Hardi les cheminots, ne foirez pas !

mis en ligne le 18 juin 2014
1745CheminotÀ l’heure où vous lirez ces lignes écrites le vendredi 13 juin après midi, il est possible que la grève déclenchée à la SNCF et commencée le mardi 10 juin au soir se poursuive, comme il est possible que les cheminots en lutte aient décidé d’y mettre un terme. Quoi qu’il en soit, cette grève marque une nouvelle étape dans la longue bataille des travailleurs du rail contre le démantèlement du service public ferroviaire et pour la défense de notre statut et de nos conditions de travail.
La réforme ferroviaire décidée par le gouvernement a fait l’objet d’un intense lobbying du patronat : ce qu’ils veulent, c’est briser les lieux de résistance ouvrière, démanteler les derniers services publics, accentuer les privatisations et la sous-traitance, renforcer le dumping social pour faire éclater les réglementations du travail, augmenter la productivité et les profits en transformant la SNCF en une machine de guerre économique à la conquête du marché ferroviaire européen et mondial.
Les cheminots et leurs organisations syndicales combatives luttent depuis plus d’un an pour s’opposer à l’appétit féroce et sans limites de la sauvagerie capitaliste : en 2013, deux grèves ont eu lieu les 13 juin et 12 décembre pour dénoncer le projet de loi sur l’organisation du système ferroviaire. Le 22 mai 2014, 22 000 cheminots ont défilé dans les rues parisiennes en guise de dernier avertissement au gouvernement. Depuis, le 10 juin, une grève reconductible a été appelée par la CGT et SUD-Rail rejoints depuis par la CGT-FO et First (petit syndicat né en 2011 de l’éclatement de la CFTC-Cheminot).
La plate-forme revendicative commune adoptée par la CGT et SUD-Rail et reprise par toutes les assemblées générales des cheminots en grève est claire et solide :
– annulation ou retrait du projet de loi du gouvernement sur la réforme ferroviaire ;
– réintégration du système ferroviaire dans une seule entreprise publique (1 seul établissement public industriel et commercial (Epic), pas 2 comme depuis 1997 (RFF et SNCF), pas 3 comme dans le projet de loi) ;
– non-remise en cause du RH 0077 et du statut, leur amélioration et leur extension à tous les salariés du secteur ferroviaire ;
– arrêt de l’éclatement de l’entreprise SNCF, des démantèlements, filialisations et privatisations (le groupe SNCF comprend près de 650 filiales et sociétés diverses) ;
– annulation de la dette imposée par l’État depuis des années aux entreprises publiques ferroviaires.
Le patronat et le gouvernement intensifient leur propagande et multiplient les mensonges aux usagers et aux cheminots :
– la réforme ferroviaire est inéluctable et sauverait le système ferroviaire français : le projet de loi prévoit trois entreprises séparées avec trois conseils d’administration différents. La dette de près de 40 milliards d’euros que l’État a imposée au service public ferroviaire serait intégralement supportée par les cheminots, dont les gains de productivité serviront à rembourser les intérêts aux banques. La non-reprise par l’État de sa dette étouffera le chemin de fer et empêchera tout développement et toute modernisation ;
– nos conditions de travail et notre statut ne seraient pas menacés : l’article 13 du projet de loi prévoit l’abrogation pure et simple du texte régissant les conditions de travail des cheminots, le RH 0077. Ayant fait tabula rasa de nos conditions de travail, des « négociations » s’engageraient ensuite pour adopter un « cadre social harmonisé » commun aux 150 000 travailleurs du rail du secteur public et 5 000 travailleurs du rail du secteur privé, cadre social défini par une convention collective alignée sur les conditions les plus basses, ce qui signifierait que les 150 000 cheminots de la SNCF s’aligneraient sur les 5 000 cheminots du privé et non l’inverse. En 2013, 25 % des embauches ne se sont pas faites au statut et se sont tenues sur des bases contractuelles. La séparation du système ferroviaire et la filialisation vont développer les embauches de contractuels qui, à terme, deviendront majoritaires, le statut s’effondrera alors de lui-même.
La CFDT soutient, quant à elle, totalement la réforme du gouvernement et appelle celui-ci à « résister aux organisations syndicales » et aux cheminots en grève. La CFDT s’engage massivement dans la collaboration de classe espérant devenir le partenaire soumis et privilégié de la direction : depuis le début de la grève, la SNCF rediffuse ainsi massivement en interne les tracts et communiqués des jaunes de la CFDT. Pour autant, les jaunes, le patronat et le gouvernement sont loin d’être sereins, il savent que la mobilisation à la base et dans les assemblées générales est forte et déterminée. Guillaume Pepy, patron de la SNCF nommé par Sarkozy et dont le mandat a été maintenu et confirmé par le gouvernement de gauche, l’avouait ainsi lors de son tchat aux agents SNCF du 5 juin 2014 : « Mon second argument tient au fait que cette grève me paraît potentiellement dangereuse. Si elle était reconduite et entraînait des perturbations excessives dans le pays, je crois que le gouvernement, qui se trouve dans une position affaiblie, pourrait être tenté d’annuler la réforme. »
Cette grève est décisive pour l’avenir des cheminots et du service public ferroviaire. Mais mettre en échec le gouvernement et le patronat sur son projet de réforme ferroviaire n’est pas suffisant, il faut construire notre propre service public ferroviaire libertaire, géré directement et organisé sur une base fédéraliste par les collectifs d’usagers et de travailleurs du rail après avoir exproprié les capitalistes et les patrons. Il n’y a pas de capitalisme acceptable, négociable ou à visage humain, la grève générale expropriatrice est bien le préalable nécessaire à la révolution sociale et libertaire qui réglera le problème social.

Voie libre
Liaison des cheminots de la FA
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