Enfumages en vrac

mis en ligne le 21 mars 2013
J’ai un scoop coco ! La municipalité a installé une pissotière en bas de chez moi. Vous vous en foutez ? Vous avez bien raison ! Vous êtes d’ailleurs des millions comme ça. Il y a bien d’autres choses dont vous vous foutez, mais ces choses-là vous êtes quasiment obligés de les entendre et de les réentendre. Par exemple tiens, la mort de Monsieur Pape, enfin il a collé sa dem’ c’est un peu pareil, et pourtant il ne fut pas un jour où cet ancien des jeunesses hitlériennes n’ait fait la une des magazines, des jités comme ils disent, des kiosques à journaux, enfin de toutes ces autorités morales qui nous montrent ce qu’il faut penser, à quoi il faut penser et surtout comment il faut penser. Que Monsieur Pape soit remplacé par un autre arsouille en dentelles comme Monsieur Imbroglio (c’est bien ça non ?), soupçonné sinon de complicité, du moins de complaisance avec la dictature argentine, nous contraint dès lors de clamer : qu’il dégage ! Et les émissions spéciales d’une radio nationale dirigée par un ancien libertaire (c’est ainsi que Philippe Val s’autoproclamait), ami comme cochon avec Carla Bruni, n’y pourront pas grand-chose.
Il en va ainsi de l’opinion publique du café du commerce. Il faut s’ébaubir, s’émerveiller, adorer, se révolter grrr, aller à l’endroit qu’on nous indique, verser sa larme aux enterrements des gens connus, cracher sur DSK, positiver avec Carrefour, donner un p’tit sou pour l’Opération Pièces Jaunes et un kilo de nouilles ou un paquet de biscottes sans sel aux Restaurants du cœur.
Être conforme, ne pas se faire remarquer, rester gris devant un mur gris, blanc devant un mur blanc, jaune à la CFDT, et rouge à la cégète. Notre environnement nous formate, nous façonne, nous conduit. Et si je puis m’exprimer ainsi, ils font comme ils peuvent, mais les trous-du-cul nous gonflent.
Un petit exemple : Stéphane Hessel est mort il n’y a pas si longtemps. Cela n’aura évidemment échappé à personne. Voilà un bon vieux monsieur qui avait toutes les apparences du vieux sage, rieur, l’œil vif, la répartie sans doute cinglante, cultivé et fort apprécié de tout le monde, celui qu’on convie pour une commémoration quelconque, qu’on consulte ; ancien résistant, intellectuel de grande valeur et surtout connu pour avoir rédigé une petite brochure de vingt pages, fortement médiatisée et habilement diffusée, un texte sans surprise et sans clé ma foi, hé ! pas besoin de clé pour enfoncer une porte ouverte. Bref à peine de quoi éveiller des consciences qui n’attendaient pas que ça. L’individu ne fut pas pour autant aussi sympathique, et en homme de pouvoir, et façonné par le pouvoir qu’il fut, son attitude arrogante et manœuvrière envers les libertaires ne lui pas toujours attiré des hommages bonhommes, niaiseux et dégoulinants de tristesse comme ces dernières semaines. « Il se prenait pour Talleyrand », mais il était seul à y croire, écrivit Yves Peyraut dans ses mémoires à propos des négociations dans les années 1980 pour l’attribution des fréquences de radios libres. Ardent partisan d’illusoires mariages forcés des fréquences, il en fut pour ses frais. Ce Père Noël des bonnes consciences ne mérite sans doute pas le moindre début de carnaval. « Si je peux oser une comparaison audacieuse sur un sujet qui me touche, j’affirme ceci : l’occupation allemande était, si on la compare par exemple avec l’occupation actuelle de la Palestine par les Israéliens, une occupation relativement inoffensive, abstraction faite d’éléments d’exception comme les incarcérations, les internements et les exécutions, ainsi que le vol d’œuvres d’art », a-t-il déclaré au journal Frankfurter Allgemeine Zeitung, le 21 janvier 2011. Les rescapés apprécieront…
Et toujours dans le genre regardez braves gens mon ego démesuré, je suis « une people » et je vous emmerde, moi aussi j’ai couché avec DSK et je vais me faire un compte en banque démesuré avec ça. Marcela Iacub essaie sans doute de se faire une notoriété, à défaut d’avoir du talent, en accédant à ce qu’il y a de plus riche, de plus fort, de plus cher, de plus « tiens tu le sens mon gros chèque ! » Et là-dessus les voyeurs, les frustrés plongent comme des mouches sur du miel, pour ne pas dire autre chose. Strauss-Kahn se vend, Strauss-Kahn fait vendre et tout ceux et toutes celles qui l’approchent deviennent irrémédiablement corrompus. Que celui (ou celle) qui voit de la libération sexuelle dans cette affaire se signale et on lui offre un abonnement d’un an à la Veillée des Chaumières ou au Chasseur français.
Marchandisation des consciences et marchandisation du corps, ils ont même parlé de temps libre pour les cerveaux, voilà qui est bien fait pour endormir nos consciences et nous faire oublier notre petit train-train vers le travail ou vers Pôle Emploi. Il y a désormais de plus en plus de journaux uniquement dédiés aux désirs inavoués et inavouables à propos des croupes bronzées de vagues célébrités auxquelles on aimerait tant ressembler, à nos pensées pendant l’orgasme ou à la dernière recette de clafoutis au concombre. Ah les journaux ! Les trucs en papier, les brochures de vingt pages, les machins qui s’enflamment dans les barbecues, pendant les piquets de grève…