Unité féminine et spécificité anarchiste

mis en ligne le 26 juin 2014
Femmes libres a dit et répète que l’unité féminine ne l’intéresse pas, parce qu’elle ne représente rien. Mille fois sa voix clama l’unité politique et syndicale, la seule qui soit efficace et utile à notre cause, et Femmes libres se réjouit que cette unité ait été finalement concrétisée dans le Front populaire antifasciste.
Notre fédération a une tendance avouée : la tendance libertaire représentée dans ce front, et c’est pourquoi Femmes libres n’a pas demandé à y être incluse ; s’il n’en avait pas été ainsi elle l’aurait demandé, parce que c’est là que la véritable unité se forge et devient effective.
Cette explication pourrait nous suffire : nous travaillons à l’intérieur de notre tendance et, puisqu’un pacte existe entre toutes les tendances, celui de l’unité d’action pour l’objectif immédiat qui est de gagner la guerre, que chaque groupe féminin verse pareillement ses activités sans son parti, et, de la même manière, le profit reviendra à la cause commune. Car personne n’ignore que l’on ne cherche que l’unité d’action, la fusion de tendance n’étant pas réalisable car incompatible avec la diversité humaine.
Qui pourrait dire, après cette réponse, que notre attitude n’est pas raisonnable et claire ? De quelle unité nous parle donc Femmes antifascistes ?
Voyons – et remarquez que nous préférions taire ces choses – Femmes antifascistes est un prolongement des anciens Comités contre la guerre et contre le fascisme. Ces comités furent organisés à base d’éléments féminins de tous les partis cherchant ainsi une plus grande efficacité pour la propagande politique de gauche parmi les femmes. Mais le fait est qu’à la faveur de ces comités fut créée l’organisation des Femmes antifascistes, organisation sans nuance politique, dont le programme immédiat est l’aide à l’effort de guerre et dans laquelle entrèrent de grands noyaux de femmes sans autre objectif que celui de s’attacher à certains avantages que leur affiliation pouvait leur offrir, avantages parfois d’ordre politique, parfois d’ordre économique.
Et ainsi l’organisation Femmes antifascistes absorba peu à peu les activités féminines de chaque tendance, jusqu’à les annuler presque à l’intérieur de chaque parti, faisant en sorte que les femmes, étant donné les objectifs immédiats, oublient la véritable finalité de notre lutte. Ce que nous disons est si vrai que c’est démontré par le fait qu’il ne suffit pas qu’un parti déterminé – X ou Y – fasse partie du comité pour que n’importe quel avantage qui peut être accordé à Femmes antifascistes soit accordé à une campagne de ce parti – l’accès à l’économat, par exemple. Elle doit présenter le carnet de cotisation de cette organisation, comme si celui du parti n’était pas une garantie suffisante d’antifascisme.
Pourquoi donc manipuler ces comités composés de toutes les tendances comme s’il s’agissait d’un front féminin antifasciste, alors qu’une seule organisation absorbe en réalité toutes les activités et profite, pour son bénéfice propre, du crédit des autres ?
Notre fédération a une personnalité marquée, c’est une organisation révolutionnaire qui a son propre point de vue sur la lutte espagnole et est clairement consciente de sa mission qui va au-delà de l’antifascisme borné.
En échange, Femmes antifascistes est un composé ambigu, et sans tendances, à la merci des plus habiles ou des plus avisés qui voudront l’utiliser, tandis qu’à leur tour les comités contre la guerre et contre le fascisme sont utilisés par elles.
C’est clair : avant de se laisser absorber sciemment, Femmes libres préfère continuer son chemin comme elle l’a fait jusqu’ici, représentée par la tendance libertaire dans l’unité du Front antifasciste, en marge si c’est nécessaire de n’importe quelle aide officielle que d’autres obtiennent, mais en conservant intégralement son caractère et sa personnalité.
C’est tout, en plus de quelques différences de tactiques inévitables qui ne renforceraient pas nos arguments. Femmes libres travaille, avec ses faibles moyens, aussi activement que peut le faire Femmes antifascistes, pour aider au triomphe de notre guerre, avec l’avantage que jusqu’à la dernière de ses composantes elle lutte avec pour seul encouragement sa conviction et son idéal.

Lucia Sanchez Saornil