La maternité des Lilas vivra aux Lilas !

mis en ligne le 29 janvier 2014
La maternité des Lilas est un établissement de santé centré sur la prise en charge des femmes et des couples dans leur parcours de vie, qu’il s’agisse de planification familiale, de conjugalité, d’éducation à la sexualité ou d’accompagnement de la grossesse et de la naissance. Sa création s’inscrit dans un courant psycho-prophylaxie-obstétricale connu sous l’appellation « d’accouchement sans douleur ».
À partir des travaux de Pavlov sur les réflexes conditionnés, d’acquisition culturelle, une méthode a été élaborée pour proposer un déconditionnement de l’accouchement dans la douleur par une préparation spécialisée. C’est Fernand Lamaze, médecin, qui développa une éducation psychique passant par le partage des connaissances dispensées sous forme de cours théoriques et par une éducation physique active qu’il confia à Micheline Bourrel, sage-femme, et à André Bourrel, masseur-kinésithérapeute.
La psycho-prophylaxie-obstétricale était née : en 1952, au centre de santé des métallurgistes à Paris, puis une autre clinique à Antibes et, à partir de 1964, à la maternité des Lilas. Les principes de la naissance sans violence de Frédéric Leboyer y sont ensuite associés à partir de 1975. Ainsi, la maternité des Lilas devint un lieu convivial pour les femmes et les couples, un lieu qui reconnut aux femmes la liberté de leurs choix.
À la fin des années 1970, la maternité accueillera, parmi les professionnels, des médecins militant pour la libéralisation de l’avortement et de la contraception.
Déjà, en 1976, la maternité des Lilas fut menacée de fermeture pour des impératifs de rentabilité. La population soutint alors le maintien de la clinique en organisant des débats et des manifestations faisant dorénavant de la maternité un lieu militant pour le droit des femmes à disposer de leur corps. Au-delà de la maternité et du suivi gynécologique, le centre d’orthogénie et de planification permet la reconnaissance de la structure comme centre de référence pour la prise en charge des interruptions volontaires de grossesse jusqu’à quatorze semaines d’aménorrhée, mais aussi centre de dépistage des infections sexuellement transmissibles.
Dès 2007, la maternité des Lilas élabore un projet de reconstruction pour répondre à la forte demande des femmes principalement issues de Seine-Saint-Denis et à l’exigence de moderniser son équipement. Elle acquiert un terrain aux Lilas. Le feuilleton commence.
En janvier 2011, l’agence régionale de santé d’Ile-de-France suspend le projet de reconstruction de la maternité des Lilas pourtant validé en 2009 dans le cadre du plan hôpital 2012 par Roselyne Bachelot-Narquin alors ministre de la Santé. Face à cette décision remettant en cause les engagements antérieurs, le personnel constitué en collectif de défense se bat pendant un an pour défendre la reconstruction de l’institution et, donc, sa pérennité.
Le vendredi 27 janvier 2012, dans un courrier adressé à Daniel Guiraud, maire des Lilas, Claude Évin, directeur général de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, annonce la sortie de crise : « une issue positive et pérenne pour l’avenir de la maternité des Lilas » avec engagement à verser les subventions prévues au plan hôpital 2012. « La reconstruction de la maternité des Lilas sur le site Gütermann dans la commune des Lilas pourra donc être réalisée. »
Mais, par un courrier du 3 juin 2013, Claude Évin met à nouveau brutalement fin à ce projet et propose une solution alternative : intégrer des locaux désaffectés de l’hôpital de Montreuil. Dès cette annonce, le collectif de défense s’est immédiatement réactivé, en multipliant les actions avec le soutien de nombreuses associations, de syndicats et de personnalités politiques. Sans le soutien du maire des Lilas, du Collectif des usagers de la maternité des Lilas, de personnalités politiques très engagées, des syndicats, des organisations politiques, des associations, de personnalités de la société civile, des médias, cette lutte n’aurait pas pris une ampleur qui a largement dépassé le cadre régional.
Lilas où t’es ?, une parodie du clip Papaoutai de Stromae, veut sensibiliser les citoyens au danger de destruction qu’encourt la maternité des Lilas. En effet, les 150 salariés le clament : les propositions de l’agence régionale de santé ne respectent pas le projet médical et bafouent les droits des femmes à choisir le lieu et la méthode d’accouchement. D’autres actions ont encore fait parler de cette maternité et de son personnel surmotivé.
Et, pourtant, à ce jour, la maternité des Lilas n’est toujours pas fixée sur son avenir. Le personnel est plus que jamais engagé dans le combat exigeant que la maternité des Lilas vive aux Lilas. Il reçoit des soutiens de toutes parts, de la population locale, des personnes ayant accouché là, des enfants nés là, et aussi d’artistes comme Catherine Ringer – qui a composé la chanson La Maternité des Lilas –, Karin Viard, Anémone ou Arthur H.
Si le ministère de la Santé et l’agence régionale de santé d’Ile-de-France semblent abandonner la reconstruction de la maternité des Lilas au profit d’une relocalisation dans des locaux désaffectés de l’hôpital de Montreuil, le cynisme des tutelles reste total. La maternité des Lilas et son collectif doivent, avec les collectivités locales, réunir seuls les finances nécessaires à la reconstruction aux Lilas !
Le collectif de défense reste engagé et mobilisé dans le collectif Notre santé en danger (NSED) et dans la Coordination nationale de défense des hôpitaux et maternités de proximité (CNDHMP). Il espère que la lutte pourra servir à tous ceux qui se battent pour un système de santé publique solidaire et égalitaire.
Le 25 janvier 2014, la maternité des Lilas bat le pavé parisien en direction de la place des Victoires pour réclamer du gouvernement et de son bras armé, l’agence régionale de santé, qu’ils s’engagent à reconstruire la maternité et le centre IVG aux Lilas avec tous les financements nécessaires. Des responsabilités sont engagées tant sur le plan politique que juridique, économique, sanitaire, social et humain. Le gouvernement doit aller au-delà des mots et engager les finances nécessaires à ce qu’il promet depuis cinq ans : sauvegarder la pérennité d’une offre de soins de qualité dans le 93. La maternité des Lilas doit pouvoir continuer d’entourer les femmes et les nourrissons, quatre à six jours après la naissance, soit deux fois plus qu’ailleurs en Île-de-France, pour donner le temps de découvrir son enfant, de commencer tranquillement sa nouvelle vie de parent. Des milliers de femmes continuent de venir accoucher ou avorter à la maternité des Lilas. Que 2014 soit l’année de la victoire et que la maternité des Lilas vive aux Lilas ! C’est maintenant plus que jamais une question de choix et de courage politique !


Hélène
Groupe Pierre-Besnard de la FA
Émission Femmes libres sur Radio libertaire