Lettre ouverte au militant qui ne doute pas (II)

mis en ligne le 29 mars 2012
Je poursuis ma lettre avec tes arguments, toi le militant qui n’a pas voulu lire mon exemplaire du Monde libertaire puisque je ne voterai pas pour ton candidat. Faut dire que tu t’affichais : badge CGT, autocollant Front de gauche ; tu n’as guère apprécié quand je t’ai dit que Mélenchon était un apparatchik. « C’est pas vrai, avant il était militant à l’OCI. Moi aussi j’y étais. » Je n’ai rien répondu, mais instantanément m’est revenu en mémoire un souvenir des années 1980 : lors de la venue de Reagan à Paris pour un G8, l’extrême gauche se mit d’accord – exploit ! – pour organiser une manif unitaire l’après-midi. L’OCI (organisation trotskyste qui était devenue PCI puis PT) manifesta seule, le matin… Tu vois, mon camarade, mon expérience politique se construit aussi avec de tels souvenirs… Et l’image que je garde de ces militants est celle de gens froids, cachés, méprisants. Un parfait repoussoir. Et c’est en l’écrivant que j’y pense : ce ton cassant commun à un Mélenchon ou un Jospin, voilà d’où il vient !
Leur passé trotskyste ne les a pas empêchés de mener une carrière d’homme politique au Parti socialiste. Ces militants qui firent de l’entrisme ou tournèrent leur veste, ne se sont pas illustrés par une politique fondamentalement différente de leurs comparses, au gouvernement. Même si le discours et les postures de ton candidat semblent représenter l’opposition nécessaire au capitalisme, j’ai le droit de penser qu’un calcul politicien est à l’origine de ce discours combatif. électoralement, un pourcentage conséquent de gens critiques du système, sensibles à la misère sociale, sincèrement anticapitalistes, peuvent lui assurer un score honorable et le placer dans le rôle du leader de la gauche de la gauche. Nous avons le droit de n’être pas dupes : il calcule en futurs postes de députés. Ne mélenchons pas les torchons et les soviets.
Tes arguments, mon « camarade », étaient en vrac : « Je ne crois plus au grand soir. Le rapport de force se construit dans les luttes, dans la rue et dans les urnes. » J’y reviendrai ultérieurement.
Finalement, tout ton discours devint une apologie du vote à gauche. Peu importait pour qui – pourquoi pas Arthaud de LO –, il fallait que je vote. Autre argument, pour expliquer la nécessité d’aller voter à gauche : « Les mairies communistes font une politique bien différente des autres, elles ne se vendent pas à Véolia. »
Bien sûr, les villes PC ont une politique sociale dans plein de domaines, je suis d’accord. On sent la différence dans l’éducation, le logement, les aides sociales…
Mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel, ce sont le piston, le copinage, les privilèges. L’essentiel, c’est la confusion d’intérêts entre militantisme, postes d’élus et profession. Tout ce qui est dénoncé chez les autres partis… L’essentiel, c’est le reniement dans les actes des professions de foi affichées.
Pourquoi c’est l’essentiel ? Parce que ce qui devait vous différencier des autres, vous lie aux autres.
C’est une minorité, me diras-tu ? Prouve-le. Partout où je suis passé, je n’ai vu que cela. Et des élus syndicaux compromis dans des dessous de table ou « paiements en nature » pour défense syndicale dans l’entreprise ou aux prudhommes. Des exceptions ? Qui restent en place. Cela suffit pour discréditer l’idée même d’un combat pour d’autres mœurs, d’autres valeurs, d’autres pratiques politiques. Personne n’est à l’abri de telles dérives, aucun parti ? D’accord. Mais, tout de même, ne me présente pas ces municipalités comme exemplaires ! Car il ne s’agit pas de simples dérives individuelles.
Lorsque le fonctionnement hiérarchisé d’un parti infantilise ses militants, lorsque la ligne politique arrive d’en haut, parce qu’il y a un haut et un bas, tout les prépare à accepter l’inacceptable au quotidien. S’il y a chef, il y a privilèges. Ce fonctionnement généralisé, cela donne à grande échelle l’URSS dans toute la puissance de sa bureaucratie parasitaire. Les avantages des chefs les écartent socialement de ceux qu’ils représentaient jadis. Ils ont d’autres intérêts, qui divergent puis s’opposent. Et les privilèges engendrent les trahisons politiques. Le stalinisme est la cristallisation de ces dérives, de ces faveurs, et ces « petits plus » que représentants, délégués, élus s’accordent.
Nos luttes auront un avenir si elles savent imposer l’intégrité. Aucun privilège obtenu grâce à la fonction de représentant. Quel que soit le niveau de responsabilité.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


marie hélène

le 5 avril 2012
C'est bien vrai , mais on n'est loin du but quand on considère que ce genre de personne représente la point de de l'éveil par rapport à la soixantaine de million d'autres!!! tous formatés pour construire une pensée qui ne peut fonctonner sans la hiérarchie, et cela depuis le plus jeune age; en totale incapacité d"autonomie!.. On sait bien pourquoi et qui ça arrange...C'est les mentalités qui doivent avoir la capacité, de vouloir s'ouvrir aux mondes et aux idées à d'autres modes de vie envisageables, etc...mais pour cela, il est préférable d'avoir reçu une éducation en se sens, loin de l'abbrutissement scolaire actuel, une éducation qui ne punie aucne initiative mais l'encourage, qui valorise les individus au lieu de les frustrer,etc...
Il me semble que de telles expériences avaint été faite avant franco franculo...Et après tous Louise Michel n'était-elle pas institutrice???