Théâtre : Caligula

mis en ligne le 1 décembre 2011
Caligula est une des pièces les plus complexes de l’auteur de L’Etranger et de La Peste.
Le miracle de l’interprétation de Benoît Dugas est que son débit, une articulation accentuée liée à des rictus au fil du rasoir et à des intonations sarcastiques, soulignent continûment et éclairent la portée et l’inextricable perversité de la moindre séquence du discours impérial : implacable clarté et forêt d’ombres menaçantes, crudité et glauqueur, tel l’a voulu le philosophe, tel il nous est restitué.
Le personnage est à triple ou quadruple fond, son ambition se développant frénétiquement, en progression géométrique, comme chez bien des gens de pouvoir, ce en quoi la pièce est moderne.
Beaucoup d’étudiantes étrangères dans la salle, ravies de si bien accéder à ce texte déroutant sur l’énigme de la tyrannie, à la fois folie et intelligence autorisant toutes les manipulations, toute-puissance et solitude tragique, respect officiel de la vie humaine (ici au nom d’un pseudo-pacifisme) et suppression allègre de celle-ci comme preuve d’une liberté plus grande que celle des dieux (ce thème de l’athéisme rejoignant chez Camus celui de « l’absurdité » de la condition humaine, fomenteuse de révolte, illustrée par le mythe de Sisyphe), fantasmes des plus délirants (attraper la lune) et implacable maîtrise des jeux de domination.
Tout cela servi par une mise en scène minimaliste et efficace de Jean-Luc Jeener : quelques sièges romains sur lesquels s’articule la chorégraphie apeurée des serviteurs et courtisans autour de leur maître, et qui accueillent de courtes pauses pour des dialogues piégés. Le retour à la disposition en rond, sur le même plan que l’aire de jeu, permettant aux spectateurs de vivre le drame de près et d’en suivre la progression sur la physionomie des acteurs.
Une belle réussite.


Claude Margat