant la Résistance et la guerre » qui devient « l’épouse rentrée sans y prendre garde dans la vie mouvementée d’un homme politique ». On est assez loin de la potiche.
« L’Indignée » a joliment titré Libération, toujours en mal de récupération. Indignée certes, mais aussi rebelle, mais aussi active et passionnée. S’il faut un exemple, on pourra retenir celui de sa visite à Mumia Abu Jamal, dans le couloir de la mort de sa prison de Philadelphie, puis de sa présence à la première française du documentaire sur le même Mumia à Lyon. Elle enverra un mot d’encouragement et son espoir de voir une issue triomphante à son combat contre toutes les peines de mort, lors de la présentation de ce film à la prison de Lyon-Corbas, le 22 novembre dernier. Bien évidemment que ce « mot » a plus de force quand on s’appelle Mitterrand qu’une pétition signée à la hâte pour ne parfois que se donner une simple bonne conscience, mais fut-elle obligée de le faire ?
Il en est ainsi de ses personnalités qui peuvent, par leur seule présence, leur seul nom, et peut-être aussi – ne soyons pas trop naïfs – leur seul carnet d’adresses, faire avancer un combat, le médiatiser, occuper le terrain et rameuter ainsi quelques dizaines de militants supplémentaires. On peut regretter que le combat dans la rue ou dans une entreprise n’ait parfois pas plus de force qu’une seule personnalité, forte, connue et respectée qui donnera un élan à la cause. Mais après tout, dans les luttes où se sont engagées les libertaires, il en est quelques-unes où une présence charismatique aura fait avancer les choses et nous n’avons pas à en rougir d’aucune façon. Les luttes ont souvent besoin de ces personnalités-là, connues de tous et qui s’engagent sincèrement, et Danielle Mitterrand était de celles-là. J’ignore si elle fut au fait de nos idées, mais il est des causes si évidentes, si justes et si nécessaires à défendre, qu’il n’est pas besoin d’avoir lu Bakounine en version originale, ni de réciter Proudhon dans le texte pour se battre et pour exister. C’est ce qu’elle fit, comme bien d’autres fort heureusement, mais aujourd’hui c’est elle qui disparaît et c’est donc d’elle dont on parle.
Issue de la Résistance, elle n’en aura pas oublié les principes ni ne les aura bafoués en aucune manière et, quand bien même elle ne rejoindra pas le Panthéon des militantes libertaires, elle restera une figure attachante et inexorable de la défense des droits de l’être humain 1.





1. On passera sur quelques actions douteuses, comme les embrassades avec Fidel Castro, ce grand humaniste ! (Ndlr.)