Nouvelles des fronts

mis en ligne le 16 janvier 2014
L’année 2014 s’annonce de la même eau sale que 2013. Hollande, dans ses vœux aux Français, à ceux qui votent, ou plutôt aux entreprises, a proposé un nouveau pacte de « responsabilités » au Medef pour plus de compétitivité, de productivité et pour l’organisation de la baisse des coûts du travail. Un paquet cadeau aux exploiteurs de la part de la social-démocratie, une rengaine bien connue et déjà jouer et souvent danser. Pierre Gattaz en a sabré le champagne et écrasé une larme de crocodile. Et pourtant, pour les salariés, le coup du travail ne cesse d’augmenter et le pouvoir de vivre de s’amenuiser. En d’autres termes, la gauche fait ce pourquoi elle a été portée au pouvoir. Le prochain qui déclare qu’elle ne tient pas ses promesses aura un gage (lire in extenso durant un mois les pages saumon du Figaro). Inverser la courbe du chômage à grand renfort de contrats de travail « aidé » (déjà pour le patronat) n’a pas suffi, il faut aller plus loin et taper dans les caisses des salaires différés, ce coup-ci probablement les allocs familiales et demain ? Les indemnités de chômage et, bien sûr, les retraites et tutti quanti !
Quant au bilan 2013, ce sont des milliers d’emplois détruits et des milliers de prolos envoyés à la case Pôle emploi. Le Monopoli social joue à plein, la compagnie Florangea été échangée contre un sac de lentilles électorales et l’âne Martin de la CFDT a bien gagné son avoine. Quant aux rues Conti et Good Year 1, elles ont été rasées, et la gare Aulnay-sous-Bois 2 fut livrée aux promoteurs. Seules les cases prisons demeurent et la peinture est plus fraîche aux Baumettes. Le travailleur toujours plus philosophe est de plus en plus détaché et de plus en plus soldé à bas prix (+ 47 % par rapport à 2012), le smic n’a pas été rehaussé et les ruptures conventionnelles qui évitent les prud’hommes explosent (320 000 en 2012) : promesses tenues !
Dans la dernière ligne droite de la gauche en 2013, la course aux licenciements et aux suppressions d’emplois est allée bon train. Flexcell, panneaux solaires, perd 30 emplois, Lfondery, microélectronique, en supprime 630, Canon en pulvérise 450, des petits joueurs. Veolia-eau, qui rime avec voleur, noiera 700 emplois en 2014. Dans les transports Mory Ducros, 3 000 emplois sont menacés et la SNCF prévoit 1 500 suppressions de postes au fret et au guichet, Planet Fun (bicyclette) vire 92 de ses 109 salariés. Chez EADS, rebaptisé Airbus, 5 800 emplois passés en soute (2 600 outre Rhin et 1 700 de ce côté). Dans la presse et le livre, ce n’est pas mieux. Le Midi libre va réduire son effectif de 10 % et, à Libé, ce sont les salaires qui risquent de diminuer dans la même proportion. Les 53 librairies Chapitre sont en liquidation judiciaire et les personnels avec.
Par ailleurs, des mouvements de résistance et de révolte, mais toujours un peu corporatistes ou défensifs, sans coordination ni projet radical. Ça a rué dans les brancards chez les éboueurs de Grenoble pour un 13e mois, dans les transports urbains de Marseille pour les salaires et contre la pénibilité du travail, dans les raffineries Total pour le flouze, chez les profs de prépa pour les avantages acquis. Mais aussi des ruades à la SNCF contre la réforme ferroviaire (fusion RFF-SNCF), à 20 Minutes contre les suppressions de postes, à la SNCM contre les travailleurs détachés dans le transport maritime. Grève chez Lufthansa à Roissy contre les suppressions-externalisations de 199 postes d’employés d’escale.
Ailleurs, Portugal, Lisbonne : grève des employés du nettoyage et des éboueurs du 24 décembre 2013 au 5 janvier 2014 contre la privatisation. En Allemagne, grève sur le site d’Amazon pour obtenir une convention collective et des salaires décents.
Pendant les fêtes ou juste avant, le prix des transports en commun franciliens a bondi de 3 %, la TVA augmente et les demandes d’hébergement d’urgence ont cru de 15 % en 2013. Le nombre de « bénéficiaires » du RSA a explosé et l’on décompte selon les organisations ad hoc 9 millions de chômeurs totaux ou partiels. Et Hollande fait les yeux doux au Medef. Un quart de la population européenne est menacé de pauvreté soit 124,5 millions (sources Eurostat) ; 500 000 enfants sont sous-alimentés à New York, soit un enfant sur six ; 92 000 enfants de moins de 15 ans travaillent au Maroc, soit 2 %. Mais, comme en 2013, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.








1. À deux séquestrations de cadres près toutefois pour l’ouverture de nouvelles négociations sur les « primes » de départ.
2. Sur cette lutte des PSA, n’hésitez pas à lire, un peu long, très célinien, L’Usine des cadavres de Silien Larios, aux Éditions libertaires. Une belle démonstration de lutte sociale, de combativité ouvrière et une riche chronique de la trahison des chefaillons trotskistes. Mais aussi une belle pièce de littérature prolétarienne.