Où est le problème ? (sketch)

mis en ligne le 11 avril 2013
On ne peut plus avoir un compte en banque où l’on veut, à l’heure de la mondialisation  ? On ne peut plus gagner de l’argent ? Mais c’est quoi ce discours moraliste qui soudain envahit le pays ? ! Un peu de réalisme ! Entre nous, tout le monde le fait. Moi ? Ah non, pas moi. Je n’aurai pas grand chose à y mettre, ha ! ha ! Mais sérieusement, faut comprendre : quel intérêt y-a-t-il à prendre des responsabilités politiques si n’on en tire aucun avantage ? Déjà qu’il n’est plus possible de se faire payer des petites… prestations par des copains sans perdre toute chance pour les présidentielles… hi ! Vous y pensez, vous, aux sacrifices que nous faisons ? Notre temps, notre énergie, nos belles années et notre vie de famille ! Nous donnons tout, et pour quoi en échange ? Des indemnités ridicules. Je vous le dis, si ça continue, après l’exil fiscal, va y avoir un exil politicien ! La France ne s’en remettra pas !
Cahuzac… c’est quand même indécent d’être aussi égoïste, individualiste et de ne pas penser collectif ! Nous sommes tous éclaboussés par le scandale ! Quelle image nous donnons… Je parle de la France, mesdames et messieurs ! De l’image de la France ! Parce que, pendant que certains se vautrent dans le stupre et la luxure, d’autres œuvrent aux intérêts du pays : oui ! Ils se démènent pour vendre des Rafale, des centrales, et plein d’autres produits bien de chez nous ! Bon d’accord, peut-être qu’ils distribuent aussi des petits cadeaux pour obtenir les marchés, mais c’est qu’en face ils les acceptent ! (On ne peut pas demander aux dirigeants d’une dictature d’être irréprochables.) Ils reversent des commissions aux partis au pouvoir en France ? Ce sont des pratiques d’un autre temps. Nous y avons mis bon ordre avec la loi sur le financement des partis politiques. Notre démocratie ne pouvait tolérer cela.
«- Et les lobbys pharmaceutiques ? » Faudrait le prouver que l’argent du compte de Cahuzac vient de là. Je vous vois venir avec vos raisonnements extrémistes ! Vous allez insinuer que s’expliquerait ainsi l’effarante inertie de nos élus pour résoudre les problèmes de santé publique qui remettent en cause l’intégrité des laboratoires et de l’industrie du médicament. Vous cédez là aux sirènes lepénistes, je ne vous suivrai pas sur ce terrain. à vous écouter, on pourrait croire que, à droite comme à gauche, les intérêts sont les mêmes, or c’est faux, parce que je vous le dis les yeux dans les yeux : la droite c’est la droite et la gauche c’est la gauche ! (silence)
Ce n’est pas très convaincant ? Mais enfin, la droite, c’est l’idéologie ultralibérale, le «  tout pour les riches », le chacun pour soi, alors que la gauche, c’est… c’est… snif ! (il pleure)
(Il a changé de ton) Je me souviens, quand tout a basculé : mon papa était militant socialiste depuis des dizaines d’années. Quand la gauche a été élue dans ma ville, il m’a eu par relations un petit job à la mairie, c’est comme cela que je suis entré dans la vie active. Avec papa, on s’engueulait un peu, surtout quand je lui disais que j’aimais bien Tapie, comme tous les copains du Parti. Alors quand Mitterrand l’a nommé ministre de la Ville, on était aux anges ! On en avait aussi dans notre ville, des entrepreneurs dynamiques ! Je me souviens que je les citais comme exemple : un surtout, qui avait créé des franchises partout en France. Il avait coulé deux ou trois petites boîtes du coin, mais embauché ceux qu’il avait asphyxiés, puis finalement s’est planté… Mais il en voulait ! (encore admiratif)
(Il se reprend) De toutes façons, j’en ai marre de tout, de cette ville, de la politique… Je vais revendre les maisons et je m’installe dans le Sud ! Surtout que la population a changé dans le coin : savent plus se tenir, y a plus de respect. Tiens ! L’autre jour, au collège, ma fille s’est fait taper par un garçon (des coups de poing sur le biceps. elle a des bleus partout !). Quand la surveillante est venue, il lui a dit « Je rigole, on s’amuse  » ! Si ! Et comme la surveillante a vu que ma fille avait les larmes aux yeux et a engueulé le garçon, v’là qu’il lui répond : « J’fais c’que j’veux, on est en démocratie ! » P’tit con ! C’est quand même atterrant d’entendre cela : pourtant, ce n’est pas faute de l’avoir dit ! à chaque élection je n’oublie jamais d’en parler : Il faut penser le « vivre ensemble ». Lutter contre les inégalités territoriales, désenclaver les quartiers ghettos, offrir de la culture aux classes défavorisées. Important ça, la culture ! Les gens qui souffrent doivent pouvoir mettre des mots sur leur souffrance, c’est cela qui fait une société : le dialogue. Sinon on perd la confiance, le respect et cela devient le chacun pour soi, la jungle !