Málaga, 1940 : interdiction de marcher à gauche

mis en ligne le 30 octobre 2014
Le franquisme n’aimait pas la gauche, même quand il s’agissait de marcher de ce côté. Parmi les mesures prises pour durcir l’ordre établi et contrôler la morale, il instaura l’obligation pour les piétons de marcher sur le côté droit des trottoirs. Un décret de la mairie de Málaga émis le 12 avril 1940 fixait cette norme. Les contrevenants qui se faisaient prendre risquaient une amende pouvant s’élever à cinq pesetas. Les agents municipaux étaient chargés de veiller à l’application du décret et de sanctionner les passants qui se déplaçaient sur le côté gauche.
Selon l’édition du journal Sur en date du 18 avril 1940, le montant des contraventions distribuées atteint presque 3 000 pesetas en cinq jours. Les agents municipaux, carnet à souches en main appréhendaient les passants qui enfreignaient le décret et leur faisaient payer la somme prévue pour cette désobéissance. Les hommes étaient plus rétifs que les femmes à cheminer toujours sur la droite.
On assista à une infinité de scènes, allant de l’individu qui s’enfuyait à toutes jambes pour échapper à l’amende quand il était surpris en flagrant délit par le policier, à ceux qui contestaient et s’entêtaient à exiger qu’on leur annule la contravention. Le témoignage d’un agent municipal de l’époque rapporte : « L’autre jour j’ai dû appréhender un homme qui s’était engagé dans la rue Larios sur son côté gauche. Il a fait un tel scandale que ça a provoqué un attroupement, et à la fin il a dû payer l’amende maximum : cinq pesetas. »

Contrôle des baigneurs
Ne pas se conformer aux normes était donc sanctionné par des amendes pouvant atteindre cinq pesetas. Le régime ne se contentait pas de surveiller les rues, il sanctionnait aussi ceux qui arboraient à la plage un maillot de bain jugé indécent. Les bords de mer furent soumis à une surveillance totale. En juin 1940, le gouverneur civil de la province, José Luis de Arrese, ordonna aux maires des municipalités côtières de veiller à l’accomplissement du respect de la morale et à la conduite que devaient suivre les baigneurs et baigneuses. Ainsi hommes et femmes devaient se trouver dans des zones distinctes de la plage. On interdit également aux femmes d’utiliser des maillots de bains masculins. Pour les hommes on ne permettait pas le port d’un maillot ne recouvrant pas le haut du corps. Un autre point de la décision gouvernementale interdisait de sortir de la zone de baignade en maillot de bain ou en peignoir. Interdiction aussi pour bronzer de porter un maillot plus petit que celui employé pour se baigner.
Les maires avaient le pouvoir de fixer le montant des amendes qui pouvaient aller de 10 à 500 pesetas pour les baigneurs/baigneuses qui ne respectaient pas les normes. En plus d’avoir à payer ces contraventions, leur nom était publié dans la presse afin que tout le monde en soit informé.
Le franquisme put compter sur l’aide de l’Église officielle pour les questions relatives à la morale. Il s’agissait de contrôler aussi bien la vie publique que privée de la population. Les Malaguènes indociles savaient à quoi s’attendre : payer l’amende et être désignés par le doigt inflexible de la censure.

Ángel Escalera