Ordures capitalistes

mis en ligne le 18 octobre 2012
1685AnticapitalLes médias nous informent que Bernard Arnault (copain de Sarko, invité du Fouquet’s en 2007), le futur ermite, veut acquérir la nationalité belge en sus de la française. Le but est en fait de préparer la transmission sans impôts à sa famille ; le moment venu, il suffira de renoncer à la nationalité française pour ce faire. Une fois belge, il pourra aussi se déclarer résident à Monaco. Le fric n’a pas d’odeur ; il n’a pas non plus de patrie. Le sieur (huile du capital) Arnault a 32 milliards d’euros de fortune, soit la première des Français et la quatrième mondiale. Il dirige LVMH, 100 000 salariés de par le vaste monde. Mais voyons d’où vient ce type et comment il a fait fortune. Contrairement à la légende libérale des self-made-men, il n’est pas parti de rien et il ne s’est pas fait tout seul.

Les dessous de cette réussite
C’est l’héritier d’une boîte de BTP dans le Nord à lui transmise par son papounet. Il a ensuite créé une maison de promotion immobilière, Férinel, qui proposait des résidences de vacances à la mer. N’oublions pas que le BTP et la promotion immobilière sont les fleurons de la corruption des édiles et des passe-droits pour construire low cost grâce à des cadeaux des municipalités (terrains, par exemple, devenant subitement constructibles sur le littoral prétendument protégé du bétonnage ou expropriations pour cause d’utilité publique au profit du promoteur acquérant ainsi les terrains pour pas cher).
Puis notre entrepreneur s’est vu accorder la reprise de l’empire Boussac (déjà sévèrement écorné par les frères Willot) par un tribunal de commerce peu regardant et avec un prêt étatique de 2 milliards de francs (316 millions d’euros aujourd’hui). Ce prêt a été consenti en 1984 par… devinez qui, Fabius. En contrepartie, Arnault devait sauver la boîte et maintenir l’emploi. Mais Arnault, rien à voir avec le pape des jansénistes, a vendu tout ce qu’il a pu (usines, beaux bâtiments ; à l’instar des Dalton qui avaient liquidé Saint-Frères) et conservé les fleurons de l’empire comme Dior. Mais Fabius n’a pas exigé le retour des 316 millions, ni ses successeurs, après la défaite électorale du PS en 1986.
Ensuite, Arnault a racheté patiemment des tas de boîtes (dont Louis Vuiton) en usant de méthodes dignes du Leverage Buy Out (LBO), méthode autorisée par les socialos (il ne faut pas oublier que la déréglementation financière a commencé sous eux avec Bérégovoy, Fabius, DSK) et qui consiste à sortir 10 % du prix de sa poche, à emprunter les 90 % manquant et a faire payer l’emprunt (amortissement et intérêts) à la boîte rachetée tout en la pressurant à mort (dégraissages, notamment) pour faire juter du profit. Au bout de quatre ou cinq ans, la maison est revendue avec profit à un autre spéculateur ; le profit tiré du LBO dépasse donc souvent 90 % (fastoche, c’est au moins 100 de valeur initiale moins les 10 % d’apport frais, les 90 d’emprunt ayant été payés par les rachetés). On imagine aussi que la méthode Tapie (achat d’une boîte battant de l’aile puis dégraissage Willot des beaux actifs immobiliers) très à l’honneur sous les socialistes mitterrandiens a été employée avec bonheur par notre chef d’entreprise audacieux. Arnault avait tenté de faire main basse sur Hermès (en achetant en loucedé des parts détenues par des membres de la famille sans en informer le gendarme de la Bourse et à la limite du délit d’initié), mais celle-ci s’est bien défendue jusqu’à présent.
C’est donc un homme de haute vertu qui s’est montré, seul, un remarquable capitaine d’industrie. Mais avec le concours de cet État socialiste si honni et qui veut maintenant imposer votre fortune. Sans la bienveillance des pouvoirs publics, LVMH n’existerait pas. C’est facile de faire fortune quand les gouvernements vous aident si bien à escroquer les autres.

Les lois et les politiques complices
Mais Arnault ne s’est pas non plus fait tout seul. Il a fait Polytechnique aux frais du contribuable. Études quasiment gratuites dont le bonhomme est donc redevable à la France. Mais, soyons juste, on n’apprenait pas les manipulations financières à l’X à l’époque. Arnault a appris tout seul mais il avait l’exemple des Willot et de Tapie qui s’y connaissaient en trucages et montages olé olé. Cela dit, rien n’aurait été possible sans les opportunes lois gouvernementales qui les permettaient sans sanction. Sauf à dépasser les bornes comme les Dalton. La République a donc été bonne fille et la patrie lui a tout permis. On mesure donc le degré d’ingratitude de ce quidam qui veut échapper aux impôts sur la fortune qu’elles lui ont permis d’accumuler. Les lois devraient permettre de retirer sa nationalité à un individu qui se montre apatride en allant chercher une autre nationalité. Le moins serait que de tels gugusses soient condamnés à rembourser les frais de formation et les aides de l’État avant de pouvoir filer à l’anglaise. On pourrait aussi nationaliser ses possessions en France contre des obligations d’État à 2 % sur cinquante ans. Que va faire Hollande Ier ?
Cette biographie est une illustration exemplaire des collusions entre le politique et les puissances d’argent, du rôle des lois quand elles sont systématiquement édictées en faveur du capital sous couvert de démocratie représentative. Et avec le concours d’avocats d’affaires plus ou moins spécialisés dans « l’optimisation fiscale » à l’instar, peut être, du souverain précédent, à savoir Rodotarinraskoltignac.
Ce que prouve Arnault, c’est que l’impudeur et l’immoralité n’ont plus de limites. On ne pense qu’à soi, tant pis pour les autres et le pays. Le révoltant de l’histoire est que les déplorateurs de la « perte des repères » sont en même temps et surtout de chauds partisans du libéralo-capitalisme mondialisé. Ils gémissent hypocritement sur la perte du sens moral sans voir que c’est une conséquence de leur philosophie. En effet, depuis deux siècles, le libéralisme a encouragé l’individualisme, l’utilitarisme, l’esprit de lucre, etc. Avec la mondialisation, le tout-marché, le tout-finance, cette morale a pu se déchaîner. Dès lors, les dirigeants d’entreprise, les politicards, les journaleux stipendiés, les banquiers ont perdu tout sens de l’honneur, toute vergogne au point d’aller jusqu’à truquer les comptes (Enron, Parmalat, Vivendi), à jouer contre leurs clients (Goldman Sachs qui a vendu des dérivés en spéculant à la baisse contre eux), à se laisser acheter par les lobbys finançant leurs campagnes électorales pour faire voter des lois favorables aux monopoles et aux rentes, à payer de faux chercheurs pour contrer les attaquants de leurs produits nocifs, etc. Mais il ne s’agit pas de comportements individuels : ces derniers n’ont pu se multiplier que par la grâce de la dérégulation financière et commerciale votée par les politicards aux ordres des puissances d’argent. C’est un système prédateur qui a été ainsi mis en place, système qui conduit à un abîme exponentiel entre les 1 % et 0,1 % les plus riches et les 99 autres pour cent (nom d’un mouvement d’indignés aux états-Unis, les 99).
Il faudrait déjà d’urgence, n’est-ce pas M. Hollande, re-règlementer le commerce et la finance. Avant d’arriver à la mise en place d’un tout autre système socio-économique, ce qui suppose la mise en place d’une véritable démocratie.