Météo syndicale

mis en ligne le 13 février 2014
Quand on parle de la CGT de la Belle Époque, du début du siècle, on pense Pouget, Grifhuelles, la charte d’Amiens, la grève générale, les motions antimilitaristes, et puis l’histoire semble s’accélérer et tout mettre aux poubelles. Ainsi, à l’enterrement de Jean Jaurès (4 août 1914) : « Comment trouver des mots ? Notre cerveau est obscurci par le chagrin et notre cœur étreint par la douleur. […] Au nom des organisations syndicales, au nom de tous les travailleurs qui ont déjà rejoint leur régiment et de ceux – dont je suis – qui partiront demain, je déclare que nous allons sur les champs de bataille avec la volonté de repousser l’agresseur : c’est la haine de l’impérialisme qui nous entraîne. » C’était le secrétaire de la CGT qui s’exprimait ainsi.
Comment en est-on arrivé là ? Car, à part des actions individuelles (comme la démission de Pierre Monatte du bureau confédéral), tous les syndicats se sont alignés sur la ligne confédérale… L’histoire a souvent des oublis, mais là, c’est, tristement, l’abîme…
On a parlé de force du nationalisme, de « croyance » en la « der des der », d’une sorte de Blitz Krieg (guerre éclair) inversée, de la force cachée d’un nationalisme interclassiste. Pour les ouvriers du Livre, tout était plié avec les origines alsaciennes de Keufer, secrétaire de la Fédération des travailleurs du Livre (FFTL). Les souvenirs épars parlent de l’espérance unanime en une guerre courte, histoire de finir les moissons… Mais le secrétaire de la CGT est (à titre individuel !) « commissaire à la nation » et siège avec Charles Maurras et l’ancien préfet Louis Lepine au Secours national. Pour un ancien militant anarchiste de l’Est parisien, ça fait plus que tache ! Au début des hostilités, Millerand, socialiste au gouvernement, déclara à délégation de la Fédération des Métaux qu’« il n’y a plus de droits ouvriers, plus de lois sociales, il n’y a plus que la guerre ! ».
Pierre Monatte déclarera : « Je ne ferai pas au bureau confédéral le reproche de n’avoir pas déclenché la grève générale devant la mobilisation ; non ! Nous avons été impuissants, et les uns et les autres ; la vague a passé, nous a emportés. Nos ennemis de classe ont agencé leur entreprise, ils ont affolé le pays. Mais si la masse pouvait, à un moment précis, se laisser entraîner, il est des hommes qui devaient attendre que le vent ait passé pour se redresser. Or ils ne l’ont pas fait. » On pourra épiloguer sur les diverses positions de Monatte, de son adhésion au PC, sans oublier sa rapide exclusion, mais…
On cause trop souvent des méchants, ceux qui, selon leurs propres dires, se sont emparés de la CGT sous influence libertaire presque sans coup férir… (« Comme un couteau dans une motte de beurre »). Il faudrait analyser les causes de l’échec face au bolchévisme avec d’autres critères que le manichéisme. Tout en arrêtant de considérer le Manifeste des Seize comme un incident de parcours…