La guerre de Troie n’aura pas lieu

mis en ligne le 17 janvier 2013
Pendant une guerre, un génocide, certains s’enrichissent en dépouillant les cadavres, en s’emparant des biens des déportés, en vendant des armes, par le marché noir, en renégociant des traités ou en modifiant des frontières. Donc, on ne se bat pas contre la guerre ? Parce qu’elle n’existe pas ?
Ce n’est pas parce que la ruine des uns est profitable à d’autres qu’il ne s’est rien passé en 2008. Les banquiers s’en sortent, mais le krach a bien eu lieu.
Philippe Pelletier, dans son article « Les petites mains vertes du capitalisme triomphant » dans le n° 1690 du Monde libertaire cherche à démontrer que, derrière l’écologisme, se cache une entreprise généralisée du système capitaliste pour se perpétuer. Tous les exemples cités dans l’article peuvent être justes, l’architecture du raisonnement n’en est pas moins irrecevable. À le lire, on pourrait croire que l’écologie n’est qu’une manœuvre.
Ce n’est pas parce que certains acteurs du capitalisme tentent de s’emparer des craintes ou des aspirations que la pollution, l’alimentation, la gestion de l’énergie, que les problèmes écologiques n’existent pas.
Mettons de côté le réchauffement climatique. (Sans toutefois oublier que les équipes d’avocats et d’experts chargées par le lobby du tabac d’innocenter la cigarette se recyclent dans la négation du réchauffement climatique…) Comme le dit Philippe Pelletier, la bourgeoisie n’est pas homogène. Des intérêts divergent, et l’on peut facilement comprendre que les industriels d’un secteur misent sur le statu quo et d’autres sur le développement durable. On pourrait même, concernant les thèses contradictoires sur le réchauffement climatique, admettre l’hypothèse d’un choc de lobbys.
Peut-on pour autant nier les problèmes écologiques ? Les rejets, les accidents et les déchets nucléaires n’existent pas ? La dégradation des sols due à l’agriculture intensivement polluante non plus ? Et quid de la fertilité du sperme en baisse ? Peut-on nier que se pose la question de notre survie, du moins comme espèce non altérée ou génétiquement modifiée ? Dire cela, c’est « du catastrophisme de gourou écolo » ? Par ailleurs, on pourrait citer des centaines d’hurluberlus qui ont écrit ou commis les pires horreurs « au nom des exploités », cela ne signifierait pas pour autant que l’exploitation n’existe pas…
Bien sûr que le capitalisme peut s’appuyer sur l’écologie comme sur un nouveau nationalisme, une « union sacrée » qui lui permettrait de serrer les rangs, de se souder par-dessus les intérêts de classes, comme en tant de guerre. Bien sûr que des bureaucrates, des politiciens, surfent sur l’écologie pour s’enrichir ou asseoir leurs pouvoirs, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que le mouvement n’est pas unanime et généralisé ! Le capitalisme est-il apte à résoudre ces crises écologiques ? Je reste perplexe. Mais ce qui m’apparaît surprenant, c’est à quel point Philippe Pelletier semble en être persuadé. Pour lui, ce n’est pas la crise écologique qui est inéluctable, c’est la capacité du système à s’en sortir. À quel prix ?
Dire que la transition énergétique se fera au détriment des salariés et des pauvres en les pressurant, ce n’est pas opposable au fait que nous subissons déjà la crise écologique par notre sang empoisonné de pesticides et de centaines d’autres produits chimiques, métaux et microns radioactifs.
Peut-être même que cette crise-là provoquera les sursauts révolutionnaires que « la simple exploitation capitaliste », malgré ses horreurs, n’a que trop rarement suscités.
Mais laissons l’écologie.
Cher Philippe, vu le parallèle que tu fais entre la social-démocratie et l’écologisme, j’aimerai que tu tires, dans un prochain article, « l’exact bilan de l’évolution de la social-démocratie, celui qui n’a pas été fait par le mouvement anarchiste ». Et que tu m’expliques quelle erreur d’analyse serait la cause de la marginalisation dudit mouvement. Le mouvement anarchiste aurait-il ici servi de petites mains à la « social-démocratie triomphante », « permettant ainsi au capitalisme de se renforcer, via l’État dit providence » ? Quelle politique aurait-il fallu mener ? Ce qui n’est qu’à peine suggéré mérite des développements.