Ça se passe comme ça chez PSA

mis en ligne le 4 avril 2013
Escarmouches dans la boîte occupée
Au contraire. Des exemples en veux-tu en voilà : immobiles, les gilets jaunes n’arrêtent pas de nous observer. Y compris quand on fait des méga-bouffes devant eux avec tables et chaises au milieu de l’atelier. La honte, ils connaissent pas. Je me demande comment ils raconteront à leurs enfants que des grévistes leur jettent des os pendant ces repas… Ils sont pas si méchants que ça, les grévistes. Pour preuve : des reliquats d’ordures de chefs remontés des égouts… revenus à l’usine pour rappeler en montrant leurs gueules les saloperies passées sont nourris idem.
Le vendredi soir les grévistes poussent l’amabilité jusqu’à partir à une heure du matin. ça permet aux gilets jaunes de rater les derniers trains du week-end. Puisqu’ils aiment tant l’usine d’Aulnay, ses alentours, qu’ils en profitent. Les cadres de choc peuvent bien y rester aussi les samedis-dimanches.
L’échange d’amabilités est digne d’une guerre de tranchée. Un soir les gilets jaunes débranchent notre frigo. Ils ne cachent pas leur plaisir à notre retour le lendemain matin. Les grévistes leur ramènent le frigo, odeur de pourri compris. Ils passeront la journée avec ça sous leur nez… Les ordures nous ont en plus coupé l’électricité. Résultat les tuyauteries débordent et les odeurs remontent. C’est dans la suite des directives de PSA qui a déjà donné ordre aux sous-traitants de ne plus rien nettoyer. Pas besoin d’être clerc de notaire pour deviner les couplets que va servir madame la presse : si les poubelles ne sont pas vidées, c’est la faute des grévistes ! Les égouts qui sentent, ça vient de ces sagouins ! La meute de chiens ne manquera pas d’aboyer contre les ouvriers en lutte !
Au ferrage, ils sont pas mieux lotis. Pire même, ils savent pas travailler. Un jour toutes les pièces fabriquées par ces ingénieurs ont été cafutées 1. Tout un bac constituant plus de cinq heures de boulot à la benne à ordures. Quand nous on en cafutait, c’était la crise de nerfs de la part des chefs. Tout juste, s’ils disaient pas que la boite allait couler à cause du non-respect de la qualité… En cas de débordement, sûr qu’on passe au 20 heures de TF1. C’est pour ça que la guerre de tranchée se poursuit au ferrage. Les chiens de garde de la direction tentent des escarmouches dans nos aires de présence à quelques mètres de la cafétéria. Ils viennent nous provoquer : montrant la joie qu’ils ont de nous avoir enlevé les tables et les chaises. Elle est de courte durée. Une incursion des grévistes dans l’aire des crapules récupère nos pertes… Après ça, chacun retrouve ses positions. Inutile de rappeler qu’en cas de bousculade de notre part c’est le procès garanti. Une éraflure minime : c’est les dommages et intérêts réclamés en plus…
Dans la continuité de ces événements, ont lieu les distributions des premiers chèques issus des collectes et des dons de soutien. « Avec 800 euros pour quatre semaines de grève, ça nous habituera à la galère des bas salaires », disent plus d’un. Pour fêter ça, on organise un jeu de ballon devant les cadres de plus en plus humiliés. Plusieurs fois, ils sont à deux doigts de prendre la balle en pleine gueule. Ils bronchent pas. Comme à l’école, des sonneries marquant les reprises après chaque pause ponctuent le match.
Lundi 4 mars, Mercier finit par admettre la vérité si longtemps occultée : la direction a pas l’intention de redémarrer les chaînes ! Objectif de la semaine, faire des actions à l’extérieur pour allé chercher un vrai médiateur ! L’impasse de la politique de Lutte ouvrière est annoncée en public. Le médiateur est le dernier recours quand tout s’effondre.

Hardies tentatives au-dehors
Le 6 mars, la tentative de rentrer à la mairie de Paris échoue de justesse. à 45 secondes près, on rentrait. Deux jours plus tard., à une centaine on rentre ce coup-ci au siège de l’IUMM. à peine la porte franchie, un des leitmotive de la grève est entonné dans un des salons luxueux : « On est des ouvriers pas des casseurs ! Les casseurs c’est les patrons ! »
Une fois le reste des lieux visité, le constat se fait, amère et sarcastique : c’est là que passe partie du fric issu de notre exploitation ! C’est en cet endroit cinq étoiles qu’ils pondent les idées pour nous niquer la gueule en claironnant : « Ce n’est pas d’actualité ! » à chacune de nos ripostes ! La majesté des lieux ne nous empêche en aucun cas de préparer les casses-dalles pour midi. Au contraire… La gueule qu’il tire le costard-cravate, bras droit du saint proprio de l’endroit…
L’AG dans le salon feutré où ils décident les plans sociaux est épique… Les limites du mouvement éclatent de plus en plus. La boutade de Mercier « On marque des points… ça me fait chaud au cœur » fait sortir cette réplique électrique : « Avec tous les points qu’on marque à chaque fois… on devrait avoir gagné depuis longtemps ! » Après cette tirade, d’autres sortent : « Si on occupe pas l’IUMM ! Y a-t-il d’autres endroits plus stratégiques pour gagner et avoir le médiateur ? » La réponse négative du feld maréchal scelle définitivement la boucle bouclée.
Une fois la réunion terminée, c’est plus qu’épique le mot à employer pour décrire l’ambiance quand nous quittons les lieux : une haie d’honneur de CRS SS est là. Ils ont profité de notre AG pour investir l’endroit. L’accompagnement d’état de siège se poursuit à l’extérieur…

Sortir du pourrissement
Une fois les émotions de la journée passées, mes pensées ne peuvent que me ramener vers George Orwell : Ils disent que tous les grévistes sont égaux ! En réalité, ils savent très bien que certains sont plus égaux que d’autres ! La phrase qu’une jeune militante extérieure à l’usine me glisse : « Mercier s’inscrit jamais pour parler ! » confirme mes réflexions. Lutte ouvrière manquera pas de dire que cette fille fleur est également extérieure à la classe laborieuse…
Pour déboucler la boucle, il va nous falloir du chiffre pour nous soutenir. Seule l’aide extérieure ainsi que d’autres boîtes en grève avec nous pourront nous sortir de l’impasse… Les premières réponses ne manqueront pas d’arriver avec le nombre qui viendra pour le rassemblement avenue de la Grande-Armée à Paris prévu pour le lundi 18 mars 2. Ce-jour là, les syndicats vendus du groupe comptent entériner le PSE. Cette saloperie annoncera ce qui arrivera à d’autres…

Silien Larios






1. Cafuter : Mettre au rebut.
2. Le lecteur comprendra que cet article a été rédigé avant la date du 18 mars (NDLR).