Osons !

mis en ligne le 24 mai 2012
Les acteurs sont désormais connus (et il est recommandé de s’extasier devant la parité du casting). Premier ministre, ministres et sous ministres, ainsi que leur escouade de conseillers, d’experts, d’« oreilles » sont en place.
Mais la singularité de cette (mauvaise) pièce tient au fait que c’est toujours la même histoire qui se joue depuis des décennies. L’histoire sans fin en quelque sorte. Cela explique pourquoi les militants anarchistes, qui n’ont pas la mémoire courte, aspirent à changer moins les acteurs que le scénario !
« Le changement, c’est maintenant, La rupture c’est tout de suite, Changer la vie… », autant de slogans creux, pitoyables et dérisoires qui durent le temps des campagnes et rejoignent ensuite le cimetière des illusions perdues.
Est-il déraisonnable de dire tout simplement : arrêtez vos conneries, la réalité est ailleurs. Osons tout d’abord l’anaphore, c’est tendance.
La réalité, notre quotidien est là pour le rappeler, c’est le chômage, la précarité, les fins de mois (parfois au 15 du mois) impossibles.
La réalité, ce sont les millions de travailleurs pauvres, les millions de familles qui ne peuvent plus se chauffer ou se soigner correctement.
La réalité, c’est l’exploitation forcenée qui se développe dans certains secteurs comme le bâtiment ou l’agroalimentaire. De véritables sociétés de traite des travailleurs d’Europe de l’Est (payés 3 à 4 euros de l’heure) y prospèrent avec la bénédiction des directives européennes comme la sinistre directive Bolkeistein.
La réalité, c’est la casse des services publics, des hôpitaux, la liquidation de la formation initiale et continue (Greta et Afpa), l’autonomie des établissements scolaires ou des universités, gérés comme des petites entreprises.
La réalité, c’est l’arnaque du siècle que constitue le remboursement de la dette.
La réalité, c’est l’austérité de droite, de gauche, à perpétuité.
La réalité, ce sont les 100 milliards annuels de niches fiscales et les dizaines de milliards d’exonérations patronales qui dépouillent la Sécurité sociale.
La réalité, c’est le système bancaire qui continue de spéculer et qui se contrefout des pseudos tentatives de « moralisation » de politiciens cyniques ou niais.
La réalité, c’est une Confédération européenne des syndicats qui non seulement ne fait rien pour les travailleurs grecs, espagnols ou portugais mais accompagne tous les mauvais coups de l’union européenne. Cette Europe vaticane, cette Europe subsidiaire qu’incarne si bien Jacques Delors (le papa de Martine Aubry) et dans laquelle Hollande et Ayrault (élevé à l’école du mouvement des jeunes chrétiens ruraux) se reconnaissent totalement. Cette Europe de Chérèque, évidemment, qui réclame déjà sa place de cogestionnaire de l’exploitation et de colégislateur de l’inacceptable.
Mais la réalité, ce sont aussi des millions de salariés, chômeurs, retraités, étudiants qui refusent en Europe par la grève, l’occupation des entreprises et la manifestation cette barbarie généralisée.
La réalité, ce sont ces centaines de milliers de syndicalistes qui cherchent la voie de la résistance, qui refusent les compromissions des appareils et qui ne sont pas disposés à accepter l’austérité syndicale.
Alors pour tenir compte de toutes ces réalités, osons ! Osons construire une Fédération anarchiste à la hauteur des enjeux. Osons la confrontation d’idées avec tous ceux qui se situent sur le terrain de la lutte de classe. Osons faire revivre, sous des formes actuelles, l’idéal des Bourses du travail de Pelloutier.
Osons faire vivre le syndicalisme indépendant, le fédéralisme, l’interprofessionnel, les mandats. Osons les luttes. Partout.