L’anarchisme, seul remède à la maladie sénile du socialisme

mis en ligne le 1 novembre 1969
Malgré leurs affirmations, tout le livre des frères Cohn-Bendit sur le gauchisme montre qu’aujourd’hui il s’agit bien de l’opposition marxisme-anarchisme. Ils expriment Mai 1968 – et Mai 1968 en est la manifestation éclatante.
Des marxistes affirment que : « Quiconque nie les antagonismes de classe ou les déclare dépassés, vise en réalité à empêcher le prolétariat de se constituer en classe. » (Programme communiste n°3, 43-44).
Le prolétariat tend à ne plus être la classe où se trouvent exclusivement les révolutionnaires. Il est toujours plus question d’une LUTTE DES CAMPS que d’une lutte des classes.
Ces marxistes affirment encore : « Pour nous, les théories ne sont pas des inventions gratuites (…) mais les expressions des positions et des buts des classes, déterminés par les rapports sociaux et la dynamique historique. »
Pour nous non plus, et nous disons qu’administrateurs comme administrés sont victimes et esclaves du système, et que la lutte se situe entre partisans de la destruction de ce système, révoltés faisant tous leurs efforts pour ne pas le cautionner et conservateurs du système, l’adaptant pour qu’il survive.
La lutte se fait sur le plan psychologique. D’un côté les êtres possédant une volonté destructrice et reconstructrice. De l’autre, ceux qui vont de démission en démission, de croyance en croyance encore plus bête, et qui ne trouvent de solution à leurs doutes et leurs malaises qu’en se prosternant devant des idoles – Dieu, État, Parti, modèles que leur présentent les entités dominantes.
« La position de classe du marxisme », c’est la sainte classe ouvrière qui est appelée par la conclusion divine d’une théorie à accomplir nécessairement la révolution sociale.
Il est vrai que les révoltés se sont trouvés pour la plupart parmi les prolétaires, mais jamais seulement parmi eux.
De nos jours, il faut placer l’exploitation sur le plan de la domination d’un système social sur l’homme-instrument, de la fourmilière sur la fourmi.
Les protagonistes d’une possible révolution ne peut être que ceux qui n’acceptent pas cette domination, par leur refus de la misère toujours moins économique et toujours plus morale et psychologique (l’ennui de l’appartenance à la totalité).
Les positions anarchistes de nos jours ne doivent pas subir le qualificatif marxiste – des positions de classe (petites bourgeoises) – mais imposer le terme des POSITIONS DE CAMP.
Il apparaît vrai que le capitalisme mondial s’achemine vers une crise qu’il risque de ne pouvoir surmonter. Il est également certain que le relatif « bien-être » des pays développés est permis par l’exploitation et la sous-alimentation des deux tiers de l’humanité…
Mais cela ne prouve en rien que la domination autoritaire va automatiquement disparaître.
Cela prouve au contraire que, si l’humanité survit aux bouleversements prochains, la domination économique disparaîtra et que la totalité – la domination psychologique, l’aliénation complète des individus à l’autorité d’un système – prendra sa place. Et cela, les théoriciens anarchistes et les philosophes révoltés l’ont depuis toujours prévu.
Il est vrai que l’orientation politique des classes moyennes peut conduire, soit à la tendance vers le centre, c’est-à-dire l’aménagement du système présent, le réformisme nuancé de fascisme, soit vers l’extérieur, vers les motivations individuelles, la révolte, la fédéralisation et l’anarchisme.
Bien que les deux tendances soient issues, théoriquement, d’une même classe, leur opposition n’est pas du tout « superficielle ». Théoriquement, parce qu’en réalité l’anarchisme est issu de la classe ouvrière. Si de nos jours il semble naître des classes moyennes et des intellectuels, c’est parce que la classe ouvrière se réduit toujours plus en quantité au profit des classes moyennes, c’est parce que les ouvriers eux-mêmes (par les « relations humaines », la satisfaction de leurs besoins particuliers et non de leurs revendications de classe, l’intéressement des travailleurs à l’entreprise) deviennent membres des classes moyennes.
L’anarchisme, le seul véritable socialisme, parce que issu de la revendication de liberté positive et menant logiquement à l’obtention de la liberté positive – l’anarchisme n’a plus rien à faire de la division brutale, donc artificielle, en classes de la société. Il y a ceux qui acceptent l’administration et ceux qui la refusent.
Programme communiste n°43-44, affirme que : « … réformisme et anarchisme ont la même théorie "au signe près" : l’un trouve bien ce que l’autre trouve mauvais. »
Il est étonnant, de la part de gens aussi intensément scientistes, d’entendre une absurdité pareille.
L’anarchisme trouve mauvais l’ordre existant que le réformisme trouve bon puisqu’il l’aménage. C’est vrai.
L’anarchisme tend à créer une société libertaire – le réformisme propose des adaptations à la société autoritaire. C’est vrai.
Mais puisque l’un se révolte et refuse le système présent et son évolution future, et que l’autre l’accepte – puisque l’un combat pour fonder l’unité dans la diversité et que l’autre participe au complot menant vers la totalité – a-t-on le droit d’affirmer qu’ils ont la même théorie, alors que leurs principes mêmes, au départ, sont complètement opposés et débouchent, bien sûr, sur des buts antagonistes ?
Les marxistes considèrent l’État comme le produit des antagonismes de classe et comme un instrument de domination d’une classe par une autre.
Sans aller chercher aux tréfonds de la création des sociétés humaines, il suffit d’observer la réalité présente.
TOUTES LES CLASSES SONT DOMINÉES PAR L’ÉTAT (en tant que système particulier de rapports entre les hommes basés sur l’autorité, dirigeants et dirigés).
L’État n’est qu’un des aspects des dominations totalitaires sur les hommes et de leurs rapports autoritaires (voir les religions, les hiérarchies, les partis, toutes les fourmilières où l’individu n’a pas d’expression individuelle mais exprime le monolithisme du groupe et de sa totalité).
Il est certain que dans le cadre de ces rapports, il y a toujours eu une classe dominante et une classe dominée. Mais envisager de retourner ces rapports au moyen de la « dictature du prolétariat » et donc de plus d’une manière fausse (minorité dirigeant le prolétariat), ce n’est pas détruire les rapports autoritaires entre les hommes, donc ce n’est avancer en rien la destruction de l’État. Ce n’est sûrement pas accomplir la révolution sociale. Elle ne peur se faire que par une destruction totale du vieux système et, au bout de la période révolutionnaire, par la construction d’un système-instrument d’administration au service de l’unité dans la diversité.
De toute façon, même si le capitalisme et la domination étatique sont nés de la division du travail et de tout ce que montre le matérialisme historique, qui nous dit qu’ils disparaîtront d’eux-mêmes grâce à des défauts qui leur sont inhérents ? L’intelligence humaine est depuis toujours capable de créer un autre type de domination pour maintenir l’exploitation capitaliste que ce soit au moyen des religions ou bien de l’offensive d’aliénation psychologique actuelle, que ce soit également en faisant croire que la domination est seulement économique.
La société actuelle ne peut être que détruite par la coordination des efforts des volontés révoltées.
La détermination essentielle du véritable socialisme c’est la révolte contre tous les aspects de l’ordre existant (domination économique, psychologique, type de vie infligé).
Pour ce qui est du socialisme-autoritaire… son seul fondement c’est l’impossibilité matérielle pour le capitalisme de survivre. Et les hommes ? Si l’on ne tient pas compte de leur révolte, si l’on oriente seulement la transformation sociale dans le sens de leurs intérêts économiques, si l’on oublie leurs motivations psychologiques, ce n’est pas le socialisme et la liberté que l’on prépare, c’est la caserne.