Droit du travail en galère

mis en ligne le 2 février 2012
Après les réquisitions préfectorales pour briser les blocages des raffineries pendant l’automne social de 2010, l’État reprend sa bataille, jamais abandonnée, contre le droit de grève. En cette fin de janvier 2012, l’Assemblée nationale a voté une loi visant à « limiter le droit de grève dans les transports aériens », déposée par le député UMP Éric Diard en novembre 2011. Le parti au pouvoir a rebondi sur la grève des agents de sécurité des aéroports de décembre pour accélérer les choses, campagne électorale oblige. L’objectif de cette loi n’est, pour une fois, pas dissimulée, en témoigne les dires de l’abjecte Thierry Mariani (ministre des Transports) dans Le Parisien : « Bagagistes, agents de sûreté, techniciens de maintenance, essenciers, personnel d’escale, hôtesses ou pilotes ont les moyens de désorganiser le transport aérien et de bloquer des milliers de passagers dans les aéroports. Cela n’est plus acceptable. » Cette destruction du droit de grève des travailleurs aéroportuaires reposent essentiellement sur deux points :
– Obliger les salariés à se déclarer individuellement comme grévistes au moins 48 heures avant la grève (les non-grévistes devront, également, désormais, se déclarer comme tel 48 heures avant).
– La mise en place d’une négociation obligatoire avant toute déposition d’un préavis.
Le non-respect de ces deux obligations exposent, bien sûr, les salariés à des « sanctions disciplinaires ».
Bref, si les salariés des aéroports ont toujours, théoriquement, le droit de grève, la force de celui-ci s’en trouve considérablement réduite. Annoncer une grève deux jours avant le jour J laisse amplement le temps à la direction de réorganiser ses « ressources humaines » en vue de limiter, voire de rendre nul, l’impact de l’arrêt de travail. En outre, l’obligation, pour les salariés, de se déclarer individuellement comme grévistes ou non auprès de leur direction, rend désormais légal le fichage systématique du personnel. À ce sujet, Fatiha, présidente du Syndicat national du personnel navigant commercial (SNPNC) dénonçait dans L’Humanité : « Les employeurs prennent déjà ce critère [celui de la participation à une grève] en compte pour accorder ou non des promotions. Mais cette disposition va leur permettre de ficher les grévistes de manière systématique. »
Outre cette entorse au droit de grève, le droit du travail est également malmené à échelle européenne. Récemment, la Cour européenne de justice a débouté une salariée allemande qui exigeait des indemnisations de son employeur suite à un enchaînement successif de 13 CDD. Estimant que les renouvellements de ces contrats précaires étaient justifiés « par le besoin de remplacement » – y compris si ce besoin est « récurrent » voire « permanent » –, l’instance européenne a ainsi tiré les premières balles sur la sécurité de l’emploi inscrite dans le droit du travail (qui stipule que le CDI doit être la forme générale de contrat). De quoi faire saliver les patrons, qui se félicitent déjà de nouvelles conquêtes antisociales.
Bref, les attaques n’en finissent pas, et ne finiront sans doute jamais. Une fois de plus, l’Assemblée nationale et la justice ont montré de quel côté leur cœur penchait dans la lutte des classes. L’État au service des salariés comme l’Europe sociale sont deux chimères dont il conviendrait enfin de se débarrasser pour ouvrir la voie à l’autonomie du mouvement social, celle qui se construit à la base, dans les organisations de travailleurs.