Théo Van Rysselberghe, l’instant sublimé

mis en ligne le 14 juin 2012
1677LectureLa petite ville de Lodève, non loin de Montpellier (Hérault), présentera dans son musée, du 9 juin au 21 octobre, une exposition consacrée à Théo Van Rysselberghe (1862-1926). À travers environ 80 œuvres, il vous sera possible de connaître et d’apprécier ce peintre belge qui marqua son époque par sa recherche perpétuelle de la représentation de la lumière, et qui fit partie des courants artistiques novateurs comme le néo-impressionisme.
Le peintre est un illustre successeur des peintres flamands, et son travail passionné en fait une personnalité à l’oeuvre forte et attachante. Il participe à des expositions en Belgique et à Paris, au Salon des XX et avec les néo-impressionnistes. À une époque où les impressionnistes comme Monet et Renoir font sensation, Théo Van Rysselberghe entame une quête personnelle qui l’amènera à découvrir le peintre Georges Seurat et à travailler selon les techniques dites du pointillisme. Le Portrait d’Alice Sèthe (1888) est un joyau de cette étape de son travail. Il se rapproche alors de Van Gogh, Paul Signac et Seurat. Ses amis sont le poète Émile Verhaeren, l’écrivain André Gide… dont il peindra des portraits.
Sa peinture est admirée dans toute l’Europe. Sa technique évolue vers des touches de peinture plus larges et plus longues et vers l’usage de couleurs moins pures. Portraits et paysages ont ses préférences et il se sert fréquemment de photographies qu’il prend lui-même pour travailler. Il s’éloigne alors de l’impressionnisme et Paul Signac lui en fait le reproche. Entre 1903 et 1912, la maîtrise de son style est à son apogée. Il réalise des nus à partir de 1905, dont le magnifique Ruban écarlate (1906) en est une magnifique illustration. Peu avant la guerre, il s’installe dans le Midi de la France et il revendique un classicisme qui provoquera la rupture avec Paul Signac, un ami de longue date. Jusqu’en 1926, date de sa mort, la reconnaissance pour son travail ira grandissante et il reste une figure de proue de la peinture impressionniste belge.

Un peintre libertaire
Mais un autre aspect du personnage mérite également notre attention, qui ajoute une autre dimension à l’intérêt que l’on doit porter à cette exposition. Théo Van Rysselberghe fut ami avec Félix Fénéon, critique d’art qui écrivit en 1886 ce que l’on considère maintenant comme le manifeste du néo-impressionnisme. Or Fénéon était résolument engagé dans le mouvement anarchiste français de son époque. De la même façon, Paul Signac, Maximilien Luce ou Camille Pissarro étaient des artistes qui avaient une réflexion sociale et révolutionnaire sur leur travail, et leurs contributions (des dons) pour aider les souscriptions et loteries diverses pour aider les journaux anarchistes, par exemple, furent précieuses. Comme ses amis, l’artiste belge le fit lui-même à diverses reprises, sollicité par son ami Jean Grave, qui faisait vivre le journal Les Temps nouveaux. À ce sujet, le 30 mars 1905, il écrivait : « […] Je ne voudrais pas, mon cher Grave, ne pas vous parler en toute franchise. Autant j’aurai du plaisir à vous donner quelquefois un dessin – sans aucun rapport avec aucun texte, ni avec les idées philosophiques ou sociales du journal – autant il me serait difficile d’en faire exprès. J’entends qu’un dessin quelconque, mais ayant un intérêt purement plastique, a suffisamment sa raison d’être et, s’il a quelque valeur, aura son rôle éducateur autant, si pas mieux, qu’un dessin à signification littéraire ou philosophique. Quoi qu’il en soit, moi je suis particulièrement inapte à ce genre-là de dessin : tous ceux que j’ai essayé de faire m’ont donné beaucoup de mal et sont, à mes yeux, archi-ratés. En somme, on ne fait bien que ce que l’on sent bien, et ce qu’on fait avec plaisir. Or j’adore dessiner – mais pour n’exprimer que de belles formes, ou des blancs et noirs qui me paraissent intéressants, sans plus. » (Archives Grave, IFHS). Il peignit également Élisée Reclus, illustra une brochure de Pierre Kropotkine et un livre de Grave. Après le décret des Lois scélérates en 1894 en France, il accueillit Bernard Lazare, Élisée Reclus et le peintre Pissarro, qui se réfugiaient eux aussi en Belgique.
C’est donc bien le peintre admirable, en quête perpétuelle d’une lumière qu’il tentait de saisir autant que de restituer, et l’homme de convictions libertaires que vous pourrez découvrir en vous rendant à cette exposition qui se tiendra jusqu’au 21 octobre, avec des nocturnes jusqu’à 22 heures durant l’été (http://www.lodevoisetlarzac.fr/).



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edimip

le 25 juin 2012
Pour les personnes qui ne pourraient visiter l'exposition mais qui souhaiteraient acquérir le catalogue : http://www.edimip.com/