Météo syndicale

mis en ligne le 3 avril 2014
« Ils croyaient pour la plupart, avec la foi du charbonnier, que la gauche, une fois au pouvoir, résoudrait la question du chômage, renforcerait les droits des travailleurs, rabaisserait le caquet des patrons, impulserait la démocratie économique et même rétablirait le prestige de la France, patrie des droits de l’homme et tutti quanti. Comme vous avez pu le constater, la gauche au pouvoir a fait exactement le contraire de ce que je viens d’énumérer. » Ainsi s’exprimait le camarade Jacky Toublet dans une interview aux éditions Agone (par Frank Poupeau et Pierre Rimbert). Il parlait des années 1970 et du Programme commun de la gauche. Lequel programme était quasiment passé dans les statuts de la CGT. Et quand quiconque dans les instances de la CGT (voire carrément au congrès annuel de l’organisation syndicale, comme l’avait fait le Syndicat des correcteurs…) mettait en question ce dogme, il était plus considéré comme un fou qu’un opposant politique ! À méditer en ce moment où dans les rangs syndicaux on parle d’espoir déçu tout en enfonçant des portes ouvertes…
En ce printemps 2014, plus de Programme commun, et une nouvelle fois la gauche à la sauce socialiste française est au pouvoir. Les discours changent et dans les rangs des parlementaristes de tout poil, les discours s’enchevêtrent : « espoir déçu » et, entre autres, face au duo gouvernement/patronat, la grande question : « Hollande peut-il tourner à gauche ? »
Au marasme syndicaliste, ajoutez la reculade du conseil constitutionnel sur la loi Florange, le statut des intermittents promis à la moulinette… et vous aurez tous les ingrédients pour une révolte du monde du travail. Mais ça ne se décide pas d’un coup de baguette magique et les réflexes politiciens encombrent le syndicalisme.
Pierre Monatte à la Libération croyait encore à un réveil syndicaliste en écrivant : « Mais aveugle serait celui qui ne verrait pas, en bas, s’enfonçant dans les syndicats, d’un bout à l’autre du pays, nombre de vieux et de jeunes hérétiques. Ils sentent que le syndicalisme est en danger, et avec lui la défense de la classe ouvrière, et ses espérances 1. » Le moins qu’on puisse dire c’est qu’en ce printemps le ciel est un peu sombre !







1. Pierre Monatte, Où va la C.G.T. ? (1946). Brochure publiée par l’équipe de La Révolution prolétarienne en mai 1946 (la revue attendant la levée de la censure et de l’autorisation préalable, qui aura lieu début 1947, pour reparaître). Le texte est disponible sur le site monde-nouveau.net, tout comme l’interview de Jacky Toublet.