L’Encyclopédie de l’erreur biblique

mis en ligne le 1 décembre 2011
Le savoureux morceau ! Le juteux volume ! Le délectable ouvrage ! The Encyclopedia of Biblical Errancy (C. Dennis McKinsey, Prometheus Books) est exactement ce qu’elle affirme être : une encyclopédie (presque 600 pages) des erreurs de la Bible. Rappelons d’abord qu’au moins aux États-Unis, le mouvement soutenant que la Bible est un livre dénué de la moindre erreur, dans lequel tout est littéralement vrai, entraîne des millions de personnes.
Les églises de ce mouvement recrutent à tout va en Afrique et en Amérique du Sud, et on commence à les voir en France.
Mais venons-en à l’avalanche d’erreurs. La plus simple, la moins justifiable et donc la plus belle : dans 1 Chroniques 3, le verset 22 dit : « Fils de Schecania : Schemaeja. Fils de Schemaeja : Hattusch, Jigueal, Bariach, Nearia, et Schaphath, six. » Oui. Recomptez bien. Cinq noms.
Puis le mot « six ». Dieu serait-il né à Fukushima, serait-il un peu mutant, six doigts à chaque main ? Ou dyslexique, se prenant un peu les pieds (à six orteils) dans les mots compliqués, tels « cinq » et « six » ? Allez, ne soyons pas mesquins, passons de l’école élémentaire au collège : 2 Chroniques 4, verset 2, à propos d’un grand vase de bronze : « Il fit la mer de fonte. Elle avait dix coudées d’un bord à l’autre, une forme entièrement ronde, cinq coudées de hauteur, et une circonférence que mesurait un cordon de trente coudées. »
Ah ah, « une forme parfaitement ronde » cela s’appelle un cercle. « D’un bord à l’autre » pour un cercle, cela s’appelle un diamètre (ça va, Dieu, tu suis toujours, pas trop difficile ?).
Et la circonférence faisait trente coudées ? Dieu ne connaît pas pi ? Le fameux pi ? 3,141593. Un diamètre de dix coudées donne une circonférence de trente et une coudées et quelques. Pas trente. Même avant la découverte de pi, un cordon de trente coudées n’aurait pas mesuré toute la circonférence d’un cercle de dix coudées.
Bon, admettons. Dieu n’aime pas les maths. Alors, un peu de sciences naturelles ? Matthieu 13, 31-32 : « Il leur proposa une autre parabole et dit : le royaume des cieux est semblable à un grain de moutarde qu’un homme a pris et semé dans son champ. C’est la plus petite de toutes les semences : mais quand elle a poussé, elle est plus grande que les plantes potagères et devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent habiter dans ses branches. » C’est bien connu. Chacun s’abrite de la pluie sous les branches majestueuses du moutardier. Les galions de Philippe II furent construits en bois de moutardier. Les meubles de Louis XV, si exquis, sont tous en bois de moutardier. Et tant les aigles que les vautours ne se réfugient que dans les branches de moutardier (Moutardus Gigantis Matthei, pour les férus de botanique). Que l’on trouve mille semences plus petites que le grain de moutarde ne prouve rien : les graines d’orchidée sont bien plus petites que les graines de moutarde, mais le grain de moutarde est petit par le cœur et par l’esprit. C’est l’intention qui compte.
Passerons-nous à la zoologie ? Deutéronome 32, 11 : « Pareil à l’aigle qui éveille sa couvée, voltige sur ses petits, déploie ses ailes, les prend, les porte sur ses plumes. » En effet, dès qu’elles quittent le moutardier natal, les mamans aigles, dotées d’hélices hypersustentatrices, de compensateurs de poussée et de générateurs de postcombustion, prennent leurs petits sur leurs plumes et volent. Elles volent loin, loin, aussi loin qu’un grain de moutarde !
Encore un peu de zoologie. On connaît bien des remarques désobligeantes sur l’Arche de Noé, ses dimensions, la quantité de nourriture qu’elle aurait dû emporter, les difficultés qu’auraient eu les huit êtres humains présents à bord pour nettoyer les excréments de tous ces couples, la bizarrerie de la cohabitation du loup et de l’agneau, du python et du lapin, mais je n’avais pas encore lu cette intéressante interrogation : quel système de climatisation formidablement performant fut utilisé à bord, afin d’éviter que les ours polaires ne meurent de chaud, cependant qu’il fallait réchauffer toutes les créatures de la jungle, en haut du mont Ararat où la température est un peu fraîche ? Je transmets l’idée au service de marketing d’Honeywell, en signalant que mes honoraires sont de 10 % sur les ventes.