La distribution de la presse se désagrège

mis en ligne le 1 mars 2012
1662PresseLa situation était déjà problématique depuis juillet dernier, date à laquelle Presstalis (75 % de la distribution – quotidiens et publications) n’avait plus de coopérative que le nom ! En gros, l’esprit de la loi Bichet (1947) n’était plus respecté, c’est-à-dire que les gros éditeurs ne payaient plus pour les petits (sous-entendu la presse politique d’expression libre sans publicité). Voilà que, maintenant, les MLP (Messageries lyonnaises de presse) se mettent à lui piquer des titres, petit à petit. Les MLP, c’est la grenouille de la fable, qui se veut plus grosse que le bœuf ! Mais, finalement, elle y arrive progressivement. Les éditeurs sont des pleutres ! Après avoir voté la restructuration de juillet dernier, comme les rats, ils quittent le navire qui coule. Ça branle, donc, dans le manche ! Des titres puis, finalement, certains groupes entiers filent à l’anglaise, affaiblissant peu à peu Presstalis. Déjà Le Parisien s’était barré, se diffusant dorénavant tout seul sur Paris. Tout ça n’est évidemment qu’un problème de coût. Les MLP payent leurs salariés au lance-pierre (à peine le smic). Presstalis, après maints et maints combats du Syndicat du Livre (CGT), rétribue plus correctement ses employés, avec des salaires et des avantages qui font pâlir d’envie ceux qui sont exploités par les négriers de la distribution. Mais les requins du capitalisme sauvage sont en train de faire la peau à tous les avantages sociaux du monde du travail. Donc le but, c’est d’estourbir Presstalis et de tout faire passer aux MLP, dont les coûts sociaux sont moindres ! Un joli tour de passe-passe sous prétexte d’une pseudo concurrence ! La distribution de la presse étant maintenant assimilée à la répartition de paquets de nouilles ! Les deux messageries en appellent au Conseil supérieur des messageries de presse pour trancher la question, mais ledit Conseil, composé de bureaucrates séniles, perché sur son nuage olympien, fait la sourde oreille et les renvoie dos à dos vers l’ARDP (Autorité de régulation de la distribution de la presse) récemment créée, qui répond fort jésuitiquement que la concurrence doit jouer. Chacun se renvoie la balle. Il faut dire que la situation est très mauvaise : les ventes baissent systématiquement, la pub fout le camp, Internet et les gratuits taillent des croupières dans ce gâteau, autrefois énorme et bien juteux ! Lorsque l’avoine manque dans la mangeoire, les chevaux se balancent des coups de sabots ! En attendant, la distribution est sous-traitée de manière honteuse. La répartition est sous-payée. Les tournées des porteurs sont rallongées et surchargées. Eux sont rétribués à coup de lance-pierre (ce sont souvent des travailleurs émigrés sans papiers). Ils ne sont pas syndiqués, et à la moindre protestation on les dégage séance tenante. En bout de chaîne, les kiosquiers n’en peuvent plus, ils voient leurs ventes s’effondrer et leurs conditions de travail se dégrader considérablement. Dans leurs « boîtes à nouvelles », crevant de chaud ou de froid, toujours sans eau ni toilettes, ils ne comprennent plus rien à cette désagrégation constante. Ils doivent traiter avec au moins trois messageries. Combien demain ? Médiakiosk, l’entreprise qui gère les édicules, vient d’être rachetée par Decaux en mal d’espace publicitaire : Presstalis le leur a vendu pour se constituer des fonds. Il est vrai qu’elle mène grand train dans son siège Porte-des-Lilas, alors qu’elle ne gère plus qu’un dépôt à Bobigny… Il y a plus de cadres que d’ouvriers ! Seule la pub compte ! Les marchands de journaux sont traités comme du mobilier urbain. Combien de temps cela va-t-il durer ? Une grande casse se prépare. Quant à la « presse libre », dont Le Monde libertaire fait partie, elle ne devra sa survie qu’à la constitution d’un réseau parallèle efficace, pour que soient diffusées nos idées libertaires.