Nouvelles des fronts

mis en ligne le 28 novembre 2013
1723frontsBonnets rouges et blancs benêts. Pour sauver ton emploi, manifeste avec ton patron ; pour sauver ta retraite, manifeste avec les néopoujadistes, en d’autres termes, pour te faire plumer continue à faire le gros dindon. Mille plans sociaux en cours, quinze mille postes supprimés dans les derniers dix-huit mois, cinquante-quatre mille emplois menacés et quelques naïfs rejouent l’association capital-travail. Vieux mythe catho dont les dupes furent toujours ceux qui croyaient dans les bonnes intentions des dominants. Comment, après cent cinquante ans de lutte de classes, peut-on encore se faire embarquer dans une telle impasse ? Comment accepter, encore, de jouer la chair à patron ? Mystère des consciences et mirifiques résultats d’une éducation bien conduite par tous les décerveleurs. Syndicats ouvriers dépassés par la révolte sociale ou qui récoltent ce qu’ils ont semé, la graine de la délégation, du partenariat, de la collusion, de la négociation… le germe de la soumission ?
Et, pourtant, le Medef et ses affidés, avec ou sans bonnet, cognent à tout va pour améliorer la profitabilité de leurs rapines. La Société générale, après les 1 450 de 2011, lourde 470 collaborateurs dont plus de 300 en France, Alstom en vide 1 300 en Europe. La Redoute s’affranchit de 700 à 800 emplois dans un Nord où le chômeur s’habille au vestiaire du Secours populaire. Goodyear, à Amiens, ça sent le caoutchouc brûlé pour les 1 173 survivants menacés par un Titan dément et furieusement antisyndicaliste, surtout, d’ailleurs, quand ils résistent. Pour les collabos, ça se discute.
Fagor-Brandt met 1 800 cols bleus au congélateur dans l’attente d’une liquidation, Marine-Harvest, malgré 63 millions de bénefs, en supprime 400. Dans les médias, même carnage. France Télévisions pousse 300 CDI au départ « volontaire » et ne renouvellera pas 300 CDD, Ouest-France passe 130 emplois au massicot, Centre-France La Montagne 230 à la presse. Quant aux Bretons qui ont des chapeaux ronds, le secteur agroalimentaire continue à dégraisser sa volaille salariée. Après Doux, c’est Tilly Sabco qui passe 1 000 emplois au tranchoir. Quant à Pleyel, à Saint-Denis, après deux cents ans, c’est la fin du concerto, les 14 derniers facteurs enfoncent la touche blanche de la cessation d’activité.
Du côté de la résistance, c’est poussif, même si quelques pantins politicards parlent d’un pays au bord de l’insurrection et si quelques benêts rouges détruisent les octrois des fermiers généraux. De la jacquerie à la révolution, y a du chemin et quelques ornières interclassicistes et autoritaires à éviter ! De fait, entre deux journées de « mobilisation » traîne-charentaises, une grève réussie des sages-femmes pour leur reconnaissance sociale, une grévette d’animateurs, d’assistants de vie sociale et de profs des écoles contre la réforme des rythmes scolaires. À Paris, une grève des éboueurs, des fossoyeurs et des égoutiers de la ville pour une revalorisation des salaires et la qualité du service. En banlieue, au Bourget, quinze jours de blocage d’un entrepôt d’oripeaux H & M menacé de fermeture. À Roissy, quatre belles semaines de grève chez Swissport pour les salaires. Rien de bien déterminant, pourtant. En matière d’insurrection on peut faire mieux ! Mais certains aiment se faire peur, nous faire peur pour nous faire taire.
Dans le monde, une classe en lutte continue, malgré tout, à se battre pour sa dignité. Au Portugal, un emploi sur sept a disparu depuis 2008, malgré des manifs importantes. En Grèce, malgré ses 27 % de chômeurs officiels, grève dans les universités à Athènes des personnels administratifs, dont 1 350 postes devraient être liquidés pour cause d’économie afin de satisfaire au diktat de l’Europe et du FMI. En Italie, la compagnie aérienne Alitalia se déleste de 2 500 collaborateurs faute de recapitalisation de ses actionnaires. Madrid, poubelle franquiste à ciel ouvert suite aux quinze jours d’une grève victorieuse des éboueurs qui craignaient 1 000 suppressions d’emplois, là encore pour économiser. Et Kellogg’s, le groupe agroalimentaire américain, il va se séparer de 7 % de son effectif pour dégager, là encore, sur le dos de la bête environ 450 millions de dollars de marge supplémentaire. Nokia, knock out, saque 32 000 personnes dont 4 000 en Finlande, Black-Berry en expulse 4 500 au Canada. Le sidérurgiste Riva ferme sept usines en Italie et se purge de 1 400 employés. Bangladesh, des milliers d’ouvriers du textile, pour le coup en état d’insurrection, mais sans bonnets, paralysent 100 usines et affrontent la police pour obtenir un salaire de moins de misère à hauteur de 100 dollars. À vérifier, il semblerait qu’ils n’aient pas (encore) associé leurs patrons au défilé, un jour peut-être.



Hugues
Groupe Commune de Paris de la Fédération anarchiste